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FRAUDE


    1. FRAUDE##


FRAUDE. — I. Définition. II. Historique. III. Enseignement des théologiens.

I. Définition'. — Par fraude, on entend, en général, tout artifice ou toute machination dont une personne se sert pour en tromper d’autre et s’enrichir à leurs dépens, principalement celles avec lesquelles elle fait un contrat ou une convention. La fraude est aussi l’acte par lequel, pour léser le fisc, on soustrait des marchandises, ou des denrées, aux droits de douane ou d’octroi, en tout ou en partie.

Trop souvent, cependant, les auteurs, même les juristes et les théologiens, ne s’accordent pas sur le sens exact à donner au mot fraude, et confondent celle-ci avec le dol, la dissimulation, le faux, etc. Sa signification précise se dégagera mieux des considérations historiques qui vont suivre.

II. Historique.

Droit romain.

1. Au sens

obvie, le mot latin fraus correspond parfaitement au mot français fraude, et peut se traduire par fourberie, ruse, tromperie, tricherie, supercherie, mauvaise foi, etc. A l’origine, il exprimait simplement un préjudice, un tort, un dommage causé à quelqu’un, même sans l’intention de lui nuire. Cf. Loi des Douze Tables ; lois Hubria ; loi Aquilia ; loi /Elia Sentia, etc. On retrouve encore ce mot employé dans un sens analogue par Cicéron, Tite-Live, César et d’autres auteurs de diverses époques. Cf. Forcellini, Lexicon totius latinitatis, au mot Fraus, 10 in-fol., Prato, 1870-1887, t. iii, p. 138 sq. Le droit romain primitif ne se préoccupait donc que du fait extérieur, tort, préjudice matériel, sans rechercher les intentions secrètes, et les pensées plus ou moins coupables ayant préparé et amené le dommage.

Plus tard seulement, les Romains, ayant étudié avec plus de soin et plus profondément le côté psychologique de la question, reconnurent que le dommage matériellement injuste, noxa, était d’ordinaire le résultat bien prévu et bien prémédité d’une volonté lemment perverse. L’acte ainsi préjudiciable fut aussi appelé fraus. Ce mot, dès lors, exprima un dommage intentionnellement causé, le plus souvent avec l’intention d’en retirer un profit, aux dépens de la n i< lime.

si pour ce motif que le célèbre jurisconsulte llpieii réunit la fraus à la noxa. l’intention prémédité) de nuire devenant, des lors, une cause de châtiment et de réparation pour le dommage causé. Cf. Digeste, I. L, tit. xvi. De verborum signifleatione, p. 131, ex Ubro III ad legem Juliam ri Papiam ; Foramiti, Corpus /mis cioilis, 9 in-fol., Venise, 1836-18 1 1. t. n b, p. 1215 ; Krieger, Corpus furis civilis, 3 in-l°, Leipzig, 1870, t. I, p. 967 ; Mommsen et Krueger, Corpus furis

cioilis, 3 in- 1°, Merlin. 1908, t. i, p. 914 ; Mommsen, Manuel des antiquités romaines. Droit pénal, 1. 1, sect. vil, La volonté, n. 87, 19 in-8°, Paris, 1887-1907,

t. II, p. |Hl.

l. La fraude ainsi comprise se rapprochait très sensiblement du dol, et ces deux expressions se rencontrent touvent associées comme synonymes, dans les lois, édits, décrets, commentaires, gloses, textes juridiques de tout genre, comme aussi chez les écrivains d’ordre plutôt littéraire'. I.a seule différend qu’on mettait entn elles, supposé que parfois on en tint compte, c'était que le dol s’accomplissait soit par les

paroles, soit par les a. les, tandis que la fraude s’opérait par I ni, ne ni. (.1. | on lit in. /

totius latinitatis, aux mots Dolus, (. ii, p. 780 ; Fraus,

' ni. p. 139 toute fraude « 'Put un dol : mais tout dol il pas une fraude.

