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tel énoncé, celui-ci n’en devient pas aussitôt pour cela un objet vrai, en réalité ou en apparence : la seule motion de la volonté ne suffît donc pas sans quelque persuasion. » In II 3m II X, Douai, 1615, q. i, a. 4, concl. 4-, p. 24. Banez fait remarquer d’ailleurs que Cajétan ne veut pas parler ici de l’assentiment selon la prudence ; que dans ce même article il exige l'évidence de crédibilité pour la prudence et le caractère moral et vertueux de l’acte de foi. Loc. cit., p. 23. Cajétan se borne donc à exagérer la puissance physique de la volonté sur l’esprit.

Critique du système. — a) S’il pouvait être admis, il faciliterait d’une manière simpliste la conception de l' imperium voluntatis, ce qui explique que plusieurs y aient eu recours. Ce n’est donc pas précisément la liberté de l’acte de foi qu’il détruit : il l’exagère. — b) Si l’on entend le despotisme de la volonté à la façon de Cajétan, comme un fait matériellement possible, mais sans prudence et sans légitimité, nous l’avons vu réfuté par de bons arguments d’Holcot et de Banez, qui le montrent psychologiquement impossible. Si ce système était vrai, dit encore Holcot, « nous pourrions à volonté nous donner de grandes joies, en nous commandant à nous-mêmes de croire que nous allons avoir tel bonheur ; nous pourrions ne douter jamais de rien ; nous pourrions dire n’importe quoi sans mentir, car au moment d’affirmer ce qui nous paraît faux nous pourrions croire volontairement que c’est vrai. » Loc. cit. — c) Mais si l’on va plus loin encore, si l’on prétend que ce despotisme de la volonté est légitime et prudemment possible, alors c’est le fidéisme, condamné par l'Église : chacun sera autorisé à croire sans aucune préparation rationnelle, par un simple coup de la volonté. Voir col. 171, 172, 175-178, 189191. Les miracles, l’apologétique avec ses motifs de crédibilité seront inutiles, la foi du chrétien ne sera pas plus raisonnable que celle du musulman, comme le remarquaient Holcot et Pic de la Mirandole. lit que l’on ne dise pas que la volonté du chrétien, en tyrannisant ainsi l’intelligence contre nature et en supprimant les motifs intellectuels voulus par l'Église dans la foi. tend à une fin excellente, la récompense céleste : la lin ne justifie pas les moyens. Enfin le système mène au subjectivisme, en enlevant à la vérité son caractère objectif et impersonnel, pour la faire dépendre uniquement d’un clément subjectif et personnel, la volonté. De ces arguments certains contre ce système, nous pouvons utilement tirer trois corollaires.

1 er corollaire. — Il faut donc bien entendre ce passage de saint Thomas : Quandoque intellectus non potest delerminari ad aller/un parlent contradictionis, neque stalim per ipsas deflniliones lerminorum, sien in principiis, nec eliam virtute principiorum, sicut in conclusionibus démonstratives est ; ilclerminutur aillent per voluntatem, quæ eligit assentire uni parti determinate et præcise propter aliquid quod est suffteiens ad tnovendum voluntatem, non autem ad movendum intellcctum, ulpole quod videtur bonum vel conveniens, huic parti assentire, il ista est dispositio credentis… Kl hoc. præmio (vitæ wlcrnse) mooetur volunlas ad o tlendum his quæ dicuntur, quamvis intellectus non movcutur per uliquid intelleclum. Quæst. disp., De Veritale, q. xiv, a. I. Saint Thomas voudrait-il ici m m placer purement et simplement, dans la foi, les motifs Intellectuels, les raisons de croire, le motif même du témoignage divin, pai un motif propre de la volonté, pu mi bien i|ui non-, attire, par exemple, l.i récom ulement ce sei ; iit le fidéisme et le ectivisræ mais c< ei ! ii contraire a toute s ; i me bien connue sur le motif spécifique de la foi, voir col. 99, 116, 121. 12 : ', ; sur la vertu de foi dant avant tout dans l’intelligence, 'i servant même à voir la crédibilité, col. 240 245 ; enfin sur la nécessite

des motifs de crédibilité. Voir Crédibilité, t. iii, col. 2271-2276. Il faut donc, dans ce texte elliptique de saint Thomas qui ne peut énumérer en si peu de mots toutes les conditions de l’acte très complexe qu’est la foi, il faut sous-entendre les motifs intellectuels dont il parle ailleurs. Et quand il dit : quamvis intellectus non moveatur jur uliquid intelleclum. il faut entendre ce moveatur dans le sens de delerminctur. expression qu’il a lui-même employée au début : Quandoque intellectus non potest delerminari, etc. Et il faut comprendre ainsi le cas dont il parle : on a des motifs de crédibilité sullisants, qui expliquent le témoignage divin et inclinent à l’admettre ; mais, tels qu’ils se présentent, ils ne « déterminent » pas, ne nécessitent pas l’intelligence à l’assentiment ferme, comme cela a lieu dans l'évidence immédiate des « principes » , ou dans l'évidence médiate et scientifique des « conclusions démonstratives » , dont il vient de parler. Dans cette fluctuation de l’esprit, la volonté seule, animée par le bien qu’elle poursuit, et sans nouveau motif intellectuel, chassera les doutes, d’où qu’ils viennent (doutes imprudents, puisque les motifs contraires sont par hypothèse su/fisanls pour l’assentiment ferme), et obtiendra ainsi la ferme adhésion. Voilà le maximum d’influence volontaire que nous puissions lire dans cette phrase du saint docteur ; elle revient à affirmer dans la foi une influence spéciale de la volonté qui. n’est pas dans la science. Voir col. 395 sq.

2e corollaire. — Si la volonté ne peut par son seul commandement déterminer l’esprit en face d’une proposition neutre, où il ne voit de raison ni pour ni contre, a fortiori, elle ne peut le déterminer dans un sens opposé à l'évidence (stricte) : il y a là une impossibilité physique (|n’elle ne peut vaincre ; autrement, jamais n’existerait cette évidence irrésistible où l’esprit est déterminé par l’objet seul et non par la volonté, d’après la doctrine de saint Thomas. Voir col. 207. Et sans aller jusqu'à cette impossibilité physique, plusieurs fidèles éprouvent en eux, au moins à certains moments, une impossibilité morale de douter de leur religion. Et ceux mêmes qui peuvent en douter ne peuvent pas aussitôt la nier, c’est-à-dire la juger fausse, avec une certaine conviction : car il faudrait pour cela des raisons apparentes, bien plus fortes que pour douter seulement. Voir CROYANCE, t. iii, col. 2372. C’est donc donner trop d’empire à la volonté, que d’affirmer que tout fidèle, dans tout acte de foi. a la liberté la plus complète d’affirmer, de douter, ou de nier. « Beaucoup semblent croire, dit Michel de Eli/.alde, S..]., que la foi est pour chacun aussi volontaire, aussi libre qu’il m’est libre en ce moment de m’asseoir ou de me promener, d’aller de ce côté-ci ou de ce côté-là ; et c’est en ce sens qu’ils la disent libre quoad speciem. Forma vers religionis quærendse et inveniendæ, Naples, 1662, p. 380. Oui. ajoute-t-il, la vraie religion est librement reçue, librement conservée… M, lis il ne faut pas l’entendre en ce sens, que

h croyanl ait en sa liberté de rejeter Immédiatement

la religion et de la juger fausse, et une autre vraie à sa place. Il a l’assentiment toujours en son pouvoir, mais le dissentiment seulement en germe, m causa, en ce sens qu’il peