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FLORENCE (CONCILE DE)


spiritualis jurisdiclionis quæ est ordinala in salulem animarum omnium christ ianorum. El circa hanc potestatem et clerici et laici sunt subjecti… Donc pas de doute, tous les chrétiens sont soumis au pouvoir pontifical, dans les choses qui concernent le salut. D’où les papes peuvent recevoir les recours du métropolitain contre les souverains qui les persécutent, comme ce fut le cas au sujet de saint Athanase et de saint Jean Chrysostome. Mais là Jean eut grand soin de faire remarquer que cette prétention n’entrave pas le pouvoir impérial, quod hoc non præjudicat potestati imperatoris, quia illa ut in civilibus et temporalibus, hœc est ecclesiaslica et spiritualis. Il y a deux grands luminaires, le soleil et la lune, de même deux pouvoirs qui doivent s’unir pour le bien de tous. C’est toujours la grande doctrine romaine. Allant plus loin, et pour répondre à deux questions de Bessarion, Jean de Raguse montra que le pouvoir des papes s’étend à la convocation des conciles et que, tandis qu’un patriarche et un métropolitain n’ont qu’une autorité limitée au territoire qu’ils administrent, l’autorité du souverain pontife va bien au delà : successor Pétri habet immédiate potestatem superioris in omnes, sed ila habet, ut cum ordine hœc omnia fiant. Labbe, col. 1146. En résumé, le Christ a donné à son Église la forme d’une monarchie ; mais l’Église romaine n’a nullement pour cela l’intention de détruire les droits et privilèges des autres Églises. Ce discours, comme il fallait s’y attendre, amena de grandes controverses parmi les grecs. Évidemment Jean de Raguse n’avait pas oublié qu’à l’heure où il parlait les Pères de Bâle faisaient schisme et la France préparait une pragmatique sanction. Il fallait publiquement réagir contre tous les essais d’Église nationale et c’est pourquoi, vis-à-vis des grecs, le pape ne consentit sur ce chapitre de la primauté qu’à une chose : à reconnaître le siège de Constantinople comme le premier après le sien et à confirmer l’ancienne hiérarchie des patriarcats.

Le discours du provincial des dominicains portait juste cependant. La preuve en est que, le 22 juin, les grecs répondirent qu’ils reconnaissaient la primauté du souverain pontife sauf sur deux points : un concile ne peut être œcuménique sans la présence de l’empereur et du patriarche ; un recours adressé à Rome contre un patriarche doit être jugé par les légats du pape dans la province et en présence des parties. Le 23 juin, Eugène IV refusa de ratifier ces deux exceptions à la primauté et un instant tout sembla rompu. Cependant, grâce à l’énergie des unionistes grecs, une formule de conciliation fut trouvée probablement par Bessarion et présentée aux latins le 26 juin : ïleç, v/j ; àpyrfi toO 71a71a Ô(XO/.oyoO(j : ev aùxbv axpov àp/iEpea xai ÈTmpoTtov, xai TOTtoTï]Oï)TT|V xai |3txâptov toû Xpiaroû, TroijxévaTe xai 8c811/.a).ov 71âvT(i>v xpio-Ttaviov, Î6-jvsiv ie y.at xuêepvàv x^v èxxXr, <nav tou 0eoO, c7UsOp.év(ov T(ov TTpovoat’ajv —/où Ttov Sr/aceov tûv 7raTpiocp/tôvffjç àvaTo).r, ç… Labbe, col. 504. Cette formule était incontestablement vague ; mais comme l’avouaient les unionistes, c’était le dernier terme des concessions qu’ils pouvaient faire. Eugène IV, dont on a tant critiqué la rigueur dogmatique, accepta cependant cette formule. Avec elle l’union était faite. Il ne restait plus qu’à rédiger l’acte d’union.