jurisconsultes distinguèrent, « les lors,

i d) dois. L’une était appelée

.us malus. Iidol Offensif, injurieux, injuste, ou

propre m. m « hic. par < « terme, ainsi pi. itendak-nl tout < « qui ivail pour but de tromper

autrui, surtout la partie contractante, et de lui nuire dans le dessein d’acquérir un avantage ou un profit à son préjudice, soit par le silence, soit par le mensonge, soit par des actes dirigés contre ses intérêts : omnem eallidilatrm, fallaciam, machinationem ad circumveniendum, fallendum, decipiendum adhibitam. Cf. Cicéron, De ofliciis, III, 14 ; Topic., IX ; Tite-Live, XXXVIII, 11. Comme l’expliquaient les commentateurs, callidilas fit tacendo ; fallacia, mentiendo ; machinalio arle verborum. Digeste, 1. IV, tit. iii, 1. 1. La seconde espèce de fraude était le dolus bonus, ou dol défensif, adresse, habileté, ruse, expédients pour se protéger contre des violences, une injustice, un empiétement ou mauvais procédé, éviter un piège tendu à la bonne foi, etc. C'était le cas de légitime défense, le dol défensif. A trompeur, trompeur et demi. Les marchands s’en servaient aussi pour écouler plus facilement leurs marchandises, et à des conditions plus avantageuses ; les acheteurs, pour payer moins cher. Alors, comme aujourd’hui, les exagérations des uns vantant outre mesure les objets qu’ils mettaient en vente, comme celles des acheteurs dépréciant à plaisir les objets convoités, pour les avoir à meilleur compte, ne trompaient personne. Elles constituaient bien une tromperie, ou une fraude, mais à laquelle personne, si ce n’est les nigauds, ne se laissait prendre. (/était donc, un dolus, oui ; un procédé qu’une conscience délicate eût repoussé et réprouvé ; mais, en somme, un dolus bonus, une fraude à peu près innocente, et ne tirant pas à conséquence, si ce n’est pour celui qu’une naïveté trop grande poussait à donner dans le piège assez visible pour qu’il fût bien facile de l'éviter. Cf. Digeste, 1. IV, tit. iii, De dolo imrfo, lex 1 ; Mommsen et Krueger, Corpus juris civilis, t. i, p. 82 ; Mommsen, Manuel des antiquités romaines. Droit pénal, 1. I, sect. vii, La volonté, n. 87 sq.. t. xvii, p. 99 sq.

3. La fraude proprement dite, ayant pour but, en général, d’induire en erreur une des parties contractantes, entraînait, par suite, un vice de consentement, mais non l’absence complète du consentement luimême. En droit strict, le contrai ainsi conclu, avec toutes les apparences de la légalité, était donc valable, et obligeait même la partie trompée. Tel était le principe constamment appliqué par le droit romain à ses débuts, vu la raideur qui le caractérisait alors.

Peu à peu, cependant, ce système rigoureux parut trop sévère, et les lois s’efforcèrent de proléger celui que les manœuvres frauduleuses de l’autre avaient lésé dans ses intérêts. Les circonstances de l’acte indiquaient la mauvaise foi de l’un d’eux ; l'équité exigeait donc que l’acte fùl considéré connue non avenu, en partie du moins, et quelqueiois en totalité.

Les lois allèrent même beaucoup plus loin, et tendirent à proléger la victime, même « 'outre les fraudes émanées d’un tiers.

a) Pour les fraudes entre parties contractantes, si

celui qui était I rompe avait fait une promesse, il pouvail al tendre, avanl de la réaliser, que le trompeur vinl lui en demander l’exécution : et si un procès lui élait intenté à ce sujet, il pouvait repousser

l’action dirigée contre lui. en invoquant l’exception de « loi. exceptio doli. <)elle-cl même devait et re soulevée d’office par le magistrat, car elle était toujours sousentendue dans les compromis, contrats, n nents

de bonne foi : si m < <i n mliil dolo malo / « " lnni sil. nn/iir

fini. D’ailleurs, les Romains, qui se connaissaient entre eux il n’avaient qu’une confiance relative dans leur bonne foi réciproque, faisaient très Bouvent jurer a ceux avec « pii ils traitaient qu’aucune fraude n’i tait commise et qu’aucune ne le serait « tins le but d « luder, in tout on en partie, les obligations contractées : dolum malum abesse abfulurum. De la naissait l’action ex Bttpulalu. Même si celui qui avait été trompé i