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FRANC-MAÇONNERIE

fiaient dans toutes les directions, d’incessantes et effroyables révolutions ont bouleversé la face de l’Europe, anéanti des institutions séculaires.

C’est une association internationale et secrète. — La Franc-Maçonnerie tend à embrasser le monde entier ; tous ses membres se regardent comme des frères sur toute la surface du globe. D’autre part, le secret dont elle enveloppe ses desseins témoigne de la perversité de l’œuvre. Sans doute, sous la pression de l’opinion, la ténébreuse société a dû pratiquer quelques ouvertures sur ses repaires. On a organisé des congrès solennels des frères  ; des journaux à tirage périodique fournissent au public certains renseignements. Néanmoins, les principaux projets, discutés dans des comités mystérieux, sont absolument soustraits à la connaissance des profanes de l’extérieur et de nombre de sociétaires. Quant aux initiés, ils se trouvent liés par le redoutable serment qu’on les oblige à prêter, lors de la réception dans les grades supérieurs. Sous menace de mort, au milieu des glaives mis à nu par les assistants, ils jurent de ne jamais révéler les secrets, les signes, les attouchements, les paroles, les doctrines et les usages de la société. Les francs-maçons, qui se prétendent les paladins de la liberté de penser et d’agir, se livrent ainsi, pieds et poings liés, à une puissance occulte, qu’ils ne connaissent pas, et que probablement ils ne connaîtront jamais. L’assassinat, le vol, la violation de toutes les lois divines et humaines pourraient leur être imposés ; sous peine de mort, ils devraient exécuter ces ordres abominables. Ce secret cache les plus noirs desseins. Le bien ne se cache pas. Il agit discrètement, c’est vrai, mais il ne dérobe pas à tous les yeux son existence et son action. Le mal seul éprouve la nécessité de soustraire aux regards ses procédés et ses fins. Les caractères de la Franc-Maçonnerie, qui absorbe toutes les autres sociétés secrètes, peuvent donc se résumer en ces traits principaux : la haine de Dieu, la révolte contre les autorités divine et humaines, le secret criminel, imposé sous les menaces les plus graves, au besoin, sous peine de mort, à tous ses affiliés. Le droit naturel lui-même proteste contre un système supprimant l’usage de la liberté et rétablissant l’esclavage le plus odieux, le plus abrutissant. Sur les origines et l’histoire de la Franc-Maçonnerie, voir le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Paris, 1911, t. ii, col. 95-126.

II. Doctrine. — Selon l’oracle évangélique, l’arbre mauvais ne saurait produire de bons fruits. La Maçonnerie est jugée par les fruits qu’elle produit, par l’enseignement qu’elle répand dans tous les pays où elle s’installe. Quoi qu’il en soit des opinions particulières des membres qui en font partie, elle a sa dogmatique religieuse, sa philosophie, son décalogue, son ritualisme, qui sont bien connus aujourd’hui.

Au point de vue religieux, la secte proclame, comme principe incontesté, l’indépendance absolue de la raison humaine. Le naturalisme, le rationalisme sont les bases de son système. Les devoirs envers Dieu n’existent pas. La révélation est une chimère. Les dogmes catholiques ne sont que des rêves d’idéologues, inventés dans les siècles d’ignorance pour asservir les esprits. L’intelligence humaine ne doit admettre rien qu’elle ne le comprenne. Les mystères, les miracles doivent être bannis du programme scientifique eul souscrit par le progrès moderne. Le péché originel et la déchéance de l’homme, qui en est la conséquence, sont absolument rejetés. La grâce, les sacrements, la prière, destinés à réhabiliter l’homme, leur paraissent des mythes. Si l’homme privé peut recourir à ces moyens, l’État et sa législation doivent proclamer et pratiquer l’athéisme. Leur autorité ne vient pas de Dieu, mais du peuple souverain.

