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FLORENCE (CONCILE DE)


aux discussions. Les grecs choisirent pour les représenter Bessarion et Marc d’Éphèse ; les latins, le cardinal Julien Cesarini et Torquemada. Ces réunions-là eurent lieu dans l’église des fransciscains. Elles furent inaugurées par un discours de Cesarini sur l’union. Seulement, elles ne pouvaient aboutir à aucun résultat pratique. L’empereur avait fait défense aux grecs de traiter les points controversés. Il fallut quatre réunions préliminaires avant que JeanVIII se décidât à laisser discuter la question du purgatoire. On était au 4 juin. En vérité, la question était assez secondaire. D’abord, grecs et latins admettaient ce point de foi ; ils ne différaient que sur le mode des peines, les uns affirmant qu’il y avait au purgatoire un feu semblable à celui de l’enfer ; les autres, au contraire, qu’il n’y avait que des souffrances expiatrices. Voir Feu du purgatoire. Puis, même sur cette question, les grecs n’étaient pas d’accord entre eux. Bessarion, Marc d’Éphèse, Grégoire Mammas ne s’entendaient pas et changeaient d’avis d’un jour à l’autre. Tous, au surplus, refusaient de faire connaître nettement la doctrine de leur Église à ce sujet et sur le point de savoir si, oui ou non, le châtiment et le bonheur des damnés et des élus était complet avant la résurrection. C’est alors que l’empereur, pour donner un semblant de satisfaction aux latins, fit publier, le 17 juillet 1438, une déclaration composée par Bessarion et Marc d’Éphèse et revue par lui, qui était ainsi conçue : « Les justes jouissent dans leurs âmes, dès la mort, de toute la félicité dont les âmes sont capables ; mais, après la résurrection il s’ajoute encore quelque chose à cette félicité, à savoir, la glorification du corps qui brillera comme le soleil. » Ces vaines discussions n’avaient aucune utilité en l’espèce et ne faisaient que permettre de tramer les choses en longueur. Les esprits s’aigrissaient dans l’attente, et, par surcroît, la peste avait fait son apparition à Ferrare. Il y eut de nombreux morts. Isidore de Kiev, qui était arrivé le 15 août, perdit beaucoup de monde de sa suite ; Denys de Sarde, représentant du patriarche de Jérusalem, mourut. C’était le désarroi. Les antiunionistes, dont Marc d’Ephèse et l’archevêque d’Héraclée, espéraient que la maladie mettrait fin aux débats et, dans cette espérance, quittèrent même subrepticement Ferrare. Il fallut aller à leur recherche et les ramener de vive force. L’empereur dut s’interposer et interdire aux grecs de sortir de la ville.

Incontestablement, il fallait en finir. Aussi décidat-on d’un commun accord que la véritable I re session du concile aurait lieu le 8 octobre. Entre temps, on prépara un programme. Une double commission fut nommée, composée du côlé des grecs de six membres qui auraient charge d’attaquer les croyances et les coutumes latines controversées : c’étaient Bessarion, Marc d’Éphèse, Isidore de Kiev, Balsamon, Théodore Xanthopulos et Georges Gémiste ; six membres aussi du côté des latins furent choisis : Julien Cesarini, Albergati, André de Rhodes, Jean de Forli, Pierre Perquerii, Jean de Saint— Thomas. Quant au programme, les grecs, contre l’avis de Bessarion, décidèrent de poser, avant toute discussion, cette question qu’ils jugeaient essentielle et qui n’était en réalité qu’accessoire : « Est-il permis d’insérer un seul mot nouveau au symbole ? » Bessarion, plus logique, aurait, au contraire, voulu qu’on discutât tout simplement si, oui ou non, l’addition du Filioque était dogmatiquement exacte. Néanmoins, ce fut l’avis de Marc d’Éphèse qui l’emporta. En secret, il espérait bien qu’en répondant négativement à la première question, on arrêterait du coup tous les pourparlers et on éviterait ainsi toute autre discussion.

