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FONDAMENTALE OU GÉNÉRALE (THÉOLOGIE)


il tomberait dans un cercle vicieux — mais qui, par une étude réflexe sur les principes surnaturels auxquels il adhère par la foi, déduit de ces principes toutes les virtualités qu’ils contiennent,

La crédibilité, ainsi comprise, ne sérail exclue de l’objet formel de la théologie qu’autant qu’il serait interdit à la théologie et à la révélation elle-même d’atteindre des objets accessibles à la raison. Or, une telle prétention est fausse et condamnée par le concile du Vatican, sess. ni, c. n. Denzinger-Bannwart, n. 1780. Il faut donc admettre la possibilité d’une théologie fondamentale, comme il faut admettre la possibilité d’une théologie spéciale sur des vérités d’ordre naturel, mais contenues néanmoins dans la révélation : entre l’apologétique rationnelle et cette théologie fondamentale, il y aura la même différence qu’entre la théodicée et la théologie du De Deo uno. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. i, a. 1.

Méthode.

Nous avons vu plus haut, col. 510,

quelle est la méthode propre à la théologie. En résumé, la méthode théologique emploie trois sortes d’arguments, tous ex uuctoritate : a) les arguments propres et apodictiques : révélation elle-même authentiquement proposée par le magistère de l’Église, soit quant aux vérités qu’elle contient, soit même aux conclusions tirées de ces vérités ; b) les arguments propres, mais probables : autorité des Pères et des théologiens ; c) les arguments extrinsèques et probables : autorité de la raison (apodictique dans l’ordre des certitudes naturelles) et des philosophes quristes) et historiens. Voir plus loin, col. 522.

A vrai dire, en considérant la crédibilité comme une propriété des vérités révélées, la théologie de la crédibilité serait spécifiquement une théologie, quand même elle n’argumenterait qu’avec le concours de la raison. On la concevrait alors, à l’égard de la théologie spéciale, comme l’épisfémologic, ou doctrine de la possibilité de la connaissance, et la critériologie ou traité des signes auxquels on reconnaît la connaissance certaine, à l’égard de la métaphysique. La théologie, en effet, , n’ayant pas de science supérieure pour défendre ses principes, doit les défendre elle-même. Les défendant par la raison pure, ce ne pourra être que par rapport à leur crédibilité ; et pour être une véritable théologie, il sullit que cette défense procède des principes et de la lumière de la foi pour argumenter. Or, c’est le cas, puisqu’elle part de la crédibilité, acceptée comme propriété de la révélation. Voir le développement de cette thèse dans Gardeil, La crédibilité et l’apologétique, Paris, 1912, p. 247-251. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. i, a. 8 ; In Boelium, De Trinitate, q. ii, a. 3, et, pour le rôle qu’il convient d’attribuer à la raison dans l’explication des vérités surnaturelles, Quodl., IV, a. 18.

Mais ne pourrait-on pas concevoir une démonstration de la crédibilité et des thèses qui s’y rapportent, construite d’après toutes les règles de la méthode théologique, et dans laquelle l’argument ex auclorilale reprendrait sa place légitime ? L’argument propre et apodictique touchant la nature, la possibilité, la réalité de la révélation pourrait être emprunté au concile du Vatican, Dcnzingcr, n. 1807 ; on puiserait dans le même concile la démonstration de sa nécessité, n. 1780, de sa crédibilité, n. 1790, 1793, 1812. La marche à suivre dans la démonstration de cette crédibilité s’y trouve pareillement indiquée ; ce sont, pour la révélation elle-même, les miracles et les prophéties, n. 1790 ; pour l’Église, les notes dont elle est revêtue et son existence même à travers les siècles, n. 1793, 1794. La force démonstrative de ces preuves y est affirmée, et déjà elle avait été rappelée par le magistère contre le fidéisme, n. 1024, 1025 ; cf. n. 2145 ; déterminé aussi, le degré de certitude des motifs de crédi bilité, par Innocent XI contre les jansénistes, n. 1171, par Grégoire XVI contre Bautain, n. 1025, 1027, par Pie IX contre Hermès, n. 1037, et par le concile du Vatican lui-même, n. 1790. Ces exemples n’épuisent pas la matière et l’argument, et les trois premières payes de [’Index systemaiieus de Denzinger fournissent le moyen de développer l’argument et d’amplifier la matière.

