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FOURIERISME

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doit la faire retourner, sinon à un état primitif, du moins à un plan primitif qui était celui de Dieu et dont l’humanité a eu le tort de s’écarter. Il n’y a pas eu, comme le croyait Rousseau, un état de nature dont on a perdu le secret ; mais il y avait un état naturel et un code social qu’on n’a pas su comprendre ; et c’est ce code qu’il s’agit maintenant de retrouver : c’est ce code dont Fouricr nous apporte la révélation.

Quels auraient été, en effet, les motifs de Dieu pour renoncer à nous donner un code social ? « Il y a sur cette lacune sextuple opinion. 1° Ou il n’a pas su nous donner un code social… : dans ce cas il est injuste en nous créant ce besoin sans avoir les moyens de nous satisfaire ; 2° ou il n’a pas voulu nous donner ce code : et dans ce cas il est persécuteur avec préméditation ; 3° ou il a su et n’a pas voulu : dans ce cas il est l’émule du diable, sachant faire le bien et préférant le règne du mal ; 4° ou il a voulu et n’a pas su : dans ce cas, il est incapable de nous régir, connaissant et voulant le bien qu’il ne saura pas faire, et que nous pourrons encore moins opérer ; 5° ou il n’a ni su ni voulu : dans ce cas il est au-dessous du diable, qui est scélérat, mais non pas bête ; 6° ou il a su el voulu : dans ce cas le code existe, et il a dû nous le révéler ; car à quoi servirait ce code, s’il devait rester caché aux hommes à qui il est destiné ? Théorie de l’Unité universelle, 1838, t. ii, p. 252.

Tous les griefs retombent ainsi à la charge de la raison humaine, la fausse raison ou philosophie, « qui s’est obstinément refusée à toute recherche de ce

On pourrait demander cependant pourquoi Dieu n’a pas « forcé la carte » aux philosophes ; et, puisqu’il a tant fait que de révéler un code, pourquoi il n’a pas voulu que les hommes y entrassent immédiatement. Et, en effet, répond Fourier qui n’a pas accoutumé d’être embarrassé, c’est une question que l’on peut faire ; mais d’abord on voudra bien r.. marquer que c’est Dieu lui-même qui l’a ainsi voulu. C’est lui qui établi que toutes les choses traversent des phases ainsi disposées que la période de leur pleine existence est précédée et suivie de deux autres périodes plus courtes, l’une de croissance et l’autre de déclin, durant lesquelles elles se trouvent dans un véritable l’imperfection : le mal » a son rang assigné dans que Fourier appelle Vexcep calculs, doit être un huitième envllu caractère dominant. Si nous admettons maint qu’en vertu de certaines relations numériques l>rioii, la terrestre de l’humanité

duée à 80 iioo ans, nous en prendrons ur l’harmonie ascendante et 35000 pour l’hurmoni’. il en restera 10 000 pour le

huitième d’exception, c’est-à-dire 5 000 pour chacune des deux plia i qui sont décidément inhar moniques. On objectera sans doute que l’espace accordé par la théorie à la première de ces deux phases coulé depuis longtemps ; mais Dieu, qui ut pas empêcher l’homme de

I, en nous laissant le libre arbitre, lobes ne se lais i.. globes

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mitre de l’exception. Mais si pareille chose i ourii r aime à croire qu’M l’enfuiri trouble pour l’ensemble « lu

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la troisième fois l’issue ouverte à la civilisation. Le créateur a donc fait tout le nécessaire pour forcer l’établissement de l’harmonie. » Renouvier, loc. cit., p. 167. Mais l’harmonie ne pourra s’établir qu’en ramenant l’humanité, de l’exception où elle s’attarde, dans les voies normales que Dieu lui a fixées. Ce sont ces voies que Fourier apporte au monde dans son plan de réorganisation sociale.

Plan de réorganisation sociale.

 Ce que Fouricr

se propose premièrement et avant tout, puisque tel est le grand mal dont souffre la civilisation, c’est d’amener la société au maximum de la production ; mais la société ne peut y arriver qu’en commençant par réformer son mode actuel de production. Dieu fit, en effet, de la production agricole le pivot de toute production ; et il n’envisage « dans les manufactures que le complément de l’agriculture : » c’est un ordre inverse à celui que nous suivons aujourd’hui. Ne voyons-nous pas, dans notre organisation économique, la prépondérance inquiétante de la production industrielle sur la production agricole ; et ne nous plaignons-nous pas d’une disproportion de plus en plus marquée entre la production des richesses nécessaires qui sont les denrées alimentaires et celle des richesses relativement superflues qui sont les produits industriels ? L’ordre de Dieu renverse cet ordre actuel des choses ; il n’emploie les fabriques que comme « accessoire et variante de l’agriculture ; » et tandis qu’il réserve au travail manufacturier « un quart du temps que l’homme sociétaire peut donner au travail, » il a fixé que « les trois autres quarts doivent être employés au service des animaux, des végétaux, des cuisines, des armées industrielles, enfin de tout autre travail que celui des manufactures. » Le nouveau monde industriel et sociétaire, 1848, p. 151-153, passim. La terre arrivera donc à être, suivant de telles prévisions, beaucoup plus remplie et beaucoup plus cultivée qu’elle ne l’est aujourd’hui ; et c’est pourquoi Fourier n’hésite pas à imaginer de futures transformations physiques et météréologiques, afin de remédier aux nombreux défauts qui la rendent actuellement impropre à une exploitation totale et idéale. Mais ce n’est pas tout et ce n’est pas assez. Il peut exister, dans l’exercice de la nouvelle industrie agricole et manufacturière, deux sortes de méthodes : l’état morcelé ou culture par familles isolées » et l’état sociétaire, culture en nombreuses réunions qui auraient une règle fixe. » C’est l’emploi de la première méthode qui est l’une des causes les plus évidentes de tous les malheurs de la civilisation : « on ne peut pas imaginer de réunions… plus anti-économiques… que celles de nos villages, bornées à an couple conjugal, ou une famille de cinq ou six personnes ; villages construisant 300 greniers, 300 caves, placées et soignées au plus mal, quand il suffirait, en association, d’un seul grenier, d’une seule cave, bien placés, bien pourvus d’attirail, et n’occupant que le dixième des agents qu’exige la gestion morcelée ou régime de famille. » Loc. cit., p. 9-10, Ainsi Fourier substitue l’état sociétaire ou culture en nombreuses réunions à l’état morcelé ou culture par familles isolées, c’est-à-dire <|u’il supprime la propriété individuelle et le travail incohérent : ou plutôt, pour ce qui est de la propriété individuelle, il la supprime i sous le mode immobilier, et il lu conserve « SOUS le mode actionnaire. Tou1 le matériel de la nouvelle association, exploité eir commun. est représenté par des actions, dont ses membres oui apporté le capital, ou qu’ils ont acquises sur le mai ché publie, en placement > onomies. > Renouvier, loc. cit., p. 17." » . il m s’agit donc pas ici de l’utopique communauté des biens : procédé purement négatif et révolutionnaire,

antisocial en lui même, illusoiie d’ailleurs. » Considc Prtnetpa du tocialltmt, 2° édii., Paris, 1847,