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plus loin, après avoir dit que les démons ont l'évidence des préambules, manifesta ralione coguntur credere, ce n’est p ; is précisément par leur procédé intellectuel qu’il explique comment leur foi n’est pas la vraie foi, mais par le double déficit du surnaturel et de la bonne disposition générale de la volonté : « La foi comme vertu… ne peut se trouver chez eux, soit parce qu’ils ne sont pas susceptibles de vertus infuses, soit parce que leur volonté est plus portée à attaquer la pieuse vérité qu'à lui faire donner assentiment. » Loc. cit., a. 2, q. ni, p. 493. « Ils croient par force, et quasi cum quodam murmure, » ad 2um, p. 494. Tolet suit ces grands docteurs du moyen âge. Pour les anges in via, il déduit la liberté de leur foi de ce que leur volonté était bien aiîectionnée, quoiqu’elle n’eût pas à intervenir pour déterminer l’intelligence : « Pour eux il était évident que Dieu avait révélé ; à cause de cette évidence, ils ne pouvaient ne pas croire aux vérités révélées ; et pourtant leur foi n'était pas forcée, parce qu’ils faisaient cela volontairement et non pas avec répugnance de la volonté. » In 7/ am //*, q. v, a. 1, t. ii, p. 95. Pour les démons, au contraire, « leur foi est forcée, dit-il, parce qu’ils ne voudraient pas que ces mystères fussent vrais, et qu’ils croient à contre-cœur : aussi leur foi n’a pas de mérite. » Loc. cit., a. 2. Quand Tolet dit que la foi des démons est forcée, coacla, ce n’est donc pas Y intelligence nécessitée par Vevidentia atleslantis, qu’il regarde surtout : car ce même phénomène se passait d’après lui chez les anges in via, « et pourtant leur foi n'était pas forcée : » ce qu’il regarde, c’est la disposition générale de la volonté, répugnant chez les uns et ne répugnant pas chez les autres à l’assentiment intellectuel nécessairement donné par tous. Dans le vrai croyant qui a Vevidentia attestant is, il ne faut donc pas s’arrêter à son intelligence déterminée par cette évidence, mais tenir compte de sa volonté bien disposée à l'égard de la foi en général, contente de croire et prête à faire son devoir s’il y avait quelque doute à chasser, s’il y avait l’intelligence à déterminer. D’autres théologiens font une part à cet élément, bien qu’ils aient en même temps recours à quelqu’un des autres systèmes précédents. Ainsi Lugo : « Et quand bien même les motifs de la foi nous convaincraient indépendamment de la volonté, dit-il — c’est Vevidentia atlestantis — il faudrait encore la volonté pour avoir l’assentiment super omnia, à quoi l’intelligence n’est pas déterminée par elle-même. » De fuie, disp. X, n. 10, p. 427. Avec Vevidentia atlestantis l’acte de foi est libre, d’après Ripalda, à cause de cette affection de la volonté, qui, évidence ou non, choisit en toute hypothèse l’hommage de la foi : eo ajjectu ut, seclusa evidenlia revelationis, eliam cum cligerct in obsequium Dei. De ente supernalwali, Paris, 1873, t. vii, disp. XII, n. 12, p. 219. D’après Gormaz, pour que l’acte de foi salutaire soit conciliable avec Vevidentia atlestantis, on doit croire ex tali animi præparationc…, ut, quamvis deficerel illa evidenlia, et maneret sola obligatio credendi, assensum illum imperarent. Cursus theologicus, Augsbourg, 1707, t. i, De fuie, n. 711, p. 802. Mayr reproduit la même doctrine, Theologia schotastica, Ingolstadt, 1732, t. i, De fide, n. 468, ]). 142 ; et plus loin : « Dans cette préparation du cœur à vouloir croire, même sans Vevidentia in attestante, consiste alors la mise en captivité de l’intelligence et l’hommage qui est dû. » Loc. cit., n. 469. Avant eux, Arriaga avait dit : « Quoique toutes les vérités de la foi ne soient pas mystérieuses en elles-mêmes, c’est assez que l’une ou l’autre le soit pour qu’une pieuse affection doive intervenir même dans la foi des choses faciles : car même celles-ci doivent être crues d’une foi universelle, pour ainsi dire, et préparée à croire scmblablement les choses les plus difficiles. » Disp. theol.. t. v, disp. XVII, n. 13, p. 247. Paroles reproduites et

