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même. » hoc. cit., c. iv, p. 53. Entre ces deux séries de textes, la pensée de M. Bainvel semble rester un peu flottante. Serait-ce parce qu’il a d’abord trop dépendu de Suarez et de Mazzclla, dont il prétend encore garder « l’idée fondamentale, » part. I, c. iv, p. 55, en note, et qu’ensuite il y a joint le système du cardinal Billot dent nous parlerons tout à l’heure, sans assez remarquer combien ce dernier système s’éloignait de Suarez et de Mazzella ? Quoi qu’il en soit, on désirerait plus de précision.

Nous en dirons autant de Lahousse, qui, après avoir réfuté successivement les systèmes de Suarez, de Lugo et de Mazzella, adhère enfin à une théorie qu’il décrit ainsi : « Après que Y aucloritas Dci revelantis a été présentée à l’esprit et prouvée par les motifs de crédibilité, l’intellect peut, sous l’empire de la volonté, se tourner maintenant vers la seule considération de la divine autorité et de l’objet matériel à croire, et affirmer la convenance de l’attribut et du sujet dans la proposition révélée, ayant pour motif unique la divinité de l’autorité de Dieu qui révèle. » De virtutibus theologicis, 1900, p. 182. Cette opinion, pour laquelle Lahousse allègue Kleutgen, Wieser, Denzinger, Smits, Frins, ne revient-elle pas en définitive à celle de Mazzella ? En tout cas, on ne voit pas assez clairement le contraire. Mendive, lui, déclare suivre le système de Mazzella. Loc. cit., n. 192, p. 432.

Critique du 2e système.

a) Il a le mérite d’éviter le vice de logique reproché à l’analyse de Suarez. —

b) Mais il n’évite pas l’autre inconvénient du 1er système, d’exiger comme élément essentiel une certaine manière de connaître Yauciorilas Dei revelantis, qui ne se présente pas naturellement et nécessairement aux fidèles, et que l’Église devrait donc leur enseigner, ce qu’elle ne fait pas. — c) Bien que les partisans de ce système échappent au fidéisme, ainsi que Suarez, en exigeant des preuves avant la foi, cependant Yabslraclion qu’ils font de ces preuves dans l’acte même fait trop ressembler l’acte de foi, ainsi isolé de sa préparation rationnelle, à un motus animi cœcus dont ne veut pas le concile du Vatican. Sess. ni, c. ni, Denzinger, n. 1791. Il ne suffit pas, en effet, que les jugements de crédibilité aient été des actes raisonnables, grâce aux preuves auxquelles ils s’appuyaient : il faut que l’assentiment de foi, qui leur succède, soit raisonnable aussi ; et il ne peut l’être que par sa liaison avec ces preuves. Si dans votre esprit vous coupez la liaison, si vous « faites abstraction » des preuves, elles sont alors pour votre acte de foi comme si elles n’avaient jamais existé ; n’ayant aucune influence sur lui, elles ne peuvent le rendre raisonnable. — d) Le coup de volonté que, dans l’absence de cette lumière, on invoque comme un deus ex machina pour amener le dénouement, se ressent trop du faux système du despotisme de la volonté. Voir ce que nous en avons dit à propos de la liberté de la foi, col. -106 sq. — e) Enfin les comparaisons, par lesquelles on cherche à justifier le système, ne sont pas des raisons, comme déjà Franzelin, à propos d’une comparaison souvent reproduite du cardinal Gotli, le faisait remarquer dans son traité De. iradilionc, 1875, p. 63(3, en note. « Ces jugements sur la véracité divine et sur le fait de la révélation, dit M. Bainvel, me conduisent à la porte du sanctuaire, ils me mettent sur le seuil, mais ils ne font rien pour m’y faire entrer, ils n’ont aucune influence logique sur l’acte de foi lui-même. » Op. cit., part. I, c. iv, p. 52. Cf. c. v, p. 63. La comparaison même ne pourrait-elle pas se retourner contre le système ? Quelqu’un vient la nuit à un sanctuaire, sa lanterne à la main : elle le conduit jusqu’au seuil, et il pourra, en effet, la laisser au dehors ou l’éteindre, si l’église est d’ailleurs éclairée. Mais s’il trouve l’édifice sans lumière, il fera bien de garder la sienne, et de s’en servir au sanctuaire même. Or les mystères de la foi n’ont rien en eux qui motive l’affirmation plutôt que la négation, et l’autorité de Dieu ainsi que le fait de la révélation, intermédiaires destinés à nous faire affirmer les mystères, ne sont pas des vérités évidentes de soi, et qui se passent de preuves. C’est donc le cas de ne pas éteindre la lumière de ces preuves, si petite soit-elle, et de pénétrer avec elle jusque dans le sanctuaire ténébreux. Ht nous ne voyons pas bien comment s’applique ici la comparaison du P. de Mandato, disciple de Mazzella, nous objectant « qu’il serait ridicule, quand une salle est éclairée par un flambeau, de chercher un autre flambeau pour voir le premier, puisqu’on aurait autant de raison d’en demander un troisième pour voir le second, et ainsi de suite jusqu’à l’infini. » De uclu fidei, synopsis, Prato, 1895, p. 24. L’autorité de Dieu et le fait, de la révélation, n’étant pas pour nous des vérités qui brillent de leur lumière propre, ne peuvent être comparées à un flambeau, à une source de lumière. Si l’on écarte, au moment de la foi, la lumière que leurs preuves réfléchissent sur elles, elles seront alors aans les ténèbres. Si l’on continue, au contraire, de projeter sur elles la lumière de leurs preuves, présentes au moins confusément à l’esprit, il n’y a pas ae danger d’aller « à l’infini » , parce que ces preuves rationnelles, ces motifs de crédibilité sont fondés sur des premiers principes et des faits immédiatement évidents, où l’esprit humain peut et doit s’arrêter d’après sa loi. M. Bainvel lui-même n’a pu s’empêcher de dire ailleurs : « L’acte de foi n’est pas une vision de la vérité ; mais il se fait dans la lumière, et le flambeau de la raison ne vient pas s’éteindre dans le sanctuaire de la foi. » Op. cit., part. II, c. x, p. 189. On trouvera une réfutation de Mazzella, assez développée sur certains points, dans Stentrup, De fide, Inspruck, 1898, thés, xxiv, p. 174 sq.

