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FORMK DU CORPS HUMAIN


saint Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XI. q. iv, a. I. Plus tard, avec Guillaume d’Occam et Guillaume de la Mare, l’école franciscaine dépassera les limites de l’orthodoxie et tombera dans l’erreur.

2. Arguments en faveur de la thèse scoliste.

a) La spiritualité et l’immortalité de l’âme. — Accepter que l’âme soit un élément constitutif intrinsèque du corps considéré comme tel, c’est incliner vers le matérialisme ; comment admettre que, l’âme soit à la fois essentiellement engagée dans le corps et dégagée de lui ? L’existence du corps n’est-elle pas celle de l’âme, et, partant, la disparition de l’une n’entraînera-t-elle lias celle de l’autre ? Ni Scot, loc. cit., ni aucun des anciens théologiens n’ont peut-être présenté l’argument sous cette forme, que Palmieri, Institulioncs philosophicæ, Rome, 1875, t. ii, Anthropologia, c. nr, thés, xii, lui a donnée récemment. Néanmoins, sous les différentes formes que revêt l’argument philosophique des anciens, impossibilité pour l’esprit d’informer la matière (Henri de Gand), nécessité d’une forme intermédiaire disposant la matière à recevoir l’esprit (Scot). contradiction dans la conception d’une forme cadavérique, prenant après la mort la place de l’âme (Durand), c’est toujours la question de la spiritualité de l’âme qui est en jeu. On trouvera les éléments de discussion et de solution de ces problèmes philosophiques dans Suarez, Mctaph., disp. XV, sect. x, § 8, 14, 16 ; disp. XIV, sect. xiii, n. 20. Cf. Zigliara, op. cit., part. III, c. iv, x.

b) Le récit de la création du premier homme, Gen., ii, 7 : formavit igitur Dominus Deus hominem de limo lerrse, et inspiravil in faciem ejus spiraculum vilæ, … suppose que le corps humain a été constitué à l’état de corps indépendamment de l’âme. Palmieri, De Dco créante et élevante, th. xxvi. Que l’opération comporte, d’après le texte sacré, deux phases, l’une relative au corps, l’autre relative à l’âme, tout le monde le concède ; mais cjue ces deux phases soient distinctes temporairement ou seulement d’une façon idéale, c’est ce qu’il est impossible de déduire du texte de la Genèse. Cf. d’Alès, Dictionnaire d’apologétique, art. Homme, col. 459.

c) L’autorité des Pères est objectée aux thomistes. Le P. Bottalla S. J., La lettre de Mgr Czacki et le thomisme, Paris, Poitiers, 1878, p. 19 sq., soutient que les Pères ont conçu l’âme et le corps non seulement comme distincts adéquatement, mais comme des substances complètes, l’unité de substance n’étant nullement regardée par eux comme nécessaire à l’unité substantielle. Il cite saint Irénée, définissant notre substance humaine, anima ; et carnis adunatio, Cont. hær. 1. V, c. viii, n. 2, P. G., t. vi, col. 1142 ; cf. c. vii, n. 1, col. 1139 ; Tertullien, Homo ex hac duplicis subslanliæ conqregationc conjectus est homo, non aliundc delinquit, quam unde constat, De pœnitenlia, c. ni, P. L., t. x, col. 1231 ; cf. De resurrcclione carnis, c. xxxiv, P. L, t. ii, col. 843 ; Adv. gnoslicos scorp., c. IX, P. L, , t. ii, col. 139 ; Adv. Marcionem, 1. IV, c. xxxvii, P. L., t. ii, col. 452, et surtout saint Jean Damaseène, De fide orlhodoxa, 1. III, c. xvi : Quivis homo, curn ex naturis duabus, anima et corpore, composilus sii, casque in semetipso invariabilis habcal, duarum mérita naturarum dicctur[5ùo çûirst ; e ! xôto> ; îyjir r

Etaij. A MRORUM ENIM NATURALEM PROPRIETATEM ETIAM

post unitionem retinet Non unius autem naturse sunt ea quæ essentiæ ralione ex opposilo dividuntur :