La session du 8 octobre se tint dans la chapelle du pape alors malade et fut uniquement occupée par un

grand discours de Bessarion dans lequel, sans toucher à aucun des points controversés, il fit l’éloge de l’union, la montra possible et infiniment désirable. Adroitement, il sut adresser à chacun un compliment et tâcha de gagner tous ses auditeurs à sa conviction personnelle. Dans la iie session, le 10 octobre, André de Rhodes répondit à Bessarion et fit à son tour l’éloge des grecs.

Ce fut dans la iiie session du concile, le 14 octobre, que la question préjudicielle fut introduite. Elle visait la doctrine du Filioque. Marc d’Éphèse attaqua violemment l’Église latine, lui imputa le schisme et demanda la suppression de l’adjonction, qu’elle fût exacte ou non. André de Rhodes répondit et, durant toute la session ainsi que le lendemain, la discussion continua sur ce seul sujet.

Le 16 octobre, après une dispute assez vive entre grecs et latins, eut lieu la ve session. Marc d’Éphèse apporta les preuves de toutes les affirmations qu’il avait émises contre la licéité du Filioque. André de Rhodes lui répondit dans les vie et viie sessions, les 20 et 25 octobre, et prouva que l’addition contestée était moins une addition qu’une explication, un éclaircissement, contenu dans les mots ex Paire ; qu’un éclaircissement de la sorte ne pouvait et n’avait pas été interdit par les conciles et qu’enfin l’Église romaine avait le droit d’ajouter de pareils éclaircissements au symbole, qu’à cela il y avait des précédents et que, du reste, Photius lui-même n’avait jamais attaqué les latins à ce sujet.

A la viiie session, le 1 er novembre, Bessarion entra en lice. Lui non plus n’était pas partisan de l’addition et ne voulut pas admettre la distinction d’André entre addition et explication. Pour lui, au surplus, il y avait véritable addition parce que l’explication était prise en dehors du texte même. Mais, pas plus que Marc d’Éphèse, il ne contestait l’exactitude dogmatique de la formule discutée. Dans la ixe session, le 4 novembre, Bessarion continua son argumentation, favorable aux grecs et très vive contre André de Rhodes qui voulut répondre et s’embrouilla pas mal en se lançant dans les preuves de la procession du Saint-Esprit par le Fils, ce qui n’était pas le sujet. Ce fut Jean, évêque de Forli, qui vint au secours d’André de Rhodes, le 8 novembre, à la xe session ; puis le cardinal Cesarini lui-même, le. Il novembre, à la session suivante. Évidemment on piétinait sur place. Jean reprit la thèse d’André de Rhodes, prétendant qu’il n’y avait pas addition, mais explication, que ce qu’avaient fait les trois premiers conciles d’autres pouvaient le faire, que l’essentiel était.qu’on gardât le dogme intact. Quant à Cesarini, il s’efforça de prouver de son mieux que la défense de rien ajouter au symbole portée par le concile d’Éphèse visait évidemment la foi elle-même et non la lettre. Ces discussions éternelles, toujours les mêmes, avilies mêmes textes et les mêmes arguments, remplirent encore les xie et xii c sessions durant lesquelles Marc d’Éphèse réfuta Jean de Forli et Cesarini.

Au cours de la xiiie session, le 27 novembre, arrivèrent les ambassadeurs du duc de Bourgogne, les évêques de Cambrai, de Chalon-sur-Saône et de Nevers et l’abbé de Cîteaux. Ils se présentèrent au synode, mais refusèrent de saluer l’empereur. D’où nouvelles discussions, nouvelles menaces, nouvelles plaintes de la part des grecs. Il fallut arranger l’affaire et dans la xive session, le 4 décembre, les ambassadeurs rendirent leurs devoirs à l’empereur et l’abbé de Cîteaux prononça un grand discours demandant au pape de faire ses efforts pour arriver à la double réconciliation du souverain pontife avec les grecs et avec les Pères de Bâlc. Puis Marc d’Éphèse et Cesarini reprirent leur discussion qui dura trois jours et