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FORME DU CORPS HUMAIN

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qui est logée dans la tête, le 9u(j.éç, l’âme sensitive, animale, qui se trouve dans le cœur et rîmOupu’a, l’âme végétative, dont le siège est au-dessous du diaphragme, dans la région abdominale. La théorie platonicienne de la pluralité des âmes n’a pas été sans exercer quelque influence, sur la psychologie des Pères, en particulier dans les trois premiers siècles, sans cependant qu’on trouve chez les catholiques l’affirmation expresse d’une trichotomie réelle. Voir Ame (Doctrine des Pères des trois premiers siècles), t. i, col. 977 sq. ; et Platonisme des Pères et de la scolastique. Les apollinaristes, au contraire, ont reproduit l’erreur de Platon en adaptant sa distinction de l’âme rationnelle et de l’âme inférieure, sensitive et végétative, au dogme de l’incarnation. On a vu plus haut, col. 553, comment les Pères maintinrent, contre cette doctrine erronée, l’affirmation de l’unité substantielle du composé humain, âme et corps. La condamnation de l’apollinarisme, voir t. i, col. 1515, comportait implicitement la condamnation de la trichotomie. Mais une condamnation directe et formelle frappe, au VIIe concile œcuménique, IVe de Constantinople, can. Il [grec 8], voir Constantinopi.e (IVe concile de), t. iii, col. 1299-1300, la doctrine de la pluralité des âmes. Quelle était l’erreur visée par le concile ? Quelle était la portée de la condamnation ? Il est difficile de le savoir, et nous prions le lecteur de se reporter à l’art, cité, col. 1300-1301. Cf. Ame, t. i, col. 1007. Cette profession de foi en l’unité de l’âme humaine était un premier pas fait vers l’identification de l’âme et du principe vital. Mais il restait encore à dissiper bien des équivoques, à écarter bien des subterfuges : ce fut l’œuvre de sept siècles, du xiie au xix c, jusqu’au jour où Pie IX condamna la doctrine de Giinther.

L’identité de l’âme et du principe vital.

1. L’unité

d’âme, professée au IVe concile de Constantinople, semblait bien entraîner l’identité do l’âme rationnelle et du principe vital. Néanmoins, on pouvait encore se demander si le concile n’avait pas voulu simplement condamner la doctrine de deux âmes raisonnables, conçues à la façon manichéenne, l’une bonne, l’autre mauvaise. La définition du concile de Vienne, en déclarant l’âme intellective, essentiellement et par elle-même, forme du corps humain, n’avait cependant pas encore supprimé toute possibilité d’équivoque. Plusieurs théologiens, en effet, reprenant la doctrine ébauchée, au xiie siècle, par Alain de Lille, d’un spiritus pliysicus intermédiaire entre l’âme et le corps, Cont. hserel., 1. I, c. xxviii, P. L., t. ccx, col. 329, n’hésitaient pas, malgré les définitions de Constantinople et de Vienne, à proclamer l’existence dans l’homme, outre l’âme intellective spirituelle, d’une âme inférieure, sensitive et périssable, principe de la vie animale. Tel, au xiiie siècle, Guillaume de la Mare, dans son Correptorium f rat ris Themæ ; tel encore, au xive siècle, Guillaume d’Occam. Les occamistes, sauf Thomas Bricot, abandonnèrent sur ce point la doctrine du maître. Voir Fromond, De anima, Louvain, 1649, 1. I, c. v. Les averroïstes, outre l’âme intellective, unique, séparée, admettent en général une âme sensitive matérielle, périssable, dans chaque individu. Voir plus loin, col. 565.

En dehors des théologiens, on peut citer, chez les savants, comme ayant professé l’erreur des trois âmes, Jacob Zabarella (1532-1589), In lib. Arislolelis de anima, Padoue, 1604. Zabarella, pour échapper aux censures de l’Église, dut déclarer qu’il admettait selon la foi les vérités dont l’évidence ne peut être prouvée par la raison seule. Cf. Iloefer, Nouvelle bibliographie générale, Paris, 1866, t. xlvi, col. 921.