La haine de Jésus-Christ règne dans la Maçonnerie. Le blasphème et l’imprécation sont réservés spécialement à son saint nom. L’apostasie est de rigueur, lors de la réception dans les grades élevés. Aux yeux des initiés, le Juif Jésus de Nazareth a été livré avec raison à l’autorité judiciaire. Sa condamnation est parfaitement justifiée, et la crucifixion, légitimée. L’Église catholique, qui se dit chargée de transmettre à l’humanité l’enseignement divin, doit être combattue comme ennemie. Enfin, la notion de Dieu lui-même, dont on a provisoirement toléré l’indication impersonnelle, problématique, sous le nom d’Architecte de l’univers, est rayée du vocabulaire maçonnique. C’est un vieux mot, disent les maçons, vénéré par les peuples enfants, mais répudié par les nations arrivées à maturité. Ces dernières ont adopté et promulgué le seul évangile qui pût leur convenir, la Science !

2° La morale adoptée par les sectes maçonniques est logiquement déduite de ces principes subversifs.

Le vol, le sacrilège, l’assassinat peuvent être imposés comme moyens de propagande par le fait, à l’ordre du jour des ventes. Toutes les lois de proscription contre les ordres religieux, les votes pour l’application aux clercs du service militaire, les décrets de confiscation des biens d’Église, la destruction du pouvoir temporel des papes, ont été préparés dans les ateliers des sociétés secrètes et appuyés dans les parlements par les affidés. Les frères maçons s’en vantent publiquement. Le compte rendu de la Loge-Union des peuples proclamait en décembre 1881 : toutes les grandes lois qui, depuis vingt ans, sont intervenues, et demain encore interviendront, furent élaborées dans nos ateliers et ont fait l’objet de nos travaux. La laïcisation des écoles, l’expulsion des instituteurs congréganistes, la fermeture des écoles catholiques ont été perpétrées par les sociétés secrètes. L’enlèvement des crucifix et de tout emblème chrétien des tribunaux, des hospices, des places publiques est l’application de leur programme. Les lois consacrant le divorce et le rendant chaque jour plus facile sont l’œuvre de la secte. Elle a pour objectif de briser tous les liens sociaux : de dissoudre la famille en séparant la femme du mari ; de jeter le trouble au foyer domestique en annihilant l’autorité du chef de famille, en légitimant les révoltes de l’enfant, méconnaissant le droit de propriété, de testament. Elle a transformé ce sanctuaire sacré en un champ de luttes, de méfiances réciproques, de haines sourdes. L’éloignement du prêtre du lit des moribonds, les engagements des solidaires se vouant à l’inhumation civile, l’adoption du baptême laïque, sont des dogmes athées de ceux qui frappent d’ostracisme les dogmes chrétiens. La Franc-Maçonnerie a ses organes propres : le Franc-Maçon, le Journal des initiés, la Renaissance, le Monde maçonnique, la Morale indépendante, la Libre pensée, la Libre conscience, la Solidarité, la République Maçonnique, le Bulletin du Grand Orient de France, l’Acacia, la Lumière maçonnique. L’Annuaire de la maçonnerie universelle, Berne, 1910, p. 39-47, donne la liste de 113 journaux et revues maçonniques, dont 3 pour l’Angleterre, 21 pour l’Allemagne et 64 pour l’Amérique. Ces publications disparaissent parfois, mais réapparaissent, sous une forme ou sous une autre, pour soutenir une lutte implacable contre les institutions chrétiennes.

3° La Franc-Maçonnerie a aussi son rituel (cérémonies, emblèmes, signes), emprunté soit aux cérémonies ecclésiastiques, soit aux mystères de l’antiquité, soit aux anciennes corporations de construction.

Ce rituel n’est qu’un moyen d’enseignement par des allégories et il est destiné à inculquer aux initiés et aux adeptes les principes et les aspirations de la secte. L’apprenti s’affranchit des servitudes et des aveuglements, philosophiques et religieux, du monde pro-