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FOI

quæ non videntur, ou cognitio (genre) obscura (différence), alors l’individu qui a le plus complètement la nature du genre (la connaissance) est en fin de compte supérieur. Et il ajoute : Fidelis qui jam percipit aliquem intellectum credibilium (des vérités révélées), et quodammodo jam ea videt (quodammodo videre, c’est la science, cf. Sum. theol., IIa IIæ, q. i, a. 5), habet simpliciter nobiliorem fidem en qui minus cognoscit ; et tamen quantum ad rationem fidei pertinet (en tenant compte de la différence), magis proprie habet fidem ille qui omnino non videt illa quae credit. Quæst. disp., De veritate, q. xii, a. 12. De ce philosophe chrétien, saint Thomas ne dit pas. comme Cajétan : « Il n’a pas la foi de cette vérité, mais il en a la science, ce qui vaut bien mieux. » II dit : « Ayant la science d’un objet de foi (credibile), il en a une foi plus noble. » Donc, on peut appeler « foi » avec le saint docteur l’assentiment que le philosophe chrétien appuie sur le témoignage divin ! Donc cette « foi » est « plus noble » que celle de l’ignorant ; ce qui implique que les qualités positives de la foi ne font pas alors défaut : si elle était d’une certitude inférieure, si elle n’était pas surnaturelle, comment la science ajoutée suffirait-elle à la rendre « une foi plus noble » ? Ce qui manque seulement a cette foi, c’est l’obscurité entendue du défaut complet de science concomitante, et c’est pourquoi l’ignorant magis proprie habet fidem. Mais celle obscurité est une imperfection ; c’est une négation, et la négation de quelque chose d’extrinsèque, de la science concomitante. Cette « foi » qui manque seulement de complète obscurité ne manque donc d’aucun élément positif. Saint Thomas est avec ses seconds interprétes.

f) Tout le monde doit reconnaître que le manque absolu de science concomitante contribue à l’obscurité de la foi, et qu’alors le mot > foi » est employé magis proprie : c’est pourquoi l’obscurité est plus grande dans les mystères, c’est pourquoi ils sont plus proprement et principalement « objets de foi » . La question ne subsiste que pour les objets secondaires de la foi : doivent-ils avoir la même obscurité que l’objet principal ? La formule Fides est de non apparentibus n’est-elle pas suffisamment expliquée de la foi en général, de la loi-vertu, à raison de son objet principal, de son objet d’attribution qui la spécifie ? Nous en avons donné des preuves : et c’est sur ce point seulement que nous nous séparons de saint Thomas. La différence n’est pas grande, après toutes les concessions qu’il fait lui-même dans le passage cité. Notre raison pour dire simplement que sur ces objets secondaires il peut y avoir foi et démonstration en même temps, qu’ils n’ont pas la même obscurité (paies objets principaux, c’est d’éviter toute équivoque : car si l’on dit que le philosophe chrétien ne peut faire un acte de foi sur ces vérités, beaucoup entendront la chose non pas au sens modéré de saint Thomas, mais au sens rigide de plusieurs de ses interprètes, non sans danger d’erreur ou tout au moins d’une grande confusion qui embarrasse inutilement bien des endroits de la théologie. Notre raison, enfin, c’est que l’acte en question, quoiqu’il soit « moins proprement » appelé foi, comme saint Thomas le note, peut encore assez, proprement être appelé « foi » . et que le concile du Vatican favorise celle terminologie, comme nous l’avons montré.


