Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/297

Cette page n’a pas encore été corrigée

.79

FORME DU CORPS HUMAIN

580

(Urnes. C’est, au contraire, le tout petit nombre qui s’y est rallié. Le P. Ramière, op. cit., p. 26 sq., laisse entendre que Suarez l’aurait pressentie, en modifiant profondément ( ?) la doctrine thomiste, spécialement en ce qui concerne la mixtion des éléments. Il invoque, d’accord en cela avec Palmicri, De Deo créante et élevante, thés, xxvi, le parrainage de Lessius, In I Il jm pari. Snm. theol., q. lxxvi, a. 1, du cardinal Tolemei, Plujs. gen., diss. III, concl. 2 a, et même du P : de Lossada, qui, « sans se hasarder à l’adopter, avoue qu’elle a pour elle de graves raisons et qu’elle est soutenue par des maîtres distingués dont les ouvrages n’ont pas été mis au jour. » De anima, disp. II, c. ii, n. 39. Cf. Dandini, De corpore animato, Paris, 1611 ; Mayr, Philosophia peripat., Ingolstadt, 1739, t. iv, disp. I, a. 5, n. 78. Telle que ces théologiens l’exposaient, c’était encore la théorie, dérivée de Scot, admettant dans le corps de multiples formes substantielles hétérogènes, partielles et imparfaites, et qui constituaient la matière seconde, le corps comme tel. C’était, avec la suppression de la forme corporelle totale, l’acheminement vers la théorie moderne de l’atomisme chimique, dont les deux principaux protagonistes furent les PP. Tongiorgi et Palmieri, et que nous trouvons défendue par les PP. Ramière, op. cit., Bottalla, op. cit., et La composition des corps d’après les deux principaux systèmes qui divisent les écoles cedholiqucs, Poitiers, 1878 ; par le D r Frédault, Forme et matière, Paris, 1876. Cette théorie n’est nullement à confondre avec l’erreur, condamnée par Pie IX, d’un principe vital distinct de l’âme. Voici d’ailleurs l’exposé très complet qu’en fait Tongiorgi, Instituliones philosophiez, Rome, 1862, t. iii, n. 183 : 1. Anima non ita est forma corporis, ul ipsum esse corporis, qua talc, ab anima dependcal. Corpus enim humaniun constat tandem aliquando alomis subslantiarum clemenlarium cerlo quodam modo composilis, et actu permanentibus… Corpus igitur humanum, attenta sola ratione corporis, est subslanlia somplela, imo aggregalum subslantiarum ; cstquc colummodo incomplelum, attenta ratione animalis rationalis. — 2. Ncque ideirco admillenda est in humano corpore forma ulla corporcitalis cum Scoto, neque formée partiales nervorum, ossium, ac parlium cœlerarum juxla aliorum [v. g. Lessius] velerum sententiam. Nain corpus humanum est corpus vi cohœsionis qua atomi conjunguntur, et corpus taie efflcitur per vires mechanicas et chimicas sub organismi condilionibus et sub animée inftuxii opérantes. — 3. Hinc malcria quam anima informai, non est maleria illa prima, sed corpus organicum, seu polius nerveum systema, ac fluidum maxime nerveum. — 4. Aliquid igitur dandum est velcribus thomistis, aliquid scolistis. Conccdere debemus thomislis, nullam aliam formam esse in homino prælcr animam rationalem ; concédera debemus scolistis, materiam quam anima informai, esse corpus organicum.

— 5. Si quæras an anima dici debeal FORMA sudstaxi’IALIS, respondebo in primis hanc vocem non lam declarare rem, quam declaralione egere ; respondebo deinde posse animam dici formam substanlialem ; nam et ipsa substantia est, non accidens, et sui communication corpus collocal in cerla subslanliæ specie, nempe in specie vivenlis.

Le P. Tongiorgi, op. cit., t. iii, n. 180, 183, reconnaît expressément qu’il s’écarte de saint Thomas. Cf. t. ii, Cosmologia, n. 76. Le P. Palmieri, tout en protestant que l’atomisme chimique ne combat pas autant qu’on pourrait le croire la théorie de saint Thomas, Cosmologia, thés, xxi, est un ferme partisan de cet atomisme, thés, xxiii ; mais traitant, dans son De Deo créante et élevante, le point de vue théologique de l’union de l’âme et du corps, il pose le principe que l’union substantielle peut être réalisée entre deux

substances complètes. Cf. Anlhropologia, thés. xii. Les substances ainsi unies, âme et corps dans le composé humain, sont complètes comme substances, mais incomplètes comme natures : de leur union résulte la nature humaine.

Le P. Ramière, op. cit., p. 91, note, tout en défendant la même doctrine, regrette qu’on s’écarte, par cette façon de parler, de toute la tradition de l’école qui ne voit entre la nature et la substance qu’une distinction de raison, en vertu de l’adage : operari sequitur esse. Aussi explique-t-il différemment l’union substantielle : « On peut, dit-il, op. cit., p. 94, nommer substantiel et même essentiel tout ce qui est exigé par la nature. Or, l’union avec le corps est certainement exigée par la nature de l’âme ; » donc cette union est substantielle.

2. Preuves.

Le système de l’école chimique est basé sur les données de la chimie moderne, relativement à la composition des corps. Les arguments proprement théologiques en sa faveur sont les mêmes que pour la thèse scotiste. Dès lors, en efîet, qu’il est démontré que la définition du concile de Vienne n’impose pas l’unité de forme, mais qu’on peut en déduire tout au plus l’unité d’âme, doctrina Ecclesiœ… indijferenter omnino scjiabel ad quscstionem de démentis conslilulivis corporum… quia supponil cor pus jam formalum in ratione corporis. Palmieri, De Deo créante et élevante, thés, xxvi, appendice. Or, nous n’avons pas à nous occuper ici de la question de la composition des corps comme tels. Aux philosophes de faire observer que les données de la chimie, relatives aux corps simples et à leurs combinaisons réciproques, ne contredisent pas les principes métaphysiques posés par saint Thomas et son école. Nous nous contentons de renvoyer, sur ce point spécial, à l’étude de M. Farges, Matière et forme en présence des sciences modernes, Paris, 1892. Au point de vue théologique, la théorie de l’atomisme chimique est une opinion catholique, parce qu’elle entend conserver l’unité essentielle du composé humain qui, dans l’union des substances, ne comporte qu’une nature. Tout comme la théorie scolastique, elle maintient la présence totale essentielle de l’âme dans tout le corps et dans chaque partie du corps. Cf. Palmieri, op. cit., Anlhropologia, c. iii, thés. x.

3. Difficultés de cette opinion.

Cependant cette opinion présente de graves difficultés dans l’ordre théologique. On étudiera à l’art. Transsubstantiation la valeur des arguments par lesquels on prétend concilier la conception atomiste des corps avec le dogme de la transsubstantiation ; mais en restant dans la seule question de l’union substantielle de l’âme et du corps, on constate que les partisans de l’atomisme chimique subissent la définition du concile de Vienne sans en pouvoir donner une raison scientifique (c’est sur ce terrain qu’ils se placent pour proposer leur système de la composition des corps) acceptable. Le P. Palmieri explique que l’âme intellective est forme du corps parce qu’elle est, en même temps que le principe de la pensée, le principe de laviesensitive et végétative. Anlhropologia, thés. xi. Le P. Tongiorgi, proposant la même pensée sous une autre forme, insiste surtout sur l’action de l’âme qui, répandue dans toat le corps, associe et mêle son activité à celle du corps. Psychologia, 1. II, c. iii, n. 167. Le P. Ramière trouve la justification du terme forme en ce que l’âme raisonnable ramène à l’unité la diversité des éléments. Op. cit., p. 92. Toutes ces formules sont vraies, mais elles laissent intact l’intime même du problème de l’union de l’âme et du corps ; elles en expriment les manifestations extérieures, elles n’en donnent pas la raison métaphysique dernière. L’union est affirmée, mais non expliquée.