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dit-il, Prseleciiones, Venise, 1742, t. iii, p. 165 ; les Salmanticenses ajoutent les noms de Guillaume d’Auxerrc. Henri de Gand, Jean Bacon. Cursus theol., Paris, 1879, t. xi, disp. 111, n. 51, p. 215.

b) Après le concile de Trente, l’opinion affirmative est reprise par presque tous les théologiens de l’ordre des jésuites. Avec eux, bien d’autres, par exemple, les docteurs de Louvain, commentateurs de saint Thomas, comme Makler, De virtutibus theologicis, Anvers, 1616, q. i, a. 5, dub. i, p. 13 ; Wiggers, De virtutibus theol.. 4e édit., Louvain, 1689, q. i, a. 5, n. 102, p. 18 ; les docteurs de Sorbonne, comme Grandin, loc. cil. ; Gamache, Summa theol., Paris, 1627, De virtut. theol., c. i, p. 465, p. 7. Même parmi les théologiens d’ailleurs thomistes, on peut citer Estius : Contingit et ea qiue apparent, si lestimonium habent divinum, a nobis eredi, etc., In D. Pauli Epislolas, Paris, 1892, t. iii, In Heb., xi, 1, p. 266 ; et une partie de l'école bénédictine, voir Wenzl, Conlroversise seleclæ ex universa theologia, Ratisbonne, 1724, t. iii, p. 344, 345, où il cite entre autres grands noms de bénédictins le célèbre thomiste Reding, prince-abbé d’Einsiedeln, et le cardinal d’Aguirre, Theologia S. Anselrni, Rome, 1688, t. i, p. 159 sq.

Parmi les scotistes, on trouve pour l’opinion affirmative non seulement jadis la branche nominaliste, représentée par Gabriel Biel, In IV Sent., 1. III, dist. XXIV, Brescia, 1574, p. 237, 238 ; mais plusieurs depuis le concile de Trente, comme Herinckx dans la Somme à l’usage de son ordre : Admilto simpliciter posse talem philosophum simul scirc et credere exislentiam Dei, sed scienliaa posteriori ci ex creaturis desumpta… Nam hase scientia non générât perfeclam evidentiam de objecto, cujus propria naturel per proprias species non cognoseitur. Summa, part. III, disp. III, n. 38, Anvers, 1663, p. 41. Et il explique Scot comme excluant seulement une espèce d'évidence plus parfaite. De même Sporer, Theologia moralis, Côme, 1742, t. i, tr. II, c. i, sect. i, n. 6, p. 99.

Nous donnerons les preuves principales, soit théologiques, soit rationnelles, de chaque opinion, avec les réponses qu’y fait la partie adverse.

3. L’opinion négative, ses preuves théologiques. — Nous résumons les preuves généralement données, telles que nous les trouvons chez le cardinal Billot, De virtutibus infusis, 2e édit., thés, xi, p. 243-245. — a) Fides… est argumentum non apparentium. Heb., xr, 1. L’obscurité exigée ici est celle de l’objet matériel, qu’il a antérieurement à la foi : or une telle obscurité ne peut lui provenir que de ce qu’il n’est pas objet de vision ou de science. — b) La cessation de la foi au ciel prouve une incompatibilité entre la foi et la vision. — c) Les Pères : Aliud vidil, aliud credidil. Fides est credere quod non vides. Voir les références plus haut, col. 451. Or la science se ramène à la vision : elle ne peut donc atteindre le même objet que la foi.

