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FORME DU CORPS HUMAIN


stantielle du composé humain exclut donc l’erreur platonicienne de la pluralité des âmes ou des principes vitaux dans le même individu ; il exclut également l’erreur de l’âme universelle, faussement attribuée (du moins, à notre avis) à Aristote, De anima, 1. III, c. iv, text. 19. Cette erreur semble bien plutôt provenir de la conception stoïcienne d’une âme unique animant la nature entière, cf. J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910, t. i, 1. I, p. 40-90 ; conception reprise par l’école d’Alexandrie avec Plotin et Proclus et qui a certainement influé sur l’opinion d’Origène concernant la préexistence des unies. Voir Ame, t. i, col. 996. Au moyen âge, sous le. nom d’Averroès, plusieurs commentateurs d’Aristote ressuscitèrent cette théorie panthéistique, déjà contenue en germe dans Scot Ériugène, voir M. de Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, Louvain, 1900, p. 185 ; la thèse opposée est soutenue à l’art. Ériqène, t. v, col. 424. Les erreurs d’Averroès se rapportant à l’âme sont principalement les trois suivantes : a) l’âme intellcctive n’est pas multipliée avec les corps, mais elle est unique ; b) par conséquent, l’union de l’âme intellcctive et du corps ne donne pas une nouvelle unité à l’homme ; c) l’homme appartient à son espèce par l’âme sensitive. Mandonnet, Siger de Brabanl et l’averro’isme latin au XIIIe siècle, Fribourg (Suisse), 1889. De pareilles erreurs avaient de la répercussion non seulement sur l’unité substantielle du composé humain, mais encore sur l’immortalité personnelle de l’âme humaine. Voir M. de Wulf, op. cit., p. 233. On a vii, à l’art. Averroïsme, t. i, col. 2629, l’histoire de ces erreurs et leur fortune au xine siècle. Au xiv siècle, Jean de Jandun, De anima, Venise, 1552, soutient non seulement la distinction substantielle de l’âme sensitive et de l’âme intellcctive — théorie enseignée par Guillaume d’Occatu et Guillaume de la Mare — mais encore professe I isolement, l’unité et l’éternité de l’intellect agent. Op. cit., q. vu. Il ne craint pas de dire : quamvis difficile sit intell igerc quomodo ex materia et forma SUBSISTBNTS, n" iMi.i.iu s ii, fuit unum, tamen multo difflcilius est hoc intelligere de anima intellectiva et humano corpore secundum positionem calholicam quan. secundum posilionem commentaloris [Averro’is. On prétendait échapper aux condamnations de l’Église, en soutenant de pareilles thèses philosophiques, en les reniant au point de vue théologique. On retrouve aussi certaines tendances a l’averrolsme chez Jean de Bacon (7 1346) t cfæs maître Lckart (y 1328). Voir de Wulf, op. cit., p. 373. Au sve siècle, les discussions sur l’âme continuent plus passionnées que jamais entre aristotéliciens, averrolstes et alexandristes, les premiers, disciples d’Averroès, les seconds, disciples d’Alexandre d’Aphrodlsias. Pour les premiers, l’âme universelle ne réalité : l’immortalité de l’âme est douer réelle, quoique impersonnelle : pour les seconds, l’âme uni-Ile est un simple concept : l’âme humaine périt donc, comme toutes les formes, avec le corps. Parmi lexandristes, le plus célèbre fui Pomponal H 162 mis erreurs cont’inant au panthéisme li ment dans les systèmes éclos sous l’Influence’le la cabale, « le la doctrine de l’émanation, ilchimie ei que nous avons déjà rencontrés plus haut 1 irdan, Patrizzi 1 1529 1597),

lano Bruno (1548 1600). Voir M. de Wulf, op. ctt. p. 114 sq. Toutes cet théories étaient Implicitement

n le concile de Vienne : puisque l’âme

Intclli sentiellement, par elle-même, la

tonne du corps, <t cela, parce qu’il est Impossible de utrement l’unité substantielle du 00m humain, il s’ensuit logiquement que chaque hommi possédant son individualité, s.i natun pro dm » avoii 1 (orme humaine, l’âme Intellective, dJ

tincte de la forme, de l’âme des autres hommes : donc multiplicabilité et, en fait, multiplication des âmes en raison de la multiplicabilité et de la multiplication des corps. C’est ce que le Ve concile de Latran, tenu en 1513, définit expressément contre les néo-aristotéliciens.

