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FLORENCE (CONCILE DE

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Jean de Raguse, tout d’abord, chercha à prouver que le Saint-Esprit procède bien du Fils, car il tire son être de lui. Trois grands théologiens furent particulièrement appelés à déposer pour ou contre la doctrine latine et grecque : saint Épiphane, saint Basile et saint Cyrille d’Alexandrie. C’est par le premier que commença le combat. Saint Épiphane, dès 374, dans son’AyxupwTÔ ;, avait écrit : Filium illum dico qui ex ipso est ; Spiritum vero Sanctum qui solus ex ambobus est ; ex hoc igitur diclo si Spiriius ex ambobus est, ergo esse eliam accipit ex ambobus’.’Puis ceci : Et quemadmodum nemo vidit Palrem nisi Filius, neque Filium nisi Pater ; ita dicere audeo, neque Spiritum Sanctum novit quisquam nisi Pater et Filius a quo accipit et procéda ; nec Filium et Patrcm nisi Spiriius Sanctus qui vere clariflcat, qui docct omnia, qui est a Paire et Filio. Ces textes étaient embarrassants pour Marc d’Éphèse. Il s’en tira en discutant les termes de saint Épiphane. Jean de Raguse avait, en effet, cité son auteur d’après la traduction de saint Ambroise. Marc ergota donc sur le sens des mots uap’où È-/.7topEijEi : ai y.ai 7rap’o0 Xap. ? iâ.-iti et prétendit que le premier verbe ne se rapporte qu’au Père, que le second se rapporte exclusivement au Saint-Esprit. Afin de fortifier sa preuve, l’archevêque d’Éphèse cita un texte de saint Basile prouvant, d’après lui, que le Saint-Esprit ne procède que de la substance du Père. En réalité, le théologien grec était acculé. Pour sortir de l’impasse où saint Épiphane l’enfermait, force lui fut de trouver une distinction et c’est cette distinction que lui fournissait saint Basile. Dans le texte discuté, l’évêque de Salamine, au dire de Marc, n’avait pas en vue les personnes divines comme origine du Saint-Esprit, mais bien la substance divine commune à l’une et à l’autre personne. C’est alors que les textes de saint Basile entrèrent en discussion et devinrent le pivot de toutes les argumentations postérieures. La preuve qu’il fallait, en saint Épiphane, faire la distinction proposée était, affirmait Marc d’Éphèse, ce texte de saint Basile tiré du 1. Ve Contre Eunomius, c. xiii : ys-zx 6 Qeô ;, oj/ to ; avôpcoTtoç, yEvà Se à).ï)6(îiç" y.al to yeysvïiij.évov k% aÛTo-j Èx7rÉjxit£t nvsû(i.a Sià otôiaocto ;, o>y o’ov tô àv6pu>71tvov, kiztï fj.r)8È a-6).a. ©soO o « (t>[j.aTi » /.ù> ; èvvooJ(jiev’k% aOtoO 8è tô TtvEÛ|j.a, xaî oùx ErcpaiŒv. La discussion porta tout de suite sur ce dernier membre de phrase : L’esprit est de lui et non d’ailleurs. Avec beaucoup de présence d’esprit Jean de Raguse fit remarquer que ce passage visait les ariens et qu’il signifiait simplement que le Saint-Esprit procède de la substance divine et non d’une substance créée, qu’il n’est pas une créature. Le texte était donc non avenu pour prouver que saint Basile avait enseigné que le Saint-Esprit ne procède que du Père. Mais il y avait plus. Dans un autre passage du même ouvrage, au 1. III, saint Basile écrit ceci : Te ; jap « vâ^xiQ, et tw à< ; ik>[j.aTi /.ai Tr) Tri^E’. Tptxov imipx. Il T0 TCvcû[Aa, rpitov Etvai a-jTÔ xai T7J cp-jo-et ; à^i(i(xaTi |j.èv —yàp ÔE-jTepov tov j£oû, 7tap’aùxoO tô eîvai É’yov, xa itap’a-jxo’j Xaaëàvov, v.où àvay-YÉX ).ov T)(iîv.