louées par le scotiste Mastrius, Dispul. theol. in ///"> » Sent., Venise, 1675, dist. VI, n. 257, p. 360. et par Kilber, De fide, n. 1<S2, dans Migne, Theologise cursus, t. vi. p. 552, 553. De nos jours, le docteur Scheeben a aussi indiqué cet élément. Il dit que la liberté de la foi n’es ! pas « une imperfection née du défaut d’arguments victorieux…, imperfection qui distinguerait la foi de la science évidente, et qui lui serait commune avec ce qu’on appelle opinion. » Non : « l’absence de force coercitive dans les arguments ne lui est qu’une occasion de manifester pleinement la liberté qui est dans sa nature. La base de cette conception a été posée par le concile du Vatican, où il est dit que par la foi plénum revelanli Deo intellectus et voluntatis obsequium præstare lenemur (Denzinger, n. 1789)… La foi… est une adhésion à la vérité révélée, provenant d’une soumission respectueuse à l’autorité et d’un attachement étroit à la Vérité éternelle. » La dogmatique, trad. franc., Paris, 1877, t. i, § 45, p. 525. 526. C’est le « caractère et la perfection propre » de la foi, qui exige que l’assentiment de foi soit « suscité et soutenu par le libre arbitre… Cette énergie de la liberté ou de l’affection filiale de la volonté se révèle en ce que l’assentiment de l’intelligence qu’elle éveille et supporte est essentiellement une adhésion transcendante, super omnia, conforme à l’infinie dignité de la nature divine. » Loc. cit., p. 527.

Critique du système. — a) Il met en avant un élément trop laissé dans l’ombre par beaucoup de théologiens, une résolution ou disposition générale de la volonté qui, d’après les documents positifs, appartient certainement à la foi divine, et par sa nature même réside dans la volonté libre ; élément qui doit donc entrer, au moins pour une part, dans l’explication distincte de la volonté de croire et de la liberté spéciale de la foi. — b) On peut même en faire comme l'élément principal et le centre de la liberté de la foi : car cette résolution domine l’acte de foi dans tous les cas différents qui peuvent se rencontrer. Si un doute se présente et tient l’esprit en suspens, si la vogue et l’autorité humaine d’une prétendue science vient contredire l’autorité divine, cette résolution générale, sérieuse comme nous la supposons, l'éliminera avec l’aide de la grâce ; car de même qu’on ne peut garder sérieusement le ferme propos de ne jamais commettre de péché mortel et en même temps en commettre un, de même, on ne peut garder sérieusement la résolution de rejeter tout ce qui viendra contredire la foi, la résolution de faire du témoignage divin la règle suprême de son intelligence, et en même temps se laisser aller librement au doute sur un point particulier de la révélation. Dans le cas contraire où nul doute, nulle raison de douter ne se présente — qu’il y ait evidenlia atlestantis, ou « foi confuse » — cette disposition de la volonté, toujours régnante, n’en est pas moins méritoire devant Dieu : si elle ne bannit pas actuellement les doutes, c’est qu’il n’y a pour le moment rien à bannir ; mais l’intention est réputée pour le fait. Et l’assentiment intellectuel, alors donné d’emblée à la vérité révélée, reste « informé » en quelque sorte par cette bonne résolution, soit qu’elle vienne d'être renouvelée actuellement, soit qu’elle persévère virtuellement, ce qui suffit. Voir col. 430. Ce système a donc l’avantage de faire intervenir la liberté spéciale de la foi, d’une manière plus ou moins prononcée, dans tous les actes de foi : ce qui est encore plus satisfaisant que d’admettre, avec le 3e système, des exceptions où elle n’intervient pas du tout. Ainsi l’on peut résumer tous les cas dans une seule formule : « La liberté spéciale de la foi consiste essentiellement dans la libre et ferme résolution de préférer la parole divine, à cause de sa valeur souveraine, à tout ce qui viendra la cou t redire ; en vertu de cette résolution, la volonté, si des doutes