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FRANC-MAÇONNERIE

fane ; il reçoit la vraie lumière, celle de l’Étoile flamboyante. Il parvient ainsi à la vraie liberté, à la dignité des initiés. Quand il sera maçon, il sera un penseur et un sage. Quand il a passé entre les deux colonnes, quand il a étudié les arts libéraux, le compagnon prépare sa divinisation, ou son entrée dans l’humanité. Il est supérieur aux profanes et il arrive à la sérénité de l’état parfait. Le maître est complément transfiguré et divinisé. Il s’est dépouillé des anciens préjugés et des vices du monde profane, il est né à une vie toute nouvelle, la vie maçonnique. Quand il luttera contre les puissances ennemies, la superstition, le fanatisme et le despotisme, il devra être prêt à tout sacrifier, sa position et sa vie même. En traçant sa « planche » , il travaillera à l’édifice maçonnique, c’est-à-dire à l’édifice social de l’avenir, conforme aux idées de la secte et devant réaliser son idéal de l’humanité. Cet idéal comprend l’absence de tout dogme, le cosmopolitisme et la fraternité universelle. Le charme du mystère attire à la Franc-Maçonnerie les esprits à tendances mystiques, qui se laissent prendre à des dehors vides de sens profond.

Ajoutons que les systèmes occultistes, kabalistes, théosophiques, etc., se mêlent très souvent aux idées maçonniques, communes à toutes les associations de la secte. Le spiritisme, l’alchimie, la magie et la gnose sont cultivés dans certaines loges et y introduisent des doctrines particulières, des pratiques bizarres et des rites magiques. Toutes ces infiltrations tendent au but commun, la lutte contre l’Église et la religion.

Au point de vue philosophique, la Maçonnerie accepte et patronne toutes les théories, pourvu qu’elles n’accusent pas une nuance catholique. Elle se couvre du masque de la bienfaisance, afin de fasciner les masses crédules. Elle se déclare tolérante pour toutes les idées. Elle est une doctrine de libre examen ; elle ne rejette que le surnaturel et elle veut trouver dans la raison seule la vérité. Elle groupe tous les hommes émancipés. L’athéisme comme le panthéisme, l’illuminisme comme le spiritisme, les rêveries manichéennes. le polythéisme, constituent tour à tour les articles de son credo. La libre pensée dans toutes ses manifestations a droit de cité dans le pandemonium maçonnique.

L’existence de Dieu, la vie future, l’immortalité et la spiritualité de l’âme, les sanctions éternelles, la distinction du bien et du mal constituent dans la doctrine de la secte la superstition et le fanatisme. Les écrivains du parti proclament hautement que la philosophie du xviiie siècle représente leur propre enseignement et que la grande Révolution fut la conséquence de leurs doctrines. Le spiritualisme des francs-maçons de surface. Le Grand Architecte n’est plus pour eux qu’un mot vide de sens, auquel chacun donne le sens qui lui plaît. Leur religion n’est plus que la religion de l’Humanité qui est le centre d’union de tous les émancipés et qui aboutira à la réalisation de la devise anarchique : Ni Dieu ni maître.

III. Condamnation par l’Église. — La Franc-Maçonnerie étant ce que nous venons de dire, il n’est pas surprenant que le Saint-Siège soit fréquemment venu pour la condamner. Gardienne de la vérité révélée, chargée de la direction morale des peuples, arbitres des moyens de sanctification, l’Église avait son jugement à formuler sur les procédés d’une association aussi étendue que malfaisante. Elle n’y a pas failli. Les souverains pontifes n’avaient pas à aller au loin chercher les considérants de leur sentence. Si les sévérités de la législation canonique, au sujet des sociétés secrètes, ont semblé parfois exagérées à certains esprits, on ne saurait nier que les événements contemporains justifient amplement les rigueurs de la loi ecclésiastique. Ils achèvent de mettre au grand jour et la sagesse des souverains pontifes et la perfidie des projets conçus par les sectes condamnées.

Déjà, le 4 mai 1738, Clément XII avait dénoncé au monde catholique les dangers que faisaient courir à l’ordre social et religieux les doctrines et les agissements de ces sectes. Dans sa constitution In eminenti, il affirme que c’est avec raison que certains gouvernements ont cru de leur devoir de prendre des mesures de défense contre leur action envahissante. Pour lui, dit-il, préposé à la garde de l’Église du Christ, il recourt aux armes spirituelles. Avec une intrépidité apostolique, bravant toutes les menaces criminelles, il use de son pouvoir coercitif. Le premier, il frappe d’excommunication réservée au Saint-Siège tous les adhérents, sectateurs et protecteurs de la Maçonnerie. « Réfléchissant, dit le courageux pontife, aux très graves dommages provenant, du fait de ces hommes, à la société civile et à la société religieuse, ayant mission de sauver les âmes, nous enjoignons à tous les fidèles, au nom de la sainte obéissance, de ne pas s’agréger à ces sociétés de francs-maçons. Nous leur interdisons de les propager ou de les favoriser. Bien loin de là, tout chrétien doit s’abstenir de ces réunions, couvents, congrès, sous peine d’excommunication encourue immédiatement, et exclusivement réservée à notre personne. »

Sous le pontificat de Benoît XIV, une opinion hasardée commença à s’accréditer, au sujet du maintien des censures portées par Clément XII. Quelques auteurs voulaient considérer cette constitution comme tombée en désuétude. Afin de couper court à toutes ces témérités, Benoît XIV, le 18 mai 1751, publia la constitution Providas, dans laquelle il inséra la constitution In eminenti de Clément XII, en confirmant toutes et chacune des dispositions de son vénérable prédécesseur. Bullarium, t. xlvii.

La secte continuait à étendre ses ramifications dans l’Europe entière. Avec la dénomination nouvelle de Carbonari, elle infestait surtout l’Italie, sous le couvert des principes de libéralisme, proclamés imprudemment par la plupart des gouvernements de la péninsule. Pie VII publia la constitution Ecclesiam Christi, le 13 septembre 1821, pour rappeler et renouveler les sanctions déjà fulminées contre la Maçonnerie et les sectes similaires.

A son tour, le 13 mars 1826, Léon XII, épouvanté de l’audace croissante des sociétés secrètes, réitéra ses objurgations, frappa de nouveaux anathèmes les partisans des sectes et dénonça spécialement les adeptes de la société universitaire. C’était encore là une variété de la Franc-Maçonnerie. Avec une habileté sournoise, ses chefs avaient établi leurs centres d’action et de propagande dans les écoles et les universités. L’influence d’un maître affilié s’exerçait donc avec une puissance presque irrésistible sur l’esprit inexpérimenté et généralement sans défiance de la jeunesse.

Embrassant d’un coup d’œil apostolique les maux que les tentatives de ce genre allaient déchaîner dans le présent et dans l’avenir sur toute la société, le pontife étendit les sanctions ecclésiastiques aux sectes Clandestines de toute sorte, présentes et futures, si elles conspiraient contre l’Église et les premiers pouvoirs de l’État : societates occultas omnes, tam quæ nunc sunt, tam quæ fortasse deinceps erumpent, et quæ ea sibi adversus Ecclesiam et supremas civiles potestates proponunt, quæ superius commemoravimus, quocumque tandem nomine appellentur, nos perpetuo prohibemus, sub iisdem pœnis, quæ continentur, in prædecessorum nostrorum litteris. Bulle Quo graviora, du 13 mars 1826.

Grégoire XVI, dans sa célèbre encyclique Mirai vos, stigmatisa à son tour les sociétés secrètes. Il les flétrit comme des foyers d’infection, d’où rayonnaient