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FORNICATION


grum virginilalis, quoiqu’elle ait pu commettre des fautes contre la pureté par pensée, par désir, par parole, etc.

Par la violence dont il est ici question, on entend non seulement remploi de la force physique, mais aussi la pression morale exercée sur une femme, ordinairement une jeune fille, peu apte à y résister longtemps. Dans cette dernière catégorie, on fait rentrer les instances réitérées, pressantes, les flatteries captivantes prodiguées à cet effet, les promesses de récompenses et de présents, les caresses séduisantes, tout cet ensemble de procédés qui finissent par avoir raison de la faiblesse ordinaire des femmes.

Les auteurs se demandent encore si le consentement de la femme enlève le caractère du stupre à la fornication commise avec une vierge. Nombre d’auteurs sont d’avis que, si la personne y consent nonobstant l’opposition des parents, les éléments constitutifs du stupre font défaut. Ils s’appuient sur le principe général du droit : Scienti et conscntienli non fit injuria. En outre, disent-ils, les parents ne sont gardiens de l’intégrité corporelle de leur enfant que d’une façon subsidiaire. La jeune fille est seule directement responsable de sa personne : or, elle accepte volontairement sa défloration, par conséquent, elle ne subit pas d’injure. Quant aux dissensions, haines, troubles, inconvénients de tout genre, qui peuvent surgir de cet événement, ils ripostent que ce sont là des accidents secondaires, qui éclatent dans les familles, même en dehors de cette circonstance.

Saint Thomas soutient néanmoins que, même après consentement de la jeune fille, la fornication commise la première fois avec une vierge est le stupre. La raison qu’il en donne est de nature à faire impression : c’est que par là, si le séducteur n’épouse pas la personne séduite, en guise de réparation, celle-ci trouvera plus difficilement à se marier. Ensuite, elle pourra se livrer à la débauche, d’où l’éloignait jusque-là une pudeur intacte. Il maintient cette opinion, lors même que le consentement des parents viendrait s’adjoindre à celui de la jeune personne. La dot qui pourrait par suite être assurée à la jeune file ne compenserait pas la déchéance morale qui en résulterait pour elle. Néanmoins, dans le cas de consentement, la malice morale du stupre n’aurait pas la gravité requise pour obliger les coupables à en faire mention spéciale dans la confession commune.

III. Gravité. — Nous avons déjà traité un aspect de la question, quand nous avons démontré que la fornication était intrinsèquement mauvaise. Il reste à déterminer le degré de cette gravité.

1° Parce que la fornication est intrinsèquement mauvaise, les théologiens concluent que le péché de fornication est absolument grave en soi. On sait qu’il y a des péchés graves ex génère suo : ce sont des fautes qui, tout en appartenant à la même espèce, peuvent être tantôt graves, tantôt non, par exemple, les fautes contre la justice.

Mais il y en a que l’on qualifie graves ex tolo génère suo. Ce sont les péchés qui, considérés en eux-mêmes, indépendamment des circonstances, restent toujours graves : telles sont, entre autres, les fautes de luxure. Manifesta sunt opéra carnis, quse sunt fornieado, immunditia, impudicilia, luxuria… quse prædico vobis sicut prsedixi, quoniam qui talia agunl, regnum Dei non consequentur. Gal., v, 19-21.

Voilà le motif pour lequel ce péché est classé parmi les capitaux, dans l’enseignement catholique. Qu’il soit seulement interne, ou complété par les actes externes, il est flétri par l’Esprit-Saint. Le sixième précepte du décalogue l’interdit sans réserve : iVon mœchaberis. Or la doctrine générale comprend, sous ce mot, tous les actes externes de luxure, consommés

ou non. S’appuyant sur l’oracle évangélique, le neuvième précepte du décalogue interdit même les pensées volontaires libidineuses. Qui viderit mulicrem ad concupiscendam eam, jam mcechalus est eam in corde suo, Matth., v, 28 ; c’était la révélation nouvelle, destinée à corriger l’erreur des juifs charnels, aux yeux de qui les actes externes étaient seuls prohibés.

Mais le péché de fornication est très grave, même devant les lumières de la simple raison.

Plus un précepte est important pour le bien de la communauté, plus sa violation entraîne de conséquences désastreuses. Or, les dispositions providentielles ont réglé l’usage de l’organisme générateur, pour le bien de l’humanité et la propagation de l’espèce. Par conséquent, l’abus des actes et des fonctions de ce genre blesse l’intérêt général.

De là résulte l’outrage fait à Dieu, souverain régulateur et maître de nos corps. Nescilis quia lemplum Dei estis : et Spiritus Dei habitat in vobis ? Si quis autem lemplum Dei violaverit, disperdet eum Deus…, lemplum enim Dei sanctum est, quod estis vos. I Cor., ni, 16. Dieu menace ainsi d’extermination ceux qui profanent le temple du Seigneur qui est le corps humain. En effet, comme le dit saint Augustin, par cet attentat on provoque Dieu dans son sanctuaire, lorsque par ailleurs il est invulnérable.

Jésus-Christ lui-même se trouve blessé par ces déportements, car nous sommes devenus ses membres ; il est notre tête et nous adhérons à sa personne. Par le péché de luxure, l’homme divorce avec son chef divin pour s’unir à des créatures méprisables. Aussi, avec quelle véhémence l’apôtre met-il en lumière ce point de vue I Nescitis quoniam corpora vestra membra sunt Clirisli ? Tollens autem membra Christi, faciam membra merelricis ? Absit ! I Cor., vi, 15. Les commentateurs font remarquer que notre union avec le divin rédempteur reste scellée par le mystère de l’incarnation et couronnée par la sainte eucharistie, qui nous unit au Seigneur. Le péché d’impureté rompt ce triple lien, dénonce ce contrat si honorable pour l’homme et provoque la répudiation.

Les Pères considèrent aussi le péché de fornication comme la grande avenue de l’idolâtrie, comme l’une des sources les plus authentiques de la haine des hommes corrompus contre Dieu et la sainte Église. Les âmes dépravées conspirent toujours contre le législateur qui les condamne et contre le gardien du décalogue qui les flétrit. Ils immolent tout à cette animosité. Autant ils adorent l’idole de la volupté, autant ils brûlent d’anéantir les institutions divines qui lui sont opposées. Le culte du dieu infâme, dit Tertullien, ne consiste pas seulement dans l’offrande de vulgaires parfums, mais dans celle de la personne elle-même. Ce n’est plus l’immolation d’une brebis, mais bien celle de l’âme. O homme, tu sacrifies sur son autel ton intelligence ! Tu verses pour lui tes sueurs, tu épuises tes connaissances, tu deviens plus que le prêtre de la volupté ; par ton ardeur, tu en es, à ton tour, la divinité. Colis, non spiritu vilissimi nidoris alicujus, sed tuo proprio : nec anima pecudis impensa, sed anima tua. Illis ingenium iuum immolas : illis sudorem tuum libas : illis prudenliam tuam accendis. Plus es illis quam sacerdos…, diligentia tua numen illorum es. De idololalria, c. vi, P. L., t. i, col. 668-669.

Enfin, la gravité de ce péché se complète par la souillure qu’il inflige à la personne humaine elle-même. L’apôtre saint Paul s’exprime énergiquement sur ce point : Esca venir i et venter escis. Deus autem hune et has destruet. Corpus autem non fornicationi, sed Domino ; et Dominus eorpori… Fugite fornicationem. Omne peccatum, quodeumque fecerit homo, extra corpus est ; qui autem fornicatur, in corpus suiim peccal. I Cor., vi, 13, 18. De fait, lorsque l’homme