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et aux faits qui sont la première base de ce raisonnement apologétique tout entier ? — Cette crainte, outre qu’elle porte ici sur un point seulement secondaire, n’est pas fondée. Elle part de la fausse imagination que ces principes et ces faits, parce qu’ils ont servi de point de départ et ont été posés les premiers dans l’ordre chronologique, sont en vertu de cette position même le fondement propre et principal de la conclusion finale. Il en serait ainsi, si l’on ne tenait compte que de la forme dialectique, qui règle l’ordre des propositions d’un raisonnement..Mais pour bien juger certains processus logiques, il faut tenir compte et de la forme du raisonnement, et aussi de sa matière. Par exemple, un syllogisme où les deux prémisses sont analytiques et a priori, et un autre où l’une d’elles est empirique, peuvent avoir la même forme : ils n’ont pas la même matière, et cela suffit à leur donner une physionomie différente. Qu’un argument démontre Une chose par ses causes ou ses effets propres, cela n’affecte en rien la forme dialectique, c’est pure question de matière : et pourtant cela donne à l’argument le caractère essentiel de science, et en quelque sorte de vision, qui le différencie essentiellement de l’argument d’autorité, comme nous l’avons montré à propos de l’obscurité de la foi. Voir col. 439-446. Dans le processus historique, la première chose, chronologiquement la première, que l’on rencontre, c’est un document, Insuffisant par lui-même, si d’autres manuscrits ou d’autres témoignages ne sont collationnés avec le premier. Ainsi, dans la chaîne apologétique dont nous parlons, on commence souvent par un document d’origine humaine, pour arriver à connaître un motif de crédibilité, qui apparaît lui-même avant la révélation divine, et y conduit ; le document n’est qu’un signe de ce motif de crédibilité, qui lui-même, n’est qu’un signe de la révélation. S’il est de la nature des signes de passer les premiers, de précède ! ’logiquement la chose qu’ils signifient et de conduire à elle, il n’en est pas moins vrai quedesa nature le signeest inférieur et subordonné à la chose signifiée, la révélation, qui à son tour conduira finalement à l’assentiment de foi. Parce que les signes ont ouvert la voie, ce n’est donc pas une raison de dire qu’ils sont la base principale de

inclusion finale ; il faut dire plutôt qu’ils appliquent quelque chose de plus grand qu’eux, la révélalion divine avec son autorité infaillible, avec la précision de son contenu : voilà le centre du processus tout entier, et ce qui lui donne sa physionomie particulii re. Ici vient un exemple allégué déjà par Élizalde : « Pour qlie je sois poussé par l’autorité de saint Augustin à donner mon assentiment a telle théorie, il faut d’abord que je sache que cet ouvrage, où je trouve soutenue la dite théorie, est bien de saint Augustin : connaissance qui m’est souvent donnée par le titre « lu livre, ou par le témoignage d’un homme probe et

ivc. Alors, sans être influencé par le témoignage

homme, mais seulement par la grande autorité

de jaint Augustin, je donne volontiers mon adhésion

d’ailleurs difficile. Ainsi, ma croyance

mie sur le seul témoignage de ce grand docteur, 1 [eant l’autre témoin, souvent très incompétent en matière de doctrines, qui m’applique son témoignage. Op. cit., ii. 846, p. 558. Cet exemple, qui reproduit par plusieurs théologiens, et récemment par h I’Pi cii, loi. cit., n. 331, ne prouve pas ton ! rr qu’on a voulu en tirer : qu’il n’y a pas dans ce cas une chaîne de raisonnement, c’est faux et contre l’expé ; que le témoignage de l’intermédiaire, attestant l’attribution légitime du livre à saint Augustin, doil

ublié, négligé entii quand on se rend a

rand docteur, ce n’est ni nécessaire ni

raisonnable ; que le degré de certitude finale don — la théorie ne se ressent aucunement du plus ou

moins d’autorité reconnue à l’intermédiaire, on peut trouver cela dans les cas de certitude purement relative, chez bien des gens trop facilement satisfaits sur les questions d’authenticité, jusqu’à se contenter du nom qu’ils lisent au dos d’un volume ; mais on ne peut en faire une règle à suivre pour tous les esprits, même les plus avertis. Ce qu’il faut retenir de cet exemple, c’est que l’autorité théologique de saint Augustin, à cause de laquelle j’adhère à la conclusion finale, est vraiment ici le centre de tout le processus, le motif principal que le reste ne fait qu’appliquer ; quand bien même elle ne vient pas la première dans l’ordre chronologique du développement de la pensée, ou dans l’ordre que la forme dialectique pourrait imposer, lit pareillement l’autorité divine est le centre de tout le processus de la foi. Il faut donc rejeter cette conception trop répandue, que tout raisonnement est une chaîne uniforme dont tous les anneaux, s’ils sont certains, seraient d’égale importance, excepté le premier, auquel tout est suspendu. Le point de départ des operations, ou la première majeure de l’enchaînement syllogistique, serait toujours le fondement propre et principal de la conclusion finale. Cette conception n’a pas peu contribué à rendre aiguë la difficulté de l’analyse théologique de la foi. Elle a aussi empêché plusieurs théologiens de voir la profonde différence qu’il y a entre l’argument d’autorité et l’argument scientifique par les causes et les effets, sous prétexte que, dans les deux arguments mis en forme, la première majeure peut être un principe philosophique du même genre, et que ce principe étant la base principale donnera également aux deux arguments le caractère de science et en quelque sorte de vision. C’est là un abus de la dialectique, habituée à ne considérer que la forme des raisonnements. Au contraire, si, comme on le doit, on tient compte aussi de la matière, on distinguera divers procédés logiques d’espèce différente, qui ont leur centre ou motif principal placé non pas toujours au commencement, mais à tel ou tel endroit de la chaîne.

Ce que nous venons de dire de l’autorité d’un témoignage décisif, appliquée à l’esprit par des signes ou des témoignages secondaires, et demeurant le centre d’un procédé logique spécial, convient également au témoignage divin et au témoignage humain. Nous voyons donc pourquoi les Pères, expliquant la foi divine aux fidèles, l’ont si souvent assimilée à cette foi humaine que nous donnons à un témoin qui la mérite. Voir col. 110, 111. Ce que nous avons dit plus haut de la chaîne de raisonnement qui se trouve même dans la foi, considérée du point de vue générique d’acte raisonnable, fait mieux comprendre pourquoi le concile du Vatican dit de la foi : A (Deo) reoelata wra esse credimus. non propier inirinsecam rerum veritalem naturali rationis lumine perspectam, sed »roptcr auctoritatem, etc., voir col. lia ; paroles qui, par le rapprochement des deux motifs de la science et de la foi sous la même particule propier, peuvent facilement donner l’idée d’une marche discursive de put et d’autre ; pourquoi pareillement

les catéchismes donnent aux fidèles des formules facilement interprétées par eux au sens discursif :

i Mon Dieu, je crois fermement tout ce que croit votre Église, parce que nous l’avez, révélé, et que vous ne pouvez ni vous tromper, ni nous tromper. » liicn des fidèles entendent ce mot parer que comme ils l’entendent d’un raisonnement quelconque, et l’Église ne les avertit pas de l’entendre aut renient. El à vrai dire, il n’y a pas d’inconvénient s’ils le font, pourvu que d’ailleurs leur volonté, animée d’une disposition générale

de persévérer dans la foi, fasse son devoir quand

l’occasion s’en présente ; pourvu aussi que la grâce de

i ii vertu infuse rendent surnaturel l’acte qu’ils

font, ce dont ils n’ont pas 6 se préoccuper : ainsi leur