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FOURIERISME


le loisir de travailler pour comprendre. » Exposition du système social de Charles Fouricr, Paris, 1832, p. 5-6. Ces leçons, d’abord lues au public, paraissaient ensuite en livraisons et étaient réunies en volumes de manière à porter plus loin leur bienfaisante influence. D’autres ouvrages, issus des mêmes préoccupations, fortifiaient encore cette propagande. Victor Considérant donnait successivement la Destinée sociale, les Considérations sur Varchilccloniquc, De l’un des trois discours de l’Hôtel de Ville, et la Débâcle de la politique en France ; Just Muiron, les Transactions de Virtomnius ; Clarisse Vigoureux, les Paroles de la providence ; Lemoyne, l’Association par phalanges ; Morize, les Dangers de la situation actuelle en France ; Paget, V Introduction à l’élude de la science sociale, etc. Enfin, un journal hebdomadaire, le Phalanstère, fondé par les soins de Clarisse Vigoureux et de Baudet-Dulary, commençait à paraître en juin 1832. Il fallut, sans doute, très vite se réduire à une publication mensuelle, puis disparaître tout à fait. Mais presque aussitôt, en 1834, Considérant reprenait la succession du Phalanstère dans une autre feuille qui s’appellerait la Phalange ; celle-ci se transformait de nouveau au mois d’août 1843, et devenait quotidienne, avec le titre plus accessible ou plus intelligible de Démocratie pacifique. Ce changement nous a coûté, expliquait Considérant. Mais ce nom, tiré de notre technologie propre, induisait encore beaucoup de personnes en erreur. Beaucoup croyaient encore qu’il fallait être initié aux études et aux doctrines phalanstériennes pour lire et comprendre un journal appelé la Phalange, et que la réception de cette feuille équivalait à un acte de foi à des théories dont les ignorants et les malveillants de la presse ont donné à nombre de gens les idées les plus ridicules et les plus fausses… Il importait donc au succès de nos principes et a l’extension de la sphère de publicité de notre organe quotidien, dont il faut rendre le rayon le plus grand possible, que cet organe, destiné à porter à tous la parole de paix, d’association, d’humanité et d’avenir, ne pût, même à tort, paraître à quelques-uns, par une interprétation rétrécie de son titre, l’organe’.d’une secte sociale, d’une petite Église renfermée dans des formules, des termes et des rites particuliers. » Principes du socialisme, 2e édit., Paris, 1847, p. 59, I —ii 1848, sous cette forte impulsion, l’école compta, dit-on, jusqu’à 3700 membres, parmi lesquels se trouvait le futur empereur, le prince Louis-Napoléon.

pendant cette extraordinaire propagande, suivie d’un si beau succès et d’une si rapide extension, qui devait être l’une des causes les plus actives et qui était déjà le ligne évident de la décadence prochaine, l.a doctrine phalanstériennc eut, en effet, beaucoup a ouflrir de ce que les disciples, préoccupés’tout’i< se faire agréer par un public exigeant, renoncèrent a une partie des utopies de leur maître : mutilation tout a la fuis indispensable et impossible.

upprimant de la vision de l’harmonie tous les éléments mystiques, qui en étaient comme la poésie et rpii, —i l’on voit, faisaient d’elle comme une sorte de

ion, ils n’en diminuaient pas les merveilles, mais

M— lis rendaient incompréhensibles, l.a morale de

menant les relations sexuelles était pour leur

propagande un nouvel embarras ; mais en cherchant

allier, ou simplement en la répudiant, ii, démen it le principe du pur aidait, si absolu pour tout louvier, /or. cit., p. 202. Enfin,

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accusation. « Pour la réformer ou, plus exactement, pour en établir une autre, les vrais disciples de Fourier ne devaient compter que sur la liberté. Ils ne demandaient au gouvernement que leur liberté, celle de tous, en matière d’association. » Loc. cit., p. 201. Considérant, d’un esprit plutôt progressiste et exalté, contribua beaucoup à pousser l’école en dehors des voies toutes pacifiques et, si l’on peut ainsi dire, toutes économiques dans lesquelles Fourier l’avait engagée ; et, par la participation qu’il prit aux actes de la politique révolutionnaire (13 juin 1849), il en compromit définitivement les intérêts. Depuis ce moment, le fouriérisme languit ; il finit par s’effacer presque complètement dès 1851. Ainsi la doctrine phalanstérienne apparaissait, à cette dure épreuve de l’expérience, tellement vicieuse en elle-même qu’elle ne pouvait pas être propagée sans diminution et que cette diminution même était le principal obstacle à sa propagation ; les éléments mystiques de la conception du monde harmonique, la nouvelle morale des relations sexuelles et l’abstention de toute politique étaient des parties si essentielles du système qu’elles ne pouvaient pas en être impunément détachés ; et en même temps qu’on les sacrifiait pour le mieux sauver, on l’entraînait avec elles dans la même déroute, comme il arrive d’un baril de poudre qui fait sauter une tour.

La doctrine fouriériste ne laissa pas cependant de préoccuper quelques esprits. La Revue du monde social, dirigée par Limousin, et le Devoir, organe du familistère de Guise, essayaient de maintenir les traditions sociétaires. Des hommes nouveaux, ayant à leur tête Hippolyte Destrem, fondèrent même encore en 1888 un journal mensuel intitulé : la Rénovation, et une nouvelle école qui organisa aussi des cours et se réunit dans des banquets mensuels. On pourrait également retrouver, plus près de nous, dans certains articles de journaux ou de revues, la marque visible de l’esprit fouriériste. Mais ce ne sont là que quelques épaves, perdues au milieu des flots, que le navire a abandonnées dans son naufrage ; et, bien que tout soit loin d’être méprisable dans le fouriérisme, bien que l’évolution économique de noire temps ait confirmé plus d’une de ses conclusions, on peut dire aujourd’hui que la doctrine et l’école sociétaires n’existent plus en tant que telles, dans notre histoire.

Fouricr, s’il avait pu survivre à son école, n’en eût été que plus encouragé dans ses premiers desseins. Ce ne sont point tant des hommes, en effet, qu’il eût voulu rassembler autour de lui, et il n’avait jamais visé à proprement parler à fonder une école. L’école s’était formée autour de lui, non lias malgré lui, mais à peu près sans lui. et il ne l’avait accueillie, du reste avec quelque inquiétude, que pour mieux arriver à l’objet de ses désirs. Ce qu’il recherchait premièrement et avant tout, c’étaient beaucoup moins des hommes sympathiques à ses idées, que les moyens de les réaliser. Il aspirait a faire une expérience.. Il espérait que la magnificence des résultais, la beauté des solutions, leur ordonnance scientifique, leur grandeur et leur utilité détermineraient par le seul exemple un mouvement rapide vers cette nouvelle manière de vivre en société, sans gouvernement et sans lois. Ce n’est pas la difficulté du premier groupement qui eût

arrêté Fourier dans son bel enthousiasme : et les modernes, que celle difficulté épouvante. sont comparables aUX navigateurs timides, et qui, avant Chiistophe Colomb, n’osaient avancer qu’à 200, 300, l’111 la ne, dans l’Atlantique. 1 SI l’en (ai axait conclu que

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lieues ou ne l’eut pas trouvée, ce n’était pas une raison pour qu’elle ne fut point a 1900, felle’tait la