Réponse. — Omettant une réponse moins bonne donnée par plusieurs adversaires, disons avec d’autres : a) Il est vrai que non apparentium indique un objet matériel, et dont l’obscurité soit antérieure à la foi. Mais il ne s’agit que de l’objet matériel principal, les mystères. C’est ainsi que saint Grégoire limite le texte, en traduisant : qme apparerc non possunt ; ce mot n’est vrai que des mystères, qui ne peuvent ni se voir ni se démontrer. C’est aussi l’interprétation de saint Thomas. Voir les textes, col. 380. A première vue, fides pourrait paraître signifier tout acte de foi ; mais, comme le remarque l’archevêque Mac Evilly dans son commentaire, saint Paul a déjà exclu ce sens en disant : fides est sperandarum substantiel rerum ; ce qui ne serait pas vrai de loul acte de foi, puisque beaucoup d’actes de foi ne s’occupent pas des choses que nous espérons, et ne servent pas de soutien à l’espé rance. Exposition of the Epistles oj SI. Paul, Dublin, 1891, t. il, p. 239. Il ne s’agit donc pas de tout acte de foi même l’ait sur un objet secondaire, mais de la loi en général, de la vertu de foi, laquelle peut se définir par son objet principal, les mystères divins, non apparentia, et tout spécialement par la béatitude surnaturelle, res sperandte : car L’objet d’attribution caractérise une vertu, une science, et la spécifie. Voir col. 379-382. La question de l’objet secondaire, qui est notre controverse actuelle, n’est donc pas touchée par ce texte, et demeure intacte, suivant la réflexion de saint Bonaventure : Quod enim dicitur fides esse de non apparentibus et non visis…, ex hoc non excluditur quin, quasi per accidens et per coneomitantiam, possit dici quod fides sil de aliquibus quee apparent. In IV Sent., 1. III, dist. XXIV. a. 2, q. i, ad 2 1 "", dans Opéra, Quaracchi, t. iii, p. 519. C’est également la pensée du célèbre commentateur Estius, loc. cil. — b) La cessation de la foi au ciel ne prouve pas autre chose qu’une incompatibilité entre la foi et la vision intuitive de Dieu, par laquelle l’objet principal de la foi est rendu visible. Saint Thomas est formel : Illa sola manifeslalio excludit fidei ralionem, per quam redditur apparens vel visum id de quo principaliter est fides. Principale autem objectum fidei est verilas prima, cujus visio bealos facit, et fidei succedil. Sum. theol., II" II » , q. v, a. 1. — c) Les Pères, dans les textes objectés, visent toujours l’objet principal, comme ne pouvant être vu ici-bas. Aliud vidil, aliud credidil : il s’agit d’expliquer comment l’apôtre Thomas, tout en voyant l’humanité du Christ, n’a pas vu l’objet principal, qui doit rester invisible ici-bas, c’est-à-dire la divinité, et le mystère de l’incarnation. L’expression familière à saint Augustin, credere quod non vides, se restreint dans sa pensée à l’objet principal de la foi, comme nous le voyons par cette phrase : Est autem fides credere quod nondum vides : cujus fidei merces est videre quod credis. Serm., xliii, n. 1, P. L., t. xxxviii, col. 254. La récompense de la foi sera de voir dans ses profondeurs ce Dieu que maintenant nous croyons dans le mystère : il s’agit donc précisément de l’objet principal, et rien ne nous force d'étendre la formule de saint Augustin à l’objet secondaire.

Preuves rationnelles. — a) « Quand l’intelligence, dit le cardinal Billot, a été amenée à son terme propre, la vision d’un objet intelligible où elle trouve son parfait repos, elle ne peut avoir sur le même objet un acte comme celui de la foi, où elle ne peut trouver son repos : de même que dans le mouvement matériel il serait contradictoire, étant parvenu au terme, d'être encore en dehors de lui et en mouvement vers lui. Et le sens commun semble admettre que nous ne pouvons adhérer aux premiers principes à cause d’un témoignage extrinsèque. Or ce que nous venons de dire des premiers principes doit s’appliquer aussi aux conclusions scientifiques qui s’y ramènent avec une entière évidence. » Loc. cil. — b) D’autres mettent en avant l’obscurité de la foi, ou la liberté de la foi.

Réponse. — a) Oui, il y a une sorte d’impossibilité à s’appuyer sur un témoignage, quand on a la vision, qui donne à l’esprit son parfait repos. Voir col. 149 sq. Mais ce que l’on nie, c’est que cette observation, très juste pour la vision, puisse s’appliquer à la science, ou du moins à tout assentiment de toute science. Ainsi, la conclusion scientifique d’un long ou d’un subtil raisonnement ne donne pas toujours à l’esprit un parfait repos, et peut très bien se fortifier d’un témoignage, de celui des savants, par exemple. Et dans le cas même où la science actuelle suffirait à rendre le témoignage hors de saison, la même science à l'état habituel souvent n’y suffirait pas, comme le remarque, entre autres bonnes réflexions, le docteur de Sorbonne Louis Habert, Theologia dogmutica et moralis ad usutn