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FORME

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la forme substantielle ou accidentelle. Toutes les formes substantielles ne sont pas non subsistantes, car l’âme humaine est subsistante et informante à titre de forme substantielle.

4. On appelle forme substantielle toute forme qui s’unit à la matière première pour réaliser par cette union une substance déterminée dont elle est l’élément spécifique. Voir Cause, t. ii, col. 2021. Suarez, Melaph., disp. XV, seet. v, n. 1, définit exactement la forme substantielle : substantiel simplex, incomplète/, quæ ut aclus malerise cum ea constitua essenliam substantiec complétée. C’est donc : a) une substance, et par là on exclut les accidents et les modes substantiels ; b) simple, et par là se trouvent écartées les substances composées ; c) incomplète, et par là sont éliminées les natures complètes, encore qu’elles soient simples, telle la substance simple angélique ; d) acte de la matière, pour bien montrer qu’il s’agit du principe perfectif et non du principe potentiel. Cf. Mazzella, De Deo créante, Rome, 1880, n. 610. Tel est le concept général de la forme substantielle, concept sur lequel s’accordent tous les scolastiques sans exception, quelles que soient les divergences de leurs sytèmes philosophiques particuliers, divergences dont nous n’avons pas à nous inquiéter ici.

La forme substantielle peut être, nous l’avons dit, ou spirituelle, si elle possède une existence indépendante de la matière, ou matérielle, si elle n’existe qu’en raison du composé. Dans l’un et dans l’autre cas, la forme n’est qu’une partie de l’essence. Voir Essence, t. v, col. 836 ; cf. S. Thomas, Opusc. de ente et essentiel, c. vu. Les formes substantielles comportent divers degrés de perfection ; on a déjà exposé ce point à l’art. Cause, t. ii, col. 2022-2023. Cf. Conl. génies, 1. II, c. lxviii, et Franck, Dictionnaire des sciences philosophiques, Paris, 1875, p. 555.

5. Si l’être existe déjà dans sa réalité substantielle, toute forme nouvelle survenant est dite accidentelle. Voir Cause, t. ii, col. 2022. Cf. S. Thomas, De ente et essenlia, loc. cit. ; Sum. theol., I a, q. lxvi, a. 1, 2 ; q. lxxvii, a. 6 ; De anima, a. 9. La forme accidentelle comporte, elle aussi, divers degrés de perfection unis à son imperfection essentielle d’accident : elle peut être immatérielle, si elle est subjectée dans une forme substantielle spirituelle, comme l’est dans l’âme humaine la faculté intellective ; la grâce est aussi une forme accidentelle spirituelle, d’après saint Thomas, Sum. theol., I a ll x, q. ex, a. 2 ; elle peut être purement matérielle, comme les formes naturelles des êtres inorganiques. Entre ces deux extrêmes s’échelonne toute la série des formes intermédiaires dont la perfection dépend de la perfection du composé qui en est le sujet.

6. II convient de distinguer brièvement les sens physique, métaphysique et logique du mot forme. La forme physique est celle qui entre, à titre de cause formelle, dans la composition des êtres réels. Lorsque nous parlons de l’âme, forme du corps, il s’agit d’une forme physique. La forme métaphysique est, par une abstraction de notre intelligence, représentée comme une partie du sujet réel auquel elle est appliquée ; en réalité, elle est ce sujet lui-même : nous disons que Y humanité est la forme métaphysique de l’homme ; en réalité, l’humanité n’a pas de réalité, dans l’ordre ontologique, distincte de la réalité même de chaque homme. Voir Essence, t. v, col. 837. La forme logique n’est autre que la différence par laquelle le genre devient spécifié. Le genre animal est spécifié homme par la forme logique raisonnable. Voir Suarez, Melaph., disp. XV, sect. xi ; Bafiez, In lib. de generationc et corruptione, 1. I, c. iii, Venise, 1596.

m. APPLICATIONS. — Il suffit d’avoir rappelé ces notions pour comprendre facilement l’application

du mot forme à Dieu, aux anges, à l’âme humaine, aux êtres inférieurs.

