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71r »

l’RANCKOKT (CONCILE DE

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dil publiquement : Voici mon Fils, celui en qui j’ai mis toutes mes complaisances. »

A la suite de ces déclarations, l’immense majorité des théologiens s’est refusée à appliquer au Christ, considéré comme homme, le titre de fils adoplif, lui réservant absolument le nom de fils naturel.

Afin de mettre en pleine lumière la portée de ces témoignages scripturaires et de nombre d’autres du même genre, faciles à citer, les maîtres de la doctrine y ont ajouté quelques précisions.

Les adversaires prétendaient que ces textes représentent simplement et directement le Verbe divin, revêtu de la nature humaine. Or, nul des adoptianistes n’a contesté que, sous cet aspect, le Christ ne fût bien le filius naturalis, celui dont il est dit : Ego hodie genui te.

Ce qu’affirment ces derniers, c’est qu’en désignant directement la nature humaine et subsidiairement la personne, le Christ peut et doit être appelé fils adoptif. Les textes de l’Écriture, mis en avant, ne visent pas ce côté de la question. Néanmoins, les théologiens catholiques démontrent qu’à aucun point de vue le Christ ne saurait admettre la qualification de fils adoptif.

En effet, la proposition : le Christ est fils adoptif duPère.en tant qu’homme, peut être prise en plusieurs sens. Elle peut signifier que le Christ était simplement un homme. C’est le blasphème d’Arius, mille fois réprouvé par l’Église. Les adoptianistes ne veulent pas admettre que c’est là une conséquence de leur théorie. Elle peut signifier encore que deux personnalités subsistent dans le Christ : l’une, consubstantielle aux deux autres personnes de la Trinité ; l’autre, personne humaine, moralement unie à la divinité. Cette erreur, que propagea Nestorius, détruit foncièrement l’économie de l’incarnation. Les adoptianistes protestent contre l’assimilation de leur doctrine avec celle de Nestorius. Néanmoins, le pape Adrien écrit à Félix et à Élipand que la proposition est une hérésie renouvelée de Nestorius. Il est certain que, prise objectivement, l’affirmation des adoptianistes doit se résoudre dans l’une de ces deux précédentes hérésies. Comment admettre, à la fois, pour une personne unique, le titre de fils naturel et de fils adoptif ? Cette incompatibilité forme la base de la démonstration rationnelle opposée aux novateurs.

Enfin, la proposition que le Christ en tant qu’homme est fils adoptif de Dieu, peut revêtir la signification suivante. Acceptant la divinité du Verbe incarné contre le système d’Arius, l’unité de personne à rencontre de Nestorius, les adoptianistes, en un langage imprécis, incomposito calamo, disait encore le pape Adrien, affirmaient qu’en tant qu’homme, Jésus-Christ était fils adoplif. Mais, selon l’adage des anciens, in generalibus, latel dolus. C’est ici le cas.

Il faut, en effet, distinguer absolument cette affirmation : le Christ, comme homme, est fils adoptif. Si, par cette expression, on veut signifier simplement que le Verbe divin a adopté la nature de l’homme, indépendante de sa personnalité, il n’y aurait en cette formule, prise objectivement, qu’une impropriété de langage, une défectuosité verbale, que l’erreur des adoptianistes a fait écarter de la terminologie catholique. Dans ce cas, adopter aurait, en réalité, la signification de prendre le corps et l’âme constituant la nature humaine, sans impliquer la personnalité. La formule consacrée est que le Verbe divin reste hypostatiquement uni à la nature humaine.

Mais, si la proposition, le Clirist comme homme est fils adoplif de Dieu, signifie que le rédempteur est tel, parce qu’il a pris une personne humaine, les adoptianistes tombaient logiquement dans les erreurs que rappelaient en termes catégoriques le pape Adrien

et le concile de Francfort. Et certainement, tel paraît être le cas de Félix d’Urgel et d’Élipand de Tolède. La lecture des actes du concile, celle du Sacrosyllabus, ne permettent pas de doute à ce sujet.

Le théologien Vasquez a toutefois essayé de contester et le point de vue attribué à ces deux hérétiques, et la condamnation qui leur fut infligée. Les subtilités qu’il a produites, ses assertions aventurées, ont été mises à néant. Elles n’ont pas de consistance. En ajoutant aux textes conciliaires les arguments qu’Alcuin fit valoir contre la thèse hétérodoxe, la question reste tranchée au point de vue historique et doctrinal.

Le concile de Francfort s’appuie encore sur la différence de la filiation naturelle et de l’adoption, pour rejeter la formule des adoptianistes. L’adoption requiert que l’adopté soit étranger à l’adoptant, de telle sorte que la personne adoptée ne possède, par elle-même, aucun droit à l’héritage de l’adoptant. C’est la conséquence de la définition donnée par les jurisconsultes en cette matière : Adoplio est graiuila et liberalis assumptio personx extraneæ ad hæredilatem.

Dès lors, on n’est pas autorisé à dire que l’humanité du Christ a été adoptée. Car, c’est non la nature, mais bien la personne qui est le sujet de l’adoption et qui entre dans les droits d’héritier. Il n’est pas plus licite de dire que la personne du Verbe soit adoptive. Nous l’avons prouvé, la personne adorable du Verbe, loin d’être étrangère au Père, est engendrée par lui, de toute éternité. Elle adhère : a) à la nature divine, non par l’amour ou la grâce, à l’instar des créatures, mais par une génération éternelle, ineffable ; b) à la nature humaine, par une union temporaire, dite hypostatique, définitive et spéciale.

Aussi, le concile infère de ce principe cette conclusion, qui devait singulièrement déconcerter les partisans de l’adoptianisme : Si le fils de la Vierge Marie est Dieu, comme vous tenez bien à le proclamer, comment voulez-vous prétendre qu’il est aussi fils adoptif ? C’est une contradiction flagrante.

Impossible d’avancer qu’on appelle le Christ fils adoptif, parce qu’on se place au point de vue de la nature humaine. Car, par définition, l’adoption est absolument personnelle, comme la filiation elle-même qui suppose la génération complète. Voilà pourquoi on n’appelle pas la nature humaine une fille, un fils ; on réserve ce nom au terme complet de J la génération, à l’homme. Par conséquent, d’une ! manière objective, indépendamment des intentions i personnelles, affirmer que, comme homme, le Christ j est fils adoptif, c’est introduire dans l’économie de l’incarnation la dualité des personnes ou, du moins, une équivoque intolérable.

Extension du décret conciliaire de Francfort.


i Les théologiens ne se sont pas contentés de puiser

dans le décret du concile de Francfort les arguments

nécessaires à la réfutation directe de l’erreur de Félix

et d’Élipand, et subsidiairement à la condamnation

i des vieilles aberrations d’Arius, de Nestorius et de

leurs adhérents. Ils ont examiné si, dans le texte

conciliaire, il n’y avait pas une condamnation absolue,

j générale de cette affirmation : 1e Christ, comme homme,

I pourrait être appelé fils adoptif.

Cette question a été posée par des écoles diverses, à l’occasion de certaines thèses d’auteurs catholiques, concluant à la possibilité et à l’orthodoxie de ce théorème, au moyen de certaines distinctions.

Ainsiselon Gabriel Biel, Major et Almain, on pourrait appeler le Christ fils adoptif, eu égard seulement à son humanité. Certainement, disaient-ils, l’humanité dans le Sauveur ne constitue pas la filiation ; mais on peut l’appeler adoptée. De leur côté, Durand et Scot