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FOI


but, voil dans le Deus est non pas la fin surnaturelle, mais les moyens surnaturels pour y arriver : dans la première incise, Dieu serait présenté comme auteur de la grâce, dans la seconde, comme auteur de la gloire. Ainsi Billuart, Summa, etc., Paris, 1827, t. ix, De fidr, diss. III, a. 1, p. 57 ; Gotti, Theol. dogmatica, Venise. 1750, t. ii, q. i, dul). viii, n. 13, p. 424, 125 ; Billot, De virtutibus infusis, thés, xi, § 3, p. 243. Mêmes remarques : « Dieu existe » ne veut pas dire : « Dieu est l’auteur de la grâce. » "Ectti, par opposition à yivsTat, ne signifie que l'être nécessaire et éternel de Dieu, et non ses dispensations temporelles et contingentes pour nous faire arriver au salut ; saint Thomas luimême en fait l’observation. Sum. theol., II" II » , q. i, a. 7. — d) Une autre solution qui tend aussi à transformer Deus est en un dogme que la science ne puisse atteindre, c’est de dire qu’il signifie : Deus est unus ri Irinus. C’est la solution donnée par saint Thomas dans son commentaire sur ce verset. In Episl. ad Heb., lect. ii, dans Opéra, Paris, 1876, t. xxi, p. 692. Mais le saint docteur ne maintient pas cette exégèse dans ses autres ouvrages, sans doute parce qu’elle est trop arbitraire. Cet énoncé : « Dieu existe » n’exprime pas le mystère de la trinité. Et tous les théologiens, depuis des siècles, traitant des vérités qui sont de nécessité de moyen, établissent avant tout les deux vérités exigées par ce verset de FÉpître aux Hébreux, et en distinguent tout à fait les mystères de la trinité et de l’incarnation, dont le genre de nécessité est l’objet d’une controverse entre eux. — e) Ailleurs, saint Thomas indique une autre solution : « L’unité de Dieu, dit-il, telle qu’on la démontre (en théodicée), n’est pas appelée article de foi, mais vérité présupposée aux articles : car la connaissance de foi présuppose la connaissance naturelle, comme la grâce présuppose la nature. Mais l’unité de l’essence divine telle qu’elle est posée par les fidèles, c’est-à-dire avec la toute-puissance, et la providence de toutes choses, et autres attributs semblables qui ne peuvent être prouvés, constitue un article. » Qusesl. disp., De verilate, q. xiv, a. 0, ad8 llm.Que, pour constituer le premier article du symbole, on doive prendre l’unité de Dieu avec sa toute-puissance, en joignant unum Deum à omnipotentem, soit : mais malgré ce groupement plus ou moins artificiel, il n’en restera pas moins vrai que je crois cette vérité distincte, l’existence d’un Dieu unique, en même temps que j’ai la science concomitante de cette même vérité, ce qui sufiit à prouver la thèse de la simultanéité. Quant à l’autre assertion du saint docteur, que la raison ne peut pas prouver la toutepuissance de Dieu ni sa providence, on en voit bien le but : c’est de constituer un article que la science ne puisse atteindre. Mais l’assertion elle-même paraît bien extraordinaire. Il est donc permis de ne pas suivre saint Thomas dans ces réponses auxquelles l’a forcé de recourir la position qu’il avait prise ; et un fait bien significatif, c’est que bien des thomistes vont chercher des solutions différentes de celles du maître, comme nous l’avons déjà vu. — /) Une de ces solutions, indiquée par les Salmanticenses comme efficace (facillime dilu.il…) bien qu’ils en préfèrent une autre, consiste à empêcher momentanément l’acte de science dans le philosophe qui va faire un acte de foi : « On ne peut pas prouver que notre philosophe (au moment où il va croire pour se disposer à la justification) doive posséder la science actuelle de (l’existence de Dieu) : il peut ne pas faire attention aux preuves de cette vérité, mais seulement à l’autorité de Dieu, et s’y appuyer pour croire. » Cursus llieologicus, 1879, t. xi, disp. III. n. 51, p. 215. Mais d’abord cette solution laisse subsister avec l’acte de foi la science habituelle, dont il s’agit aussi dans cette controverse, et c’est pourquoi les Salmanticenses préfèrent une autre réponse.