La même démonstration peut se faire à l’aide du second argument propre, mais simplement probable, tiré de l’autorité des Pères et des théologiens. Pour les Pères, l’argument est esquissé dans V Enchiridion pa-Iristicumdu P. Rouët de Journel, Fribourg-en-Brisgau, 1911, index : Religio revelala, ^. 845 ; Ecclesia, proprietates, noise, p. 840 ; Traditio, p. 848 ; F ides, p. 855. Les tables de la patrologie de Migne fourniraient également des indications précieuses, ainsi que celles des autres collections des Pères. Le même travail pourrait être entrepris à l’égard des docteurs et théologiens, et toutes ces autorités, réunies en faisceau, formeraient, touchant la crédibilité de la révélation &t ce qui s’y rapporte, le second argument, proprement théologique. Viendrait, en troisième lieu, l’argument tiré de la raison, qui, matériellement parlant, serait identique à celui qu’emploie l’apologétique strictement rationnelle, mais qui, formellement considéré, serait ici un argument de raison théologique, parce qu’au service de la révélation et approuvé par elle.

III. L’objet intégral, de la théologie fondamentale. — Quoi qu’il en soit spéculativement de la reconstitution totale de la théologie apologétique comme théologie, il n’en est pas moins vrai qu’en fait, l’objet matériel de la théologie fondamentale dépasse de beaucoup celui de l’apologétique. Dans la théologie fondamentale, en effet, la démonstration chrétienne et catholique n’est pas absorbée tout entière, comme dans l’apologétique, par des arguments d’ordre rationnel ; il y a place pour des conclusions théologiques. En second lieu, la théologie fondamentale ajoute à l’apologétique proprement dite le traité, spécifiquement théologique, des « lieux théologiques »

1° Les conclusions théologiques possibles dans la démonstration chrétienne et catholique — Pour l’aspect strictement rationnel de cette démonstration, voir Apologétique, t. i, col. 1519-1530. En tant qu’apologétique rationnelle, cette démonstration n’usera don ? que d’arguments proprement philosophiques ou historiques : dans sa forme classique, elle est à deux degrés, comme l’indique son nom, pour aboutir en fin de compte à la crédibilité de l’Église infaillible et divine. La théologie fondamentale peut user de la seule raison naturelle pour arriver au même résultat : en ce cas, son objet matériel, du moins en ce qui concerne la démonstration de la crédibilité, ne dépassera pas celui de la pure apologétique. Mais si elle peut également user de la raison théologique et aboutir à des conclusions théologiques, ce sera là tout un nouveau domaine dont elle s’enrichira et par où son objet matériel dépassera celui de l’apologétique. Or, ces raisons et conclusions théologiques, dans la démonstration chrétienne et catholique, sont possibles : 1. vis-à-vis des incrédules eux-mêmes ; 2. a fortiori vis-à-vis d’adversaires acceptant un point commun de la foi chrétienne.

1. Vis-à-vis d’incrédules.

La démonstration catholique ne se fait pas nécessairement à deux degrés ; il y a une méthode plus simple, esquissée par le concile du Vatican, sess. ni, c. ni, Denzinger-Bannwart, n. 1794 : L’Église, à cause de son admirable propagation, de sa sainteté éininenle et de son inépuisable fécondité en toutes sortes de biens, à cause de son unité catholique et de son invincible stabilité, est par elle-même un grand ( t perpétuel motif de crédibilité et un témoignage irréfra-