3e système, modification du second : Rassler, Ulloa, etc.

Pour mieux expliquer comment on peut, dans l’acte de foi, affirmer immédiatement, et en faisant abstraction de leurs preuves, ces deux propositions : « Dieu est véridique, il a été révélé tel dogme, » plusieurs théologiens, au lieu de recourir à un coup de volonté dans la nuit, ont préféré recourir à une grâce illuminatrice qui fasse joindre immédiatement le sujet et l’attribut de chacune de ces propositions, sans passer par aucun intermédiaire logique. C’est la grâce qu’ils appellent illuslratio suasiva, du côté de Dieu qui illumine, ou apprehensio suasiva, du côté de l’homme qui saisit. Nous l’avons décrite, d’après eux, sous le nom de « suggestion divine » . Voir col. 254, 255. Christophe Rassler, célèbre controversiste, donne un développement très abondant à cette théorie. Controversia theologica de ullima resolulione fidei divinx, Dillingen, 1696. Il se réclame entre autres de Barthélémy Careyno, son maître, et d’un autre célèbre professeur au collège romain, Nicolas Martinez. Il réfute le système de Suarez, p. 107 sq., approuve la formule du 2e système, que l’on peut connaître et affirmer la révélation immédiatement, sans un motif qui en soit distinct, p. 234 sq. Mais à cette objection que le 2e système avait peine à résoudre : < Une vérité cachée, comme l’existence de la révélation ancienne de tel mystère, ne peut, sans un motif distinct d’elle-même qui l’éclairé pour nous, mouvtir notre intelligence et l’engager à lui donner son assentiment. » il répond qu’en effet cette vérité est cachée si on la prend en dehors de Y illuslratio suasiva, mais non pas si on la prend sous cette lumière surnaturelle, p. 247 sq. A cause de cette illumination dont son motif propre est éclairé, l’acte de foi pourra être actionné par ce motif, et raisonnablement s’arrêter a lui en dernière analyse sans être forcé d’aller chercher plus loin un nouveau motif, une base objective ultérieure, p. 269, 299. Ainsi sera résolue la fameuse difli-