Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/263

Cette page n’a pas encore été corrigée
511
512
FOI

assentiment de foi recevra de son objet formel, moyennant la volonté et la grâce, ses caractères spécifiques, sans qu’eux-mêmes aient besoin de connaître ce fonctionnement si complexe. On voit comment notre théorie, tout en répondant par sa complexité à toutes les exigences légitimes, à tous les éléments qui doivent constituer l’acte de foi divine, se simplilie pourtant quand elle arrive à la pratique, et va rejoindre, soit les procédés bien connus de l’esprit humain, soit l’expérience de ce qui se passe chez les fidèles quand ils l’ont l’acte de foi : ce qui est une bonne note pour la théorie. Suarez, lui, avoue que le procédé logique qu’il donne à la foi divine n’a pas d’analogue dans la foi humaine et dans toutes nos connaissances naturelles, étant dû à la seule excellence infinie de la divine autorité : Perlinel… ad infinitam cxccllenliam divinæ verilatis, et ideo non est hœc cognitio cum aliis comparanda. Loc. cit., disp. III, sect. vi, n. 8, p. 66. Là-dessus Lugo observe avec raison que l’Écriture et les Pères ont assimilé le procédé de la foi divine à celui de la foi au témoignage humain : « L’Écriture ne demande pas de notre côté autre chose, si ce n’est que nous croyions à cause du témoignage de Dieu comme nous avons coutume de croire à cause du témoignage d’un homme, en ajoutant seulement une plus grande fermeté d’assentiment, comme l’exige la plus grande autorité de celui qui parle (I Joa., v, 9). » De flde, disp. I, n. 117, Paris, 1891, t. i, p. 68. On trouvera le reste du passage cité par le cardinal Billot, De virtutibus infusis, 1905, Proleg., c. iii, § 1, p. 75. Voir également ce que Lugo dit des saints Pères. Loc. cit., n. 147, p. 81. Sans doute, l’acte de foi a une propriété, la surnaturalité, qui n’a pas d’analogue dans la foi humaine ; mais le fidèle n’a pas à s’en inquiéter, Dieu s’en charge. Ce que le fidèle doit fournir de son côté, ce qui tombe sous sa conscience, répond à ce qui se fait dans la foi humaine, sauf toujours la fermeté souveraine due à l’excellence du témoin divin, et que l’Église enseigne aux fidèles. Par là l’enseignement pratique de la foi divine aux multitudes se trouve singulièrement simplifié ; et, tel qu’il se passe dans l’Église, infaillible gardienne de la foi, il dément les théories qui ne peuvent s’accorder avec lui. On ne peut donc s’écarter de lui sous prétexte que le procédé logique que l’on propose est « un grand mystère de la foi, » comme le dit Suarez, loc. cil. Et Lugo n’a pas tort de répondre : « J’ai en horreur cette méthode de philosophie ou de théologie par où l’on esquive une difficulté scolastique en recourant à des mystères, qui rendent les choses de notre foi difficiles, incroyables, inintelligibles à tous… Tous les fidèles éprouvent… qu’ils agissent sur les objets de foi comme sur les autres objets, que leur intelligence n’est pas transportée à un autre mode d’agir… La fonction d’un théologien n’est donc pas d’imaginer la nature des choses à sa guise, et dans le but de répondre aux objections qu’on lui fait, ni de se persuader que les choses se passent contre l’expérience générale ; mais plutôt de consulter l’expérience même des fidèles. » Loc. cit., n. 38, p. 34 ; le passage complet est cité par le cardinal Billot, loc. cil., p. 74.

