Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/403

Cette page n’a pas encore été corrigée
787
788
FRAUDE


tait sa promesse, sans soulever l’exception de dol, il n'était pas, pour cela, complètement désarmé. L’action appelée condiclio indebiii restait à sa disposition. Grâce à elle, il pouvait se faire rembourser ce qu’il avait indûment payé. Cf. Digeste, 1. XLIV, tit. iv.

Si, au contraire, le trompeur était celui-là même qui avait fait la promesse, l’autre contractant n’avait pas en sa faveur l’exception du dol, qui, en l’espèce, n’aurait eu aucune raison d'être par rapport à lui ; mais il pouvait intenter une action pour se faire indemniser, et cette action s’appelait aclio de dolo.

Dans certains cas, la victime pouvait iaire annuler complètement la convention, en obtenant que les choses fussent remises en l'état où elles se trouvaient avant l’acte : c'était la restilutio in inlegrum.

b) Pour la fraude émanée d’un tiers, on pouvait non seulement par l’action de dolo demander réparation à ce tiers, cause du dommage, mais même à la partie contractante, persistant à vouloir profiter d’un contrat que la partie lésée n’avait signé que trompée par les manœuvres frauduleuses du tiers. En supposant, en effet, que le contractant, au début, eût agi de bonne foi et n’eût causé volontairement aucun préjudice, instruit, dans la suite, du véritable état de la question, il se rendait, à son tour, coupable de fraude, quand il voulait abuser de la position fâcheuse où s'était mise, par la faute d’un tiers, l’autre partie contractante. Cf. Digeste, 1. XLII, tit. iv, 1. 1-15 ; Mommsen et Krueger, Corpus furis ciuilis, t. i, p. 717-719.

c) Quelquefois le débiteur concluait avec d’autres personnes des actes propres à le rendre insolvable, ou, du moins, à augmenter son insolvabilité. Le droit autorisait alors le créancier à invoquer contre lui ïinterdictum fraudalorium.

4. L’action de dolo était, de soi, très grave dans ses conséquences. Considéré comme un délit véritable, le dol entraînait pour celui qui était juridiquement convaincu de s’en être rendu coupable l’infamie et toutes les flétrissures légales qui en découlaient. Aussi n'était-elle accordée par le magistrat au demandeur que lorsque celui-ci n’avait aucun autre moyen de se faire indemniser. C'était l’ultimum subsidium. D’ordinaire même, elle était refusée entre ascendants et descendants, patrons et affranchis, etc. Cf. Digeste, 1. IV, tit. iii, lex 1, Si de his rébus alicu aclio non eril ; leg. 7, 9, Ex magna et cvidenli calliditate. Cf. Mommsen, Manuel des antiquités romaines. Droit pénal, 1. IV, sect. v, n. 680, t. xviii, p. 403.

5. Dans l’ancien droit romain se retrouve souvent aussi l’expression fraudem legi facere. Par la fraude à la loi on entendait l’acte qui, en se dissimulant sous les apparences de la légalité, ou en se tenant trop strictement à la lettre de la loi, violait non le texte de la loi elle-même, mais ses intentions, sa pensée, son esprit, en somme, allait à rencontre de la loi et de la légalité : In fraudem facit qui, suivis verbis legis, sententiam cjus eircumvenit ; fraus enim legi fit, ubi quod fieri noluit, fieri autem non vetuit, id fit. En d’autres termes, c'était tourner la loi, l'éluder, en violer l’esprit, tout en respectant la lettre. Cf. Digeste, 1. I, tit. iii, De legibus, leg. 29, 30 ; Mommsen et Krueger, Corpus juris civilis, t. i, p. 34 ; Mommsen, Manuel des antiquités romaines. Droit pénal, 1. I, sect. vu, La volonté, n. 88, t. xvii, p. 101.

Droit français.

1. La fraude, suivant le droit

français, est l’acte illicite par lequel, en usant de moyens contraires à la bonne foi, on se procure un avantage, même une simple satisfaction, aux dépens d’autrui. Le Code civil, par l’art. 1134, la proscrit impli itement, en faisant de la bonne foi la règle de l’exécution des conventions.

