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FORME DU CORPS HUMAIN


théologique, dans son commentaire sur I Thés., v, 23. Voir plus haut, col. 561.

2. Arguments en faveur de la thèse thomiste.

a) Argument philosophique. — Si l’âme intellective s’unit au corps sous la raison de forme substantielle, il devient impossible qu’une autre forme substantielle, en dehors d’elle, se trouve dans l’homme. Pour s’en convaincre, il faut considérer qu’il y a une différence radicale entre la forme substantielle et la forme accidentelle. La forme accidentelle ne donne pas l’être pur et simple. .. Aussi bien, quand advient la forme accidentelle, on ne dit pas qu’une chose est faite ou engendrée purement et simplement ; on dit qu’elle est faite telle ou avec tel mode… La forme substantielle, au contraire, donne l’être pur et simple. C’est pourquoi, quand elle advient, on dit que la chose est faite purement et simplement… Si donc, en dehors de l’âme intellective, préexistait dans la matière [que l’âme doit informer] une autre forme quelconque, laquelle ferait du sujet de l’âme un être déjà en acte, il s’ensuivrait que l’âme ne donnerait pas au corps l’être pur et simple et par conséquent ne serait pas une forme substantielle. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. lxxvi, a. 4. Cf. Pègues, op. cit. En somme, c’est l’unité substantielle du composé humain qui est en jeu. Saint Thomas complète sa pensée [au De anima, a. 9, et au De spir. créai., a. 3 : « Il n’est pas possible, dit-il dans cette dernière question, que de deux actes [au sens métaphysique du mot] résulte un être qui soit un purement et simplement ; pour avoir cette unité, il faut qu’on ait un composé, » non pas d’acte et d’acte, serait-ce d’ailleurs, comme le note Cajétan, In 7 aiTl, q. lxxvi, a. 4, d’acte substantiel ayant raison de puissance, dans l’ordre accidentel, par rapport à tel ou tel acte accidentel, et d’acte accidentel ; mais de « puissance » au sens strict, qui ne soit que puissance et nullement acte, « et d’acte, en ce sens que ce qui n’était qu’un être en puissance devient un être en acte. » Alors vraiment, mais alors seulement, on aura, parmi les êtres matériels, un être un, d’une unité substantielle. Pègues, loc. cit. ; cf. S. Thomas, Comment, in lib. de anima, 1. II, lect. i ; Zigliara, op. cit., p. 146 sq.

Cet argument, fondé sur l’unité substantielle du composé humain, est comme le centre de l’opinion thomiste : rien d’étonnant que les adversaires de cette opinion se soient acharnés à le combattre. On sait les luttes qu’eurent à supporter, sur ce point, les thomistes de la part des partisans de la pluralité des formes dans le même individu, voir Augustinisme (Développement historique de /’), t. i, col. 2506-2509 ; de fait, c’est là qu’il fallait porter toute l’attaque ; cet argument, reconnu valable, entraîne logiquement la théorie de l’âme, unique forme substantielle dans le composé humain. Cf. Zigliara, op. cit., part. III, c. ni, n. 209.

b) Autorité des Pères. — Les thomistes font remarquer que le témoignage des Pères, relatif à l’unité substantielle du composé humain, voir col. 553, ne peut s’interpréter logiquement que dans l’hypothèse d’une forme substantielle unique. On trouve cet argument indiqué dans Suarez, De anima, 1. I, c. xii, n. 7.