Ce texte fameux, qui joua un rôle considérable dans toutes les discussions et sur lequel on revint sans cesse, était sans réplique dans sa clarté même. C’est pourquoi Marc d’Éphèse se rejeta sur un tout nouvel et très curieux argument : l’argument critique. Il attaqua la tradition manuscrite et prétendit que le texte allégué n’était pas authentique, qu’il était interpolé. D’une discussion infiniment subtile, roulant sur le sens précis des mots et leurs rapports grammaticaux ou logiques dans la phrase et avec le contexte, on abordait, dans la xxe session, une question de pure critique, une question de faits. Le procédé était habile. Les manuscrits étaient nombreux, venaient de diverses sources, avaient été écrits sans préoccu pations scientifiques. Marc d’Éphèse comptait sur un grand succès. Dans la xxe session, l’archevêque d’Éphèse affirma donc tout à coup que le texte de saint Basile contre Eunomius avait été interpolé pour défendre le Filioque. Jean de Raguse n’eut pas de peine à lui faire remarquer que tout d’abord, s’il y avait des textes altérés, c’étaient les grecs qui étaient coutumiers de semblables faits, mais qu’en l’espèce, il ne pouvait y avoir d’interpolation, car le codex rapporté de Constantinople par Nicolas de Cuse, et qui datait d’une époque antérieure aux discussions, contenait le texte incriminé, celqui était probant. Mais il y eut mieux. A ce moment, tandis que Marc continuait à soutenir la non-authenticité de la phrase de saint Basile, le cardinal Cesarini demanda à voir le manuscrit que Dorothée de Mitylène avait en mains. Il le trouva semblable au manuscrit discuté, portant le texte en question, tout différent au surplus du texte cité par Marc d’Éphèse, et toujours allégué par lui. Cette découverte fut l’occasion d’un indescriptible tumulte. Évidemment, la bonne foi grecque n’était pas entière et si l’histoire que raconte Bessarion est authentique, comme cela est très probable, elle illustre la façon dont Marc et ses adhérents comprenaient la discussion. « On trouva dans ce concile, dit Bessarion, d’abord cinq exemplaires, puis six. Quatre étaient écrits sur parchemin et fort anciens, deux autres sur soie. Des quatre, trois appartenaient à l’archevêque de Mitylène, le quatrième aux latins. Des deux écrits sur soie, l’un était la propriété de notre puissant empereur, l’autre du patriarche sacré. De ces six exemplaires cinq avaient le texte tel que je l’ai cité, c’est-à-dire qu’ils affirmaient que l’Esprit tient l’être du Fils et qu’il dépend de cette même cause, c’est-à-dire du Fils. Mais un seul, l’exemplaire du patriarche, était autre : quelqu’un avait coupé le texte et avait ensuite ajouté et retranché certaines choses. Plus tard, après le concile, m’étant proposé d’examiner presque tous les livres de ces monastères, j’ai trouvé que dans les plus récents, c’est-à-dire dans ceux qui ont été écrits après cette grande querelle, ce passage était coupé. Tous ceux, au contraire, qui étaient d’une main plus ancienne et qui ont été composés avant la querelle desgrecs entre eux, tous ceux-là sont restés sains et entiers et ils sont cependant en aussi grand nombre que les textes corrompus… Sur ces entrefaites, j’ai trouvé entre autres livres, au monastère du Christ-Sauveur de Pantepoptos, deux exemplaires de saint Basile, l’un, sur parchemin très ancien, à en juger par la vue…, l’autre, sur papier, qui datait d’au moins trois cents, ans, car la date était inscrite à la fin. Ces deux exemplaires ont le passage de saint Basile ; seulement ceshommes audacieux, et d’une main plus audacieuse encore, ont coupé le passage. Mais la place est restée vide et la moitié des syllabes subsiste, ce qui ne fait que trahir la supercherie et démontrer encore mieux la vérité. Dans un autre livre, une rature a été placée sur la phrase : « recevant l’être de lui et dépendant « uniquement de lui comme de sa cause. » Lettre de Bessarion à Alexis Lascaris, P. G., t. clxi, col. 319 sq., citée par Vast, p. 81-82.

Ces discussions de critique externe n’empêchèrent pas Marc d’Éphèse et Jean de Raguse de continuer leur tournoi dialectique en apportant de nouveaux textes de saint Basile, de saint Athanase et de saint Cyrille. La xxie session, tenue le 10 mars, et la xxii c, tenue le 14, furent consacrées entièrement à reprendre les textes allégués pour en tirer une synthèse de l’enseignement patristique. Mais, visiblement, chacun était fatigué de ces débats. L’empereur se plaignait de la longueur des discours ; Jean le fit de son côté et certes il le pouvait. Mais incontestablement, le succès final