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FRANC-MAÇONNERIE

sur le monde le mensonge doctrinal et la corruption morale. Tout ce que les hérésies anciennes ont accumulé d’erreurs et de blasphèmes se trouve concentré dans l’enseignement de ces hommes, écrit le pontife.

Durant son long et glorieux règne, Pie IX ne s’est montré ni moins énergique, ni moins vigilant que ses immortels prédécesseurs sur la chaire de saint Pierre. Dès son avènement, dans l’encyclique Qui pluribus, 9 novembre 1846, il anathématisa à son tour les sociétés secrètes, causes des perturbations dont souffraient l’Europe et principalement l’Italie.

Le 8 décembre 1864, dans l’encyclique Quanta cura, il stigmatise, entre autres, la théorie insensée de ceux qui prétendent que la sanction pontificale n’atteint pas les sociétés secrètes tolérées par les gouvernements civils : ipsos minime non pudet affirmare… constitutiones apostolicas, quibus danmantur clandeslinæ societates sive in eis exigatur sive non exigatur juramentum de secreto servando earumque asseclæ et auctores anathemate mulctantur, nullam habere vim in illis orbis regionibus, ubi ejusmodi aggregationes tolerantur a civili gubernio. Denzinger, Enchiridion, ii. 1697. On connaît aussi la lettre de Pie IX à Mgr Darboy, en date du 26 octobre 1865, au sujet des obsèques du maréchal Magnan, dans lesquelles les insignes maçonniques du défunt avaient été placés sur le catafalque. La condamnation des sociétés secrètes est rappelée dans le Syllabus. Ibid., n. 1718 a. Le 12 octobre 1869, résumant, dans l’art. 4 de la bulle Apostolicæ Sedis, toutes les dispositions antérieures des constitutions pontificales, Pie IX formule ainsi le texte qui, depuis lors, fait loi dans la matière : Nous déclarons soumis à l’excommunication latæ sententiæ, réservée au souverain pontife : Ceux qui donnent leur nom aux sectes des francs-maçons ou carbonari, ou bien, aux associations du même genre qui conspirent soit publiquement, soit en secret contre l’Église ou les pouvoirs légitimes : de même ceux qui favorisent ces sociétés de n’importe quelle façon : et aussi, ceux qui n’auront pas soin de dénoncer leurs chefs et les coryphées de la secte, tant qu’ils n’auront pas fait celle dénonciation.

Il résulte de ce texte : 1° que le seul fait de l’affiliation à la Franc-Maçonnerie, par l’inscription de son nom dans les rôles des sociétés de ce genre, par l’assistance aux réunions des carbonari, même avec l’intention de dénoncer leurs projets, rend passible de l’excommunication. Le dernier des apprentis, le philanthrope qui s’y enrôle sous prétexte de faire partie d’une société de bienfaisance et refuse de se rendre aux avertissements qui lui sont faits, sont également compris dans l’anathème qui frappe ces associations coupables : nomen dantes sectæ massonicæ.

2° Le législateur enveloppe dans la censure toutes les sociétés du même genre, c’est-à-dire les associations secrètes ayant pour but de conspirer contre l’Église et les autorités légitimes. Ce sont là les deux traits caractéristiques des sectes visées, et assimilées aux francs-maçons et aux carbonari.

Dans son instruction du 10 mai 1884, pour enlever tout doute au sujet des sociétés secrètes atteintes par les censures pontificales et des sociétés qui sont simplement prohibées sans censure, le Saint-Office a déclaré : Certum imprimis est, excommunicatione latæ sententiæ mulctari massonicam aliasque ejus generis sectas, quæ… contra Ecclesiam vel legitimas potestates machinantur, sive id clam sive palam fecerint, sive exegerint sive non a suis asseclis secreti servandi juramentum. Præter istas sunt et aliæ sectæ prohibitæ atque sub gravis culpæ reatu vitandæ, inter quas præcipue recensendæ illæ omnes quæ a sectatoribus secretum nemini pandendum et omnimodam obedientiam occullis ducibus præstandam jurejurando exigunt. Animadvertendum insuper est, adesse nonnullas societates, quæ, licet certo statui nequeat, pertineant necne ad lias, quas memoravimus, dubiæ tamen et periculi plenæ sunt tum ob doctrinas quas profitentur tum ob agendi rationem, quam sequuntur ii, quibus ducibus ipsæ coaluerunt et reguntur. Denzinger-Bannwart. Enchiridion, n. 1860, 1861.