De nos jours… le semeur de zizanie, l’ennemi antique du genre humain a osé répandre et faire croître dans te champ du Seigneur quelques très pernicieuses erreurs, désapprouvées d’ailleurs par les fidèles, touchant la nature de l’âme raisonnable. L’âme, dit-on. serait mortelle et unique pour tous les hommes ; et certains philosophes téméraires ne craignent pas d’affirmer que telle est du moins la vérité philosophique. Désirant apporter un remède efficace contre

celle sorte de peste, avec l’approbation de ce saint concile, nous condamnons el réprouvons tous ceux qui affirment que l’âme est mortelle ou unique chez tous les hommes ou qui apportent le doute sur ces vérités : non seulement l’âme est vraiment par elle-même et essentiellement la tonne du corps humain, comme il a élé défini, au concile de Vienne, dans le canon de noire prédécesseur, le pape Clément V, d’heureuse mémoire ; mais elle est encore immortelle, el. en proportion de lu multitude des corps auxquels clic est infusée, numériquement mullipliable, et multipliée ci devant toujours se multiplier.

Le concile anathématise ensuite ceux qui prétendent pouvoir soutenir de telles erreurs au nom de la raison, tout en s’inclinant au nom de la foi. Les deux points de vue ne peuvent se contredire.

Est-il besoin d’ajouter que celle doctrine néo-aristotéliciennen’a jamais été admise par les commentateurs de l’âge d’or de la scolastiquc ? L’unité d’âme, admise par saint Thomas, c’est l’unité de forme dans l’être vivant, par opposition â la doctrine de la pluralité des formes, professée par les partisans de l’augUStinisme ; mais saint Thomas a élé le premier â combat lie l’averrolsme, par exemple, dans l’opuscule De unitale intelleelus contra aiurroislus. Déjà, dans la

Suinmii contra génies, il avait argumenté lies nettement en faveur de la doctrine catholique : Ab eodem aliquid habet esse et unitatem ; unum enitn et eus converluntur. Serf untunquodque habet esse per suant formant ; ergo et imitas rei sequitur unitatem forma. Impossibile est igitur diversorum individuorum homi num esse jurmam unum. Forma aillent htljtlS hiinunis

est anima intellectiva. Impossibile est igitur omnium hominumesse unum intellectum, I. il. c. lxxiii.

La doctrine condamnée en 1513 ne s’est elle pas Infiltrée, sous une forme nouvelle, dans la philosophie moderne ? Nous n’oserions le nier. Sans doute, le problème lie se pose plus de la meule façon, les llléorics

métaphysiques modernes, depuis Leibniz et Spinoza, reposant sur le monisme soit matérialiste, soit spiritualisme. L’opposition entre l’âme >i le corps n’es

Cum itaque diebus nostris. .. zizanise seminator, antiquus humani gencris hostis, nonnullos perniciosissimos errores, a fiilelibus semper explosos, in agro Domini superseminare el augere sit ausus, de natura prsesertim anima : rationalis. quod videlicel mortalis sit, aut unica in cunclis hominibus ; et nonnulli temere philosophantes, secundum saltem philosopliiam, verum id esse asseverent ; contra hujusmodi pestem opporluna remédia adhibere cupieiites. hoc sacro approbante concilio damnamus et reprobamus omnes asserenles animam intellectivam morlalem esse, aut unicam in cunctis hominibus, et hæc in dubium verlenles : cum Ella non solum vere per se et essenlialiter humani corporis forma existai, sicut in canone felicis recordationis Clementis papw V prsedecessoris nostri in gênerait Yiennensi concilio eililo continetur ; verum et immorlalis, et pro corporum, quibus infunditur, multitudine singulariter mulliplicabilis, d multiplicata, et multiplicanda sit… Denzinger-l’. annwarl, n. 738.