A Dieu.

En premier lieu, Dieu, dont la

simplicité, voir Dieu, t. iv, col. 1170, est absolue, Sum. theol., I » , q. iii, a. 7, ne comporte en lui-même aucune composition, a. 2, 4. 6. D’autre part, étant agent et le premier agent, Dieu, en vertu de l’adage qui veut que tout agent le soit par sa forme, c’est-à-dire en tant qu’acte, sera donc essentiellement forme ; il sera sa forme, comme il est son essence, et tous ses attributs. Dieu est donc forme absolument simple, c’est-à-dire acte pur. Cette simplicité absolue de la forme divine exclut non seulement la composition de matière et de forme, d’essence et de parties intégrantes, mais encore d’essence et d’existence, de sujet et d’accident, de nature et de subsistance. On le voit, l’expression forma Dei du texte christologiquc de l’Épître aux Philippiens, encore qu’elle ne soit pas empruntée à la métaphysique péripatéticienne, répond exactement à la vérité.

Aux anges.

Actes purs, les anges sont aussi

formes. On les appelle souvent, dans le langage théologique de l’école, les formes séparées. La simplicité de ces formes n’est toutefois qu’une simplicité relative. Elle exclut sans doute la composition essentielle de matière et de forme, voir sur ce point les théories des scolastiques, à l’art. Ange, t. i, col. 1230-1231, d’essence et de parties intégrantes ; mais elle n’exclut pas la composition d’essence et d’existence, de sujet et d’accident, de nature et de subsistance. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I 1, q. iv, a. 2, ad 3 l, m.

A l’âme humaine.

 L’âme humaine est une

forme inférieure à Dieu et aux anges. Spirituelle, immatérielle, subsistante parce que douée d’une existence propre, elle est ordonnée au corps qu’elle doit informer. Sa simplicité, relative comme celle des anges, se trouve donc jointe à l’aptitude de s’unir substantiellement à la matière. Destinée à cette union, l’âme n’est plus, comme la forme angélique, une forme complètement subsistante dans sa nature propre : l’âme, en effet, n’est une nature qu’unie au corps. Cf. Hugon, Si l’âme séparée n’est pas une personne, dans la Revue thomiste, t. xvii, p. 590. Elle tient donc le dernier degré des formes subsistantes et spirituelles ; mais aussi elle commence la hiérarchie des formes substantielles inférieures dont il a été question à l’art. Cause, loc. cil. La question de l’âme, forme substantielle du corps, ayant été l’objet d’une définition conciliaire, sera traitée à part à l’art. Forme du corps humain.

4° Les formes inférieures, dont nous n’avons pas à nous occuper ici, sont, elles aussi, simples parce que non composées, en elles-mêmes, de matière et de forme. Mais cette simplicité n’inclut pas, comme dans l’âme, les anges et Dieu, la spiritualité ; ce sont des formes nécessairement unies à la matière, des formes corporelles ou matérielles. C’est pourquoi le problème de la simplicité n’est pas identique à celui de la spiritualité : toute forme spirituelle est simple ; la réciproque n’est pas vraie. Voir Ame, t. i, col. 1021.

II. Sens analogique.

L’idée de forme implique

une perfection ; l’idée de matière, une imperfection jointe à la perfectibilité par la forme : 1a forme substantielle perfectionne, en effet, la matière dans l’ordre des substances ; la forme accidentelle perfectionne le sujet dans l’ordre des accidents. Laissant de enté le point de vue philosophique et les explications métaphysiques du système hylémorphiste, la théologie catholique a retenu les noms de matière et de forme pour les appliquer, dans un sens analogique, à certaines choses dans lesquelles se retrouvent les aspects de perfection, d’imperfection, de perfectibilité. Signalons simplement ici les principales acceptions du mot forme, en ce sens analogique, chacune de ces