Cet élément générique de la foi divine, qui la rattache aux procédés logiques ordinaires, explique aussi pourquoi saint Thomas n’a pas craint de lui donner une allure discursive dans quelques passages, utilisés contre le dernier système par Wilmers. Loc. cit., p. 328, 343. Ainsi, le saint docteur donne cette explication du texte qui appelle la foi argumentum, Ileb., xi, 1 : « La raison (dans l’acte de foi) donne son assentiment à quelque chose parce que Dieu l’a dit, l’assentiment provient donc de l’autorité de celui qui parle. Or. parmi les arguments de la dialectique, il y en a aussi un qui est tiré de l’autorité. » Quæst. disp.. De vcrilale, q. xiv, a. 2, ad 9um. Ailleurs, il maintient que la foi est un « argument » malgré cette objection : L’argument donne l’évidence, ce qui semble contraire à l’obscurité de la foi (non apparenlium). Sa réponse consiste a distinguer divers arguments, du eôlé de la matière : celui qui est tiré des causes propres (ou des effets) de la chose, et l’argument extrinsèque d’autorité. Voir col. 439 sq. « L’argument tiré des propres principes de la chose, dit-il, la fait apparaître : mais l’argument tiré de l’autorité divine ne fait pas apparaître la chose en elle-même ; et c’est celui qui est mis dans la définition de lafoi. « Sum.llieol., II » II 33, q. iv, a. 1, ad 5 U ". On peut citer aussi q. i, a. 1, voir col. 99.

Concluons de tout ce qui précède, que l’acte de foi n’est pas discursif à proprement parler, et crue cependant il l’est sous un certain rapport. Il ne l’est pas en lui-même ; il ne l’est pas non plus par rapport aux jugements qui le précèdent, si l’on considère sa certitude propre et sa valeur spécifique ; car elle ne lui vient pas par voie syllogistique, mais par le double apport de la volonté et de la vertu infuse ; en quoi il diffère absolument de l’assentiment parfait de science. Il est toutefois discursif par rapport aux jugements qui le précèdent, si l’on considère uniquement sa propriété générique d’assentiment raisonnable ; elle lui vient, par voie syllogistique, de ces jugements et de leurs preuves, qui sont ainsi, comme jugements, un fondement pour l’acte de foi, mais fondement partiel et secondaire, bien qu’important en apologétique. L’axiome d’où est parti Suarez, et après lui Lugo et tant d’autres : « le fondement doit être aussi solide que l’édifice, la cause doit contenir la perfection de l’effet » — est vrai quand il s’agit de la cause adéquate, du fondement total, ou au moins principal ; il est faux quand il s’agit d’un fondement partiel et d’une cause secondaire.


XIII. NÉCESSITÉ DE LA FOI POUR LE SALUT.

Nécessité de précepte.

Que la foi soit nécessaire au salut, au moins de nécessité de précepte, comme un grave devoir que Dieu même impose, et dont l’omission volontaire menace le salut éternel, c’est ce qui résulte d’une foule de textes scripturaires où le refus de la foi entraîne la condamnation au jugement de Dieu, où la foi apparaît comme une condition nécessaire soit pour le salut éternel, soit pour la justification qui seule nous met sur la voie du salut, soit pour le baptême où s’opère la justification. Voir col. 58, 60, 63, 72, 108, 109, 279, 329, 330, 393. Bon nombre de textes de Pères, que nous avons eu occasion de citer, affirment aussi la nécessité et l’obligation de la foi. Voir col. 79-81, 114, 115, 186, 188, 280. 330, 331. Il en est de même pour les documents de l’Église. Voir col. 115, 189, 190, 280, 289, 290.

L’obligation de la foi suppose que nous sommes physiquement libres de croire ou de ne pas croire, du moins avec la crédibilité suffisante et la grâce de Dieu. Voir col. 393. Des protestants et des rationalistes ont attaqué cette obligation, précisément parce qu’ils ne comprenaient pas la liberté de la foi divine, ou même celle de beaucoup de « croyances » . Voir col. 399. L’ignorance invincible excuse du précepte de la foi comme de tous les autres ; l’Église a condamné cette 68e proposition de Baius : In/idelitas pure negatioa in his, quibus Christus non est prædicatus, peccatum est. Denzinger, n. 1068. Le précepte de la foi oblige-t-il un infidèle qui n’a qu’une crédibilité incomplète ? Voir col. 198, 200 sq.

La grâce inspire, aide et surnaturalise la volonté de croire. Voir col. 359-361, 395. Elle rend l’accomplissement de précepte possible en aidant à avoir la crédibilité suffisante. Voir col. 237 sq. Une providence spéciale veille à ce que le fidèle qui fait son devoir en matière de foi ait toujours les motifs de crédibilité qui lui sont nécessaires pour accomplir le précepte