2. Très souvent, dans le droit français : lois, arrêts, édils, etc., les mots fraude et dol sont pris comme

synonymes, l’un étant employé pour l’autre, et réciproquement ; ou l’un étant défini par l’autre. Le dol, par exemple, est appelé manœuvre frauduleuse ; et la fraude, de son côté, est appelée manœuvre doleuse, a. 1150, 1151. Il semblerait donc que parfois le dol est considéré par le droit comme une espèce du genre fraude ; parfois, au contraire, c’est la fraude qui serait considérée comme une espèce du genre dol. Si on s’en tenait aux textes de cette catégorie, on aurait de la peine à trouver la clarté. Cf..Merlin, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, au mot Dol, 30 in-8°, Paris, 1826-1828, t. viii, p. 249 sq.

Ailleurs, cependant, le droit distingue la fraude du dol. Celui-ci est une tromperie, appuyée sur le mensonge pour induire en erreur quelqu’un avec qui l’on contracte, afin de surprendre son consentement, en lui présentant comme vrais les faits énoncés, quand, en réalité, ils ne le sont pas. Cf. Code civil, a. 1116, 1167, 1353. Le simple mensonge ne serait pas un dol : il faut que ce mensonge ait pour but un dommage à produire.

La fraude, au contraire, agit plutôt après coup. Elle atteint la partie contractante, tandis que celle-ci est pleine de confiance sur l’exécution du contrat. Souvent, la fraude ainsi comprise est perpétrée avec des moyens en apparence parfaitement légaux en soi, mais qui, dans leur ensemble et dans leurs fins, violent la loi et la justice tout en feignant de les respecter.

A la différence du dol, la fraude n’existe que si réellement le dommage est produit ; d’où l’adage : fraus non in consilio, sed in evenlu. Tel serait le cas, par exemple, d’un débiteur qui reconnaît sa dette, mais qui, pour éviter de payer, aliène ses biens, de manière à devenir insolvable. L’acte accompli par lui n’avait rien d’illicite en soi, car un débiteur, par le seul fait qu’il est débiteur, n’est pas privé du droit de gestion qu’il a par rapport à ses biens ; mais les circonstances démontrent que cet acte d’aliénation n’a eu lieu que pour causer un préjudice à autrui. Si, ensuite, le débiteur ainsi devenu volontairement insolvable recueille une succession sur laquelle le créancier parvient à se faire payer, l’acte malhonnête du débiteur n’ayant eu, en réalité, aucune conséquence préjudiciable au créancier, la fraude, légalement, n’existe plus.

3. Ainsi la fraude n’a pas, comme le dol, pour objectif de surprendre le consentement de la partie contractante ; mais celui de la frustrer de l’avantage qu’elle attendait légitimement du contrat. La personne qui intente un procès pour fraude ne se plaint pas d’avoir fait un mauvais marché par suite d’une tromperie dont elle serait victime. Elle ne demande donc pas l’annulation ou la résiliation du contrat ; elle y tient, au contraire, et entend en profiter ; mais elle se plaint que le contractant manque de loyauté dans l’exécution de la convention, et lui cause ainsi du tort. Cf. Toullier, Le droit civil français suivant l’ordre du code Napoléon, 14 in-8°, Paris, 1846-1848, t. ni b, p. 225 ; Colmet de Santerre, Cours analytique du code civil, 9 in-8 » , Paris, 1878, t. v, p. 133 ; Laurent, Principes du droit civil, 1. III, tit. iv, c. iv, sect. iii, a. 2, n. 441 sq., 41 in-8°, Paris. 1878-1903, t. xvi, p. 507 sq.

4. Quand le débiteur, pour éviter de payer sa dette, vend ses biens immeubles et en convertit le prix en rentes insaisissables, ou en titres au porteur, la loi donne au créancier ainsi lésé le droit de poursuivre l’annulation de la vente, par l’action révocatoire. Code civil, a. 1167. Cet article, cependant, ne fait que poser le principe de l’action révocatoire, sans aucun développement sur sa matière et ses effets ; de sorte que le droit français, considéré en lui-même, protège moins