3° Ceux qui, d’une manière quelconque, favorisent la Franc-Maçonnerie ou des sociétés congénères, sont également soumis à la censure pontificale. Se trouvent dans ce cas les personnes qui donnent aux sectaires l’hospitalité ou un abri qu’elles pourraient refuser sans grave inconvénient ; ceux qui acceptent en dépôt, impriment, vendent, propagent les livres, tracts, codes, catéchismes, statuts, revues, apologies, journaux de ces sectes ; ceux qui deviennent actionnaires de sociétés éditrices de ces publications, abonnés, correspondants, fauteurs actifs, par appui réel, ou négatifs, par refus de sévir, une fois mis en demeure d’agir, etc., iisdem seclis favorem qualemcumque præstantes.

4° Il y a enfin obligation de dénoncer, sous peine de censure, les coryphées et les chefs occultes de ces associations dangereuses. Il s’agit ici de la dénonciation judiciaire, qui a pour objet de sauvegarder le bien public, tandis que la dénonciation évangélique ou paternelle ne comporte qu’une réprimande ou une correction personnelle, pour ramener un coupable à résipiscence.

On a été assez embarrassé au début pour la portée à donner aux expressions : duces et coryphæos occultos soumis à la dénonciation. Le Saint-Office, dans la circulaire de février 1871 à l’épiscopat, semble avoir circonscrit la signification de ces mots : il les traduit par machinationum artifices et directores. Il s’agit de savoir si, de fait, tous les dignitaires et les gradés, depuis le 3e degré inclusivement, rentrent dans cette catégorie ? Au sommet de la Franc-Maçonnerie il y a le directoire supérieur, composé de neuf membres, très occultes, nommés à vie, dépositaires de tous les secrets. Ces chefs suprêmes forgent les complots et tiennent tous les fils des conspirations. Sans hésitation, ceux-là doivent être dénoncés. Peut-être, d’après certains auteurs, ne pourrait-on pas rigoureusement appliquer la même règle aux présidents des diverses branches qui travaillent sous la direction du conseil suprême et lui sont subordonnés. Ainsi en serait-il des chefs du Grand-Orient de France, des délégués du grand convent annuel formant le pouvoir exécutif, comme ceux de la Grande Loge symbolique écossaise. Les présidents de ces conseils ne peuvent guère être qualifiés de machinationum artifices et directores. Ils travaillent en sous-ordre.

Une fois l’obligation de dénoncer établie, le devoir doit être rempli exactement, dans le délai d’un mois. Le fils n’est pas dispensé de dénoncer son père, et réciproquement. L’époux doit agir de même à l’égard de son épouse, le frère à l’égard de sa sœur, etc. Le bien général de la société requiert cette sévérité. Il faudrait un très grave dommage à redouter pour exempter quelqu’un de la dénonciation de ces chefs occultes ; lors même que leurs noms seraient publiés dans les journaux. Le motif de cette décision du Saint-Office est fondé sur les supercheries auxquelles recourent les loges, en livrant au public des noms d’emprunt. La dénonciation, telle que nous l’avons caractérisée, doit être faite devant le tribunal de l’évêque. D’après une déclaration de la S. Pénitencerie, la censure, encourue, pour défaut de dénonciation, tombe ipso facto, aussitôt que ce devoir a été rempli.

Léon XIII a condamné directement la Franc-Maçonnerie, le 20 avril 1884, dans l’encyclique Humanum genus, ainsi que nous l’avons rappelé au début de cet article.