L’influence de la cabale, de la doctrine de l’émanation, du mysticisme et de l’alchimie, crée, aux xve et

XVIe siècles, un véritablement débordement d’âmes dans l’homme et dans la nature. Le principal représentant de ces doctrines étranges fut Van Helmont (1577-1664). A côté de l’âme raisonnable et immortelle, Van Helmont place une âme sensitive et périssable, en dessous de laquelle se range toute une pléiade ù’archées ou principes vitaux subordonnés. Voir, pour plus de détail, F. Bouillier, Du principe vital et de l’âme pensante, Paris, 1862, p. 149-153. A noter que, selon Van Helmont, l’âme sensitive n’a pas toujours existé dans l’homme, mais seulement à partir de la chute originelle. Orlus medicina id est, initia physicie inaudita, Amsterdam, 1648. Van Helmont avait eu des devanciers : Paul de Venise († 1429) avait déjà admis, non seulement deux âmes profondément distinctes, l’âme sensible qui est corruptible et l’âme rationnelle (au sens averroïstc) immortelle, mais encore une multitude d’âmes végétatives résidant dans chaque organe, les unes dans les os, les autres dans la chair. In libros Aristotclis de anima, Venise, 1481 ; Summa philosophiæ naturalis, Wenisc, 1491. Voir HugoCavelli, Doctoris subtilis quæsliones super libris Aristotclis de anima, Lyon, 1625, disp. I. Ce sont doctrines analogues que professèrent aussi, immédiatement avant Van Helmont, Paracelse (1493-1541), Cardan (15011576) et même Bernardin Télésius (1508-1588) dont la doctrine du spirilus humunus, de nature animale et périssable, prélude aux esprits animaux de Bacon et de Descartes. On rattache aussi à la même école l’Anglais Robert Fludd (1574-1637), qui donne à l’homme trois âmes, correspondant aux trois personnes de la Trinité, et représentant trois degrés d’émanation du premier principe de toutes choses. Fr. Bacon, au xvie siècle, a cru devoir adjoindre à l’âme raisonnable une seconde âme, d’une nature inférieure, pour le gouvernement du corps ; et il ne veut pas qu’on définisse l’âme rationnelle l’acte dernier ou la forme du corps. Il pensait que cette définition conduisait à une conséquence funeste : « qu’il n’y a entre l’âme humaine et celle des brutes que la simple différence du plus au moins, et non une différence vraiment spécifique. » De augmenlis scientiarum, 1. IV, c. iii, dans Œuvres philosophiques de Bacon, publiées par Bouillet, Paris, 1834, t. i, p. 232 sq. Gassendi, dans Synlagma philosophicum, Lyon, 1658, 1. III, c. iv, sect. iii, membrum posterius, tout en reconnaissant que l’opinion de l’unité de l’âme est la plus commune, se prononce en faveur de la doctrine des deux âmes, ou plutôt d’une âme composée de deux parties, l’une pour la pensée, l’autre pour la vie, l’une spirituelle, l’autre matérielle, l’une d’origine divine, l’autre d’origine humaine. Il se met en règle avec l’Église, en déclarant que les conciles n’ont condamné que l’opinion de deux âmes raisonnables. La même doctrine, exagérée encore en ce qui concerne les esprits des éléments, est reprise par Campanella (1568-1639), dans son De sensu rerum et magia mirabili occulta philosophiæ libri IV, Francfort, 1620. On en trouve aussi des traces chez bon nombre d’érudits, de philosophes et d’écrivains du xvie siècle, tels qu’Etienne Pasquier, Laurent Valla, Rorarius, Montaigne, Charron, etc. Nul doute que ces abus n’aient contribué à jeter, par réaction, Descartes dans l’excès contraire du mécanisme physiologique. Il faut dire néanmoins que la doctrine de l’Église concernant l’unité d’âme reste, au témoignage des partisans de l’opinion adverse, la doctrine dominante et commune. Voir Bouillier, op. cit., p. 164 sq. Le mécanisme cartésien devait amener une contreréaction. Le médiateur plastique attribué à Cudworlh, ou plus exactement la nature plastique proposée par ce philosophe, voir P. Janet, De natura plaslica apud Cudivorlhum, Paris, 1848, trad. franc., Paris, 1860, n’est pas chez l’homme un intermédiaire, mi-spirituel,