XII. Controverse théologique sur l’analyse de la foi

« Analyser la foi » dans le sens particulier de cette controverse, c’est ramener l’acte de foi, dans l’ordre intellectuel, à son dernier et principal fondement ; c’est ce qu’on appelle analysis fidei. ultima resolutio fidei. Cette controverse, qui a l’avantage de faire pénétrer plus profondément dans la nature et l’explication de l’acte de foi, s’est développée après le concile de Trente, et surtout parmi les théologiens de la Compagnie de Jésus. Plusieurs lui ont donné place dès le début de leurs traités De fide, parce qu’elle touche au motif spécifique de la foi. Nous avons préféré la renvoyer à la fin, soit parce que cette question extrêmement difficile suppose la connaissance de tout le reste pour être bien résolue, soit parce que notre méthode est de donner d’abord les doctrines communes et certaines et de remettre à plus tard ce qui est problématique et librement discuté entre théologiens. Ainsi le motif spécifique de la foi a-t-il été établi, sans mélange d’éléments douteux, par l’Écriture, les Pères et les conciles, et défendu contre les protestants libéraux, les semi-rationalistes et les modernistes. Voir col. 98-119. Ce motif est l’auctoritas Dei revelantis, qui nec falli nec fallere potest  ; et l’explication du mot revelantis a nécessité de nouvelles preuves, de nouvelles défenses de la vérité catholique contre les mêmes adversaires, qui ont grandement abusé du mot « révélation » en tant que la révélation est prise comme correspondant à la foi. Voir col. 122-145. Il nous reste à examiner les rapports de ce motif spécifique avec les motifs de crédibilité qui l’appliquent, et la difficulté qui naît de ces rapports, avec les diverses solutions que divers théologiens lui ont données. Ce problème. appelé par Kleulgen « la croix des théologiens », semble avoir spécialement passionné les théologiens du XIXe et du XXe siècle ; sa solution, d’ailleurs, n’est pas sans conséquence pour l’apologétique, dont on s’est beaucoup occupé dans ces derniers temps. Notons du reste que cette difficulté n’est pas propre à la foi catholique ; elle atteindrait aussi bien, par exemple, ceux des protestants qui ont conservé quelques dogmes et un concept, assez juste de la foi, quoiqu’ils ne semblent pas se l’être jamais posée. Nous exposerons ;
1o le nœud du problème ;
2o les divers systèmes imaginés pour le résoudre.

1o Difficulté principale que l’on envisage dans l’analyse de la foi. Pourquoi croyez-vous le mystère de la trinité, par exemple ? Parce que Dieu, témoin infaillible et d’une autorité suprême, l’a révélé (motif spécifique de la foi). Mais remontons plus haut ; pourquoi admettez-vous ces deux points, que Dieu soit un témoin infaillible, et qu’il ait révélé ? Le premier, à cause d’un raisonnement philosophique de théodicée ; le second, à cause des faits de l’apologétique, qui prouvent la révélation chrétienne en général, et la révélation de ce mystère en particulier. Mais ces faits anciens, pourquoi les admettez-vous ? Ils me sont prouvés par d’autres faits plus rapprochés de moi, comme ce ministre de l’Église qui me parle, ces documents que je lis soit sur les faits anciens de la révélation et des miracles, soit sur les signes actuels de la divine mission de l’Église, soit sur ses définitions, etc. Des principes immédiatement évidents, des faits bien constatés, voilà où l’on doit s’arrêter en dernière analyse pour que la foi soit raisonnable, et pour éviter le fidéisme. Voir col. 175 sq. C’est la loi essentielle de la raison humaine, et le surnaturel ne peut la détruire : toute évidence extrinsèque ou d’autorité doit être fondée en définitive sur quelque évidence intrinsèque, toute connaissance médiate doit enfin pouvoir mener à des connaissances immédiates, c’est-à-dire aux premiers principes et à des faits d’expérience directe.

Mais c’est précisément de cette loi essentielle de l’esprit que naît la difficulté. Ces raisonnements philosophiques et historiques, ces « motifs de crédibilité », de même que les principes et les faits sur lesquels ils s’appuient, n’ont qu’une certitude naturelle, inférieure ta certitude souveraine et surnaturelle de la foi. Voir col. 390 sq. Et pourtant l’on peut donner avec le concile du Vatican, à ces objets démontrés par la raison. le nom de « fondements de la foi » : cum recta ratio fidei