Ensuite, un philosophe peut-il toujours faire abstraction des preuves de l’existence de Dieu, qu’il peut avoir eues devant les yeux à l’instant même, puisque l’existence de Dieu naturellement prouvée est un préambule de la foi ? Et l’autorité de Dieu elle-même est une vérité naturelle dont il peut avoir la démonstration présente. Et quand il pourrait, pour l’instant, appuyer ces vérités naturelles sur autre chose que sur leurs preuves qu’il vient de voir, celles-ci n’en auraient pas moins avec l’acte de foi une simultanéité monde qui nous sullit. Voir les notions préliminaires, col. '154. Enfin reviennent ici d’autres inconvénients que nous avons signalés à propos du 5e système sur la liberté de la foi. Voir col. 427 sq. — g) Une solution bien plus hardie, c’est de remplacer au contraire la foi par la science en détournant le mot credere, Heb., xi, (i. de son sens propre et traditionnel. C’est la première des réponses proposées par Serry : « Le mot credere, employé ici par l’apôtre, est équivoque ; il peut signifier ici : rem cerlo tenere, affirmer une chose avec certitude, de quelque manière qu’on l’affirme, par la foi ou par la science. » Prselectiones, Venise, 1742, t. iii, De fide, disp. I, prselect. vi, p. 167. Réponse dangereuse : elle donne l’exemple d’interpréter l'Écriture en s'écartant du sens propre, sans y être forcé autrement que par un système seulement probable. Et l’on peut d’autant moins supposer ici un sens impropre de credere que fout le contexte du chapitre traite ex professo de la foi proprement dite, de sa définition, de sa nécessité, de son influence sur les autres vertus et en particulier l’espérance, voir col. 85-88 ; que le concile du Vatican, en établissant la définition de la foi proprement dite et théologale, cite ce chapitre, sess. m, c. iii, Denzinger, n. 1789 ; qu’enfin c’est précisément ce verset (> qui sert de base à tous les théologiens et au concile de Trente, sess. vi, c. viii, Denzinger, n.801, pour établir l’absolue nécessité de l’acte de foi proprement dite. L’interprétation de Serry amènerait à nier cette nécessité pour les privilégiés de la science. Une fois cette exception admise et cette porte ouverte, on aura tout autant de raison d’admettre d’autres exceptions, par exemple, en faveur des infidèles de bonne foi qui n’ont ni révélation ni foi divine parce que la révélation ne leur a jamais été prêchée ni suffisamment proposée. Au nom de la doctrine thomiste qui proclame l’impossibilité de croire ce qui est philosophiquement démontré, et qui range l’existence de Dieu et la rémunération future, telles que la raison les démontre, non point parmi les objets à croire, mais parmi les simples préambules de la foi, le D r Gutberlet, interprétant comme Serry le mot credere, Heb., xi, 6, a pensé que, chez ces infidèles, il pouvait signifier ce qu’on appelle fldes laie dicta ; il leur suffirait donc de connaître l’existence de Dieu par le spectacle de l’univers créé (et la vie future par notre tendance naturelle au bonheur et à l’immortalité, ou toute autre preuve de ce genre) pour pouvoir arriver à la justification. Voir la continuation de la Dogmalische Théologie du D r Heinrich, Mayence, 1897, t. viii, § 453. p. 496. Pour mettre une différence entre sa doctrine et la proposition 23 condamnée par Innocent XI : Fides laie dicta ex testimonio creaturarum similive motivo ad justi/icationem sufficil, Denzinger. n. 1173, Gutberlet exige que cette foi improprement dite, dans l’infidèle en question, procède d’une grâce surnaturelle qui l’aide ; et il y ajoute le désir surnaturel de la révélation et de la foi proprement dite, votum fidei, fides in volo. qu’il appelle assez fâcheusement « foi implicite. ce mot ayant déjà dans la théologie catholique un sens déterminé et un peu différent. Voir col. 343 sq. Tout cela, d’après lui. serait compris sous le mot credere de l’apôtre. Mais pour ce qui est du votum fidei, c’est une simple volonté de croire, un pius affectus, et il