c) La définition du concile de Vienne. — Les thomistes ne disent pas que la définition du concile de Vienne condamnait l’hypothèse de la pluralité des formes ; mais ils admettent généralement que de cette définition on peut déduire logiquement la vérité de leur système. En effet, les Pères du concile prirent certainement le terme de forme dans le sens scolastique reçu à leur époque, voir les témoignages dans Zigliara, op. cit., part. II, c. n ; et s’ils ne définirent pas expressément que l’âme est la forme substantielle du corps, ils le définirent équivalemment en parlant de la substance de l’âme, ou encore en disant que l’âme est

essentiellement la forme (lu corps. Cf. Mazzella, De Deo créante, n. 609. Donc il faut, en bonne logique, interpréter la définition du concile de Vienne dans le sens de la thèse thomiste : « Si on ne peut pas dire que l’Église l’[opinion thomiste] ait strictement définie | au concile de Vienne, puisqu’en fait elle n’a voulu condamner que l’erreur de Jean-Pierre Olivi, et non pas le sentiment de la pluralité des formes, au sens de I l’école franciscaine ou scotiste, cependant il n’en dei meure pas moins qu’on a lieu de se demander si la docj trine définie à Vienne n’exige pas. en rigoureuse loj gigue et en saine mclapliysiquc, l’unité absolue de i forme substantielle telle que saint Thomas nous l’en-I seigne. » Du moins « il n’est pas douteux qu’à entendre la doctrine des formes substantielles comme J nous l’a exposée saint Thomas, outre que la raison philosophique, d’après le saint docteur, impose ce sentiment, on court aussi moins de risque de diminuer la définition du concile. » Pègues, op. cit., p. 296, 312. ! Cf. Pignataro, De Deo crcalore, Rome, 1905, th. xxxiii, ! p. 202.

d) La résurrection des corps. — Un dernier argument, j d’ordre théologique comme les deux précédents, en I faveur de l’opinion thomiste, est tiré de Videntiié des I corps à la résurrection. Cette identité est un dogme j imposé à la croyance catholique. Cf. IVe concile de i Latran, c. Firmiter ; XIe concile de Tolède ; profession i de foi d’Innocent III ; symbole de foi de saint Léon IX ; j profession de foi de Michel Paléologue au IIe concile j de Lyon. Denzinger-Bannwart, n. 429, 287, 427, 347, | 464. Si la forme corporelle était distincte de l’âme j rationnelle, elle disparaîtrait avec le corps ; à la résurj rection, on ne pourrait donc avoir l’identité nurat-I rique du corps humain en tant que corps ; on pourrait

avoir un autre corps, spécifiquement semblable, fait

par Dieu sur le modèle du premier, mais on n’aurait pas le même. Si, au contraire, l’âme est forme unique ; si, en même temps qu’elle est forme intellective, elle est aussi forme sensitive et végétative et, qui plus est, forme corporelle ; si, en un mot, elle donne au corps d’être non seulement humain, mais animal, mais vivant, mais substance et être, elle lui rendra, à la résurrection, identiquement ce qu’elle lui avait une première fois conféré. Voir Pègues, op. cit., p. 312-317 ; Billot, De novissimis, Rome, 1903, q. vii, th. xii, §2, 3. Les adversaires de la thèse thomiste contestent la valeur concluante des arguments théologiques. Ni l’autorité des Pères, ni celle du concile de Vienne ne peuvent être apportées en faveur de l’unité de forme dans le composé humain. L’explication thomiste de la résurrection du corps ne s’impose pas. Enfin l’argument philosophique n’est concluant que si l’on parvient à démontrer que l’unité substantielle de l’homme est détruite par la pluralité de formes incomplètes et subordonnées à une forme supérieure.

Or, les adversaires nient qu’on puisse l’appliquer à de telles formes, dont la subordination sauvegarde précisément l’unité du composé. Nous n’avons pas à discuter ici la valeur d’une telle réponse : on lira avec profit, sur ce point spécial, les commentateurs de saint Thomas, In / « ">, q. lxxvi ; Vacant, Éludes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. i, a. 48, 49 ; Liberatore, op. cit., c. x. a. 1-3.

On ne peut nier cependant que l’exclusion d’un principe vital distinct de l’âme, voir col. 559, ne donne, par voie de déduction, une sérieuse probabilité théologique à la thèse thomiste. Il n’y a pas plus de raison, philosophiquement parlant, de distinguer âme et forme corporelle que de distinguer âme et principe vital.

3. Deux écoles thomistes.

La pensée de saint Thomas n’est reproduite fidèlement et complètement que