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FOR (PRIVILÈGE DU)

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elimii omnes in excommunicationem Vais, sententiæ speciali modo romano pontifici reservatam incurrere. Acta apostolicæ Sedis, 1911, p. 555-556.

On voit aussitôt quel fut l’apport de ce Motu proprio à la discipline ecclésiastique. Les premiers mots déjà paraissaient indiquer que l’on se trouvait moins en présence d’une loi nouvelle que d’un commentaire nouveau, authentique comme les précédents, et destiné à les compléter. L’occasion en était suscitée, d’une manière évidente et avouée, par un procès retentissant et scandaleux plaidé à Rome quelque temps auparavant, et où des évêques et même des cardinaux avaient été cités, non comme inculpés, mais comme témoins. Le rappel de ces faits devait servir de lumière pour éclairer le texte et en diriger le commentaire. On voit donc dès maintenant l’objet précis du Motu proprio. C’était de confirmer la loi ancienne et d’obtenir par des moyens plus énergiques le respect dû au privilège du for. Là où la circulaire du Saint-Office de 1886 n’avait prévu que des peines ferendæ sententiæ remises au gré de l’ordinaire, le Moin proprio étendait les coups de l’excommunication latæ sententiæ qui n’atteignait jusque-là que les législateurs et les « autres autorités » . La circulaire avait déclaré que les évêques ne devaient jamais refuser la permission de poursuivre un clerc devant le juge laïc ; le Motu proprio déclare, sans aucune restriction, que citer un clerc à comparaître sans que l’on ait obtenu préalablement la permission de l’autorité ecclésiastique fait encourir l’excommunication du c. Cogentes.

Le Motu proprio va plus loin. Les commentateurs du c. Cogentes ne parlaient guère des témoins et de leur convocation devant un tribunal séculier, sinon dans la forme indiquée ci-dessus : le Motu proprio étendait la peine de l’excommunication sur ceux mêmes qui se bornaient à citer devant les tribunaux séculiers des clercs comme témoins. Cette dernière conclusion ne fut pas, de prime abord, admise par tous, tant elle paraissait aggraver la discipline traditionnelle. Elle fut mise bientôt hors de doute par une réponse authentique adressée du secrétariat du Saint-Office à l’évêque de Larino, dans les premiers mois de 1912. L’évêque avait demandé : « 1° Est-il permis, sans la permission de l’autorité ecclésiastique, et par conséquent sans encourir la censure portée par le Motu proprio Quantavis diligentiu, de se constituer partie civile dans une cause pénale d’action publique contre une personne ecclésiastique ? 2° Est-il permis, comme ci-dessus, de citer devant le for laïque les ecclésiastiques pour qu’ils déposent comme témoins, soit dans les causes civiles soit dans les causes pénales ? » Le pape ordonna de répondre : Ad utrumqur négative. Canoniste contemporain, 1912, p. 354. Et les canonistes dont cette réponse confirmait les vues notaient, en effet, que les mots du Motu proprio : …vocent [ad tribunal laicorum* ibique adesse eompcllant, étaient trop compréhensifs pour ne viser que la citation d’un clerc à titre d’inculpé. Sur ce point, l’accord fut fait bientôt.

La discussion fut plus vive sur une autre question. La publication du Motu proprio changeait-elle quelque chose en ce qui concernait les dispositions canoniques provenant des concordats ou de la coutume légitimement prescrite auparavant ? Les pays où, soit en vertu de concordats, soit en vertu de la coutume, on pouvait poursuivre un clerc devant les tribunaux séculiers sans encourir aucune peine, ces pays pouvaient-ils se prévaloir des mêmes droits après eMotu proprio comme auparavant ? On discutait ferme, ou même âprement, pour et contre, dans les revues, les journaux et même dans les parlements, lorsque deux déclarations officielles de la Secrétairerie d’État vinrent apporter dans le débat un argument d’autorité très considérable. La première déclaration visait l’Allemagne. L’auditeur

de Rote Fr. Heiner avait enseigné » clair et net » dans un article de la Gazette populaire de Cologne, dit-il lui-même, que le Motu proprio ne s’appliquait pas à l’Allemagne, parce que le privilège du for y avait été abrogé par la coutume contraire. Le cardinal secrétaire d’État déclara, selon l’exposé autorisé de l’Osservatore romano, du 16 décembre 1911, « que les principes de droit canonique développés dans l’article bien connu de Mgr Heiner sur le Motu proprio Quantavis diligentia et sur la dérogation au privilegium fori par le droit consuétudinaire sont conformes aux doctrines canoniques de l’Église. Par conséquent, le Motu proprio susdit ne concerne pas l’Allemagne. » Quelque temps après, la même Secrétairerie d’État déclarait que « le Motu proprio n’est applicable que dans les pays où l’ancien privilège de juridiction existe encore pour les ecclésiastiques. En Belgique, ce privilège est abrogé par une pratique constante contraire, plus que séculaire. 11 est donc évident… que le principe invoqué pour l’Allemagne reçoit également son application en Belgique. » Il ne semble pas que la France soit, à ce point de vue, dans une situation différente de la Belgique, et si l’état de ses relations diplomatiques avec la papauté avait permis de poser au secrétaire d’État les mêmes questions, il est infiniment probable que la réponse eût été identique.

Nous terminerons par une simple question morale. Un clerc qui ne voudrait pas s’exposer à des censures ecclésiastiques en poursuivant un autre clerc et qui, d’autre part, ne voudrait pas non plus sacrifier ses droits en abandonnant une cause qu’on lui interdit de poursuivre, pourrait-il sans crainte et en toute sûreté de conscience céder son droit à un laïc qui poursuivrait en son propre nom ? La question avait été posée à la S. C. de la Propagande, qui répondit, le 6 septembre 1886, que, si le clerc, ayant demandé la permission de son ordinaire et ne l’ayant pas obtenue, fait cette cession, il est soumis à toutes les décisions prises contre les clercs qui recourent ad judices laicos et qu’on le considère comme agissant in fraudem legis. Collectanea S. C. de Propaganda fuie, 1907, n. 1663.

Enfin, une autre décision de la Propagande, du 6 juin 1796, déclare que, lorsqu’un clerc a reçu la permission de déposer au criminel contre une personne quelconque devant un juge laïc, il doit préalablement faire la protestation ad normam sacrorum canonum. Ibid., n. 630. Il s’agit ici, non de témoins, mais d’accusateurs, et de la protestation prescrite par le célèbre c. Prælatis, De homicidio, dans le Sexte : que le comparant n’entend point demander contre le coupable mutilation ou peine de mort. Quant aux témoins cités par le juge, ils n’ont pas, dit d’Annibale, l’obligation légale d’émettre cette protestation.

Sur l’histoire du privilegium jori, nous n’avons guère à citer au point de vue catholique que Thomassin, Ancienne el nouvelle discipline, IIIe partie, 1. I er, c. xxxiii sq. ; la théorie adverse est exposée dans Edgard Lôning, Geschiclile des Deutschen Kirchenrechls, Strasbourg, 1878, qui en est le livre fondamental. L’exposé proprement canonique est dans tous les canonistes un peu considérables, Schmalzgrueber, Reifîenstuel, Pirhing, au titre De /oro compelenti ; cf. aussi les modernes, Santi, De Angelis, ibid. Pour l’époque depuis la constitution Apostoliav Scdis, les commentai de cette constitution, d’Annibale. Bucceroni, Téphany, etc., et tout particulièrement une excellente consultation du cardinal Gennari, Consultations de droit canonique, c insuit. iv (trad. Boudinhon, t. i, p. 41-57) el consult. xxxi. p. 220 sq. Pour le commentaire du M >tu propri i Quantavis. le Canoniste contemporain, 1911, p. (i’.)7 sq. ; 1012. p.

iô ! sq., articles de M. Boudinhon ; dans VArchiv jiir katholisches

Kirchenrecht, 1912, article de Mgr Heiner.Das Motu proprio Quantavis diligentia, Pins X v. Oktobcr mil and der dcutsclic « Rechtsstaai » , p. 270-295.

A. Yn.i.ir.v.