Par ordre du pape, on choisit dans chaque ordre des commissaires qui eurent pour mission de fondre les cédules adoptées isolément en un seul décret qui serait écrit en deux langues. Douze commissaires furent choisis. Ils eurent à leur tête le cardinal Cesarini. Bessarion et Traversari furent spécialement chargés de la rédaction. Traversari écrivit en latin le préambule ; puis on traduisit le décret en grec. Bessarion le corrigea pour lui donner sa forme définitive et, le

4 juillet, après huit jours de difficultés de rédaction soulevées par l’empereur, le décret fut enfin lu devant la commission grecque et latine et signé le 5 juillet. Les latins signèrent l’acte à Santa Maria Novella. Ils étaient au nombre de cent quinze. Les grecs signèrent chez l’empereur. Il y eut trente-trois signatures. Marc d’Éphèse refusa de signer ; Ésaïe de Stavropol, Jean Eugenikos, frère de Marc d’Éphèse, et Georges, représentant des Églises de Géorgie et d’Ibérie, s’étaient enfuis de Florence avant la fin des délibérations. On sait que Denys de Sardes était mort à Ferrare. Par contre, les stavrophores de Sainte-Sophie, hostiles à l’union et auxquels le patriarche et l’empereur avaient, dès le 24 mars, retiré le droit de vote, durent signer par ordre. Enfin, le topotérète de Moldo-Valachie, deux moines représentant les couvents de l’Athos et quatre moines représentant divers couvents signèrent les derniers. Toutes ces signatures, tant grecques que latines, furent données en présence des commissaires de la partie jusque-là adverse. Ceci fait, le 6 juillet, dans la cathédrale de Florence, le décret fut lu solennellement pendant la grand’messe chantée par le pape. Cesarini lut le texte latin, Bessarion le texte grec. Après quoi, les deux ecclésiastiques s’embrassèrent et tous les grecs, empereur en tête, vinrent fléchir le genou devant le pape et lui baiser la main. Le décret d’union ou Deflnilio sanctse œcumenicee synodi Florentinse, comme on l’appelle parfois, bien que ce titre ne se trouve pas dans l’acte original, commence par ces mots : Lœlentur cœli et exullel terra. Voir Hefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, t. xi, p. 46 sq. ; Denzinger-Banmvart, n. 691. Après le préambule, vient tout de suite la question de la procession du Saint-Esprit. Les principes sont affirmés, après quoi suit la définition : « En conséquence, au nom de la sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, avec l’approbation de ce saint concile œcuménique de Florence, nous définissons que tous les chrétiens doivent croire et professer cette vérité de foi, savoir que le Saint-Esprit est éternellement du Père et du Fils, qu’il tient son essence ainsi que son être subsistant du Père et du Fils, qu’il procède éternellement de l’un et de l’autre, ainsi que d’un seul principe et d’une même spiralio… Nous définissons, en outre, que l’addition du Filioque a été licitement et raisonnablement insérée dans le symbole, dans le but de déclarer la vérité et cela étant alors nécessaire. » Voir Filioque, t. v, col. 2320. Pour la question du pain avec ou sans levain, le décret définit qu’on peut indifféremment se servir de l’un ou l’autre, suivant le rite de l’Église à laquelle on appartient. Voir Azymes, t. i, col. 2664. Pour le purgatoire, le décret ne spécifie pas les peines infligées à ceux qui s’y trouvent, mais définit que les âmes peuvent être soulagées par les suffrages des vivants. Les âmes arrivées au ciel voient Dieu intuitivement, tel qu’il est, plus ou moins parfaitement suivant leurs mérites. Les damnés descendent aux enfers où ils sont punis suivant leur degré de culpabilité. Enfin pour la primauté, le décret s’exprime ainsi : « Nous définissons que le Saint-Siège apostolique et le pontife romain ont la primauté sur l’univers entier et que ce même pontife romain est le successeur du bienheureux Pierre, prince des apôtres, le vrai vicaire du Christ, le chef de toute l’Église, le pasteur et le docteur de tous les chrétiens, et que c’est à lui qu’a été confié en la personne du bienheureux Pierre, par le Seigneur, le plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner l’Église universelle, ainsi qu’on peut le voir dans les actes des conciles œcuméniques et dans les sacrés canons. » Ce membre de phrase, en latin qucmadmodum eliam…, a été attaqué au xixe siècle par Dôllinger lors des discussions relatives à l’infaillibilité. Il a