NON ERGO ANIMA ET CORPUS SUNT EJUSDEM SUBSTAN 77 k, etc. P. G., t. xciv, col. 1064. On trouve des déclarations analogues chez Théodoret, Dial., ii, Inconfusus, P. G., t. lxxxiii, col. 146-147, chez Léonce de Byzance, Contra monoi>hysilas, 1. I, P. G., t. lxxxvi, col. 1881. Ces textes ne montrent-ils pas chez les Pères la préoccupation d’accorder au corps une nature bien

distincte de celle de l’âme, ce qui ne. saurait se concevoir dans la théorie thomiste ? Pour les Pères, l’unité substantielle consiste en ce que les parties, « qui sont complètes dans leur être particulier, ne le sont pas par rapport à l’être commun qu’elles sont destinées à constituer. » Les thomistes répondent en faisant observer que saint Thomas lui-même, hymne Verbum supernum prodiens, parle comme saint Jean Damas* Théodoret et les autres Pères :

Quibus sut bina spoeie

Carnem dédit et sanguinem,

Ut duplicis substantif

Totum cibaref hominem.

Nous avons vu plus haut le XVe concile de Tolède s’exprimer de la même façon. Il ne s’agit donc que de s’entendre. L’âme et le corps sont deux substances, deux natures distinctes, pourvu qu’on leur laisse leur condition de substance et nature incomplètes. Les antithomistes ne peuvent concevoir l’être incomplet, acte ou puissance, l’ens ut quo, et c’est là le principe de toutes les équivoques. La forme, en tant que forme, est distincte essentiellement de la matière, en tant que matière ; natures incomplètes, substances incomplètes, elles s’unissent pour former l’être complet, l’ens ut quod, qui sera alors une substance, une nature complète. Si saint Jean Damaseène, en particulier, a tant insisté sur la distinction de nature entre l’âme et le corps, c’est qu’il voit dans l’union de l’âme et du corps une image de l’union hypostatique. Il propose cette image aux eutychéens qui veulent absorber une nature dans l’autre en la personne de Notrc-Seigncur Jésus-Christ. Cette confusion, cette absorption constituerait une hérésie, voilà pourquoi, continuant sa comparaison, saint Jean Damaseène représente l’homme comme conservant, même après l’union de l’âme et du corps, sans aucune confusion, les propriétés du corps et celles de l’âme. Cf. 1. II, c. xii, P. G., t. xciv, col. 924.

d) Le symbole d’Alhanasc. — La comparaison de saint Jean Damaseène existe précisément dans le symbole dit d’Athanase : Nam sicut anima ralionalis et caro unus est homo, ila Deus et homo unus est Christus. C’est un nouvel argument contre le thomisme : « en affirmant que l’union du Verbe avec la chair a été substantielle, [les Pères et les conciles] se sont gardés d’insinuer que la nature humaine ait perdu son être substantiel pour le recevoir de la nature divine… La théologie nous enseigne donc qu’il peut y avoir unité substantielle sans que l’une des deux substances, substantiellement unies, perde son être substantiel pour le recevoir de l’autre. » Bottalla, op. cit., p. 16. Les thomistes répliquent qu’il ne faut pas confondre l’union substantielle hypostatique dans la personne, et l’union substantielle dans la nature. S. Thomas, Sum. theol., III a, q. ii, a. 6, ad 3um. Il est donc illogique de chercher dans la première le type exact de la seconde, tout comme la seconde ne peut être qi’une image très analogue de la première. La comparaison du symbole d’Athanase se tient uniquement du côté de la communication de l’existence et non du côté de la composition de l’essence. Cf. Billot, De Verbo incarnalo, Rome, 1905, thés, v, ad l um. L’argument est présenté par le P. Bottalla, op. cit., p. 16 sq. ; la réfutation par Sauvé, De l’union substantielle de l’âme et du corps, Paris, 1878, p. 90 sq.

c) Le culte des i cliques des saints. — « Si le corps est redevable à l’âme seule de son existence déterminée, les corps des saints ne sont plus, après leur mort, les mêmes que durant leur vie ; ils ont revêtu une forme spécifiquement différente et qui n’a rien de commun avec l’âme sainte par laquelle ces corps furent jadis animés ; et comme la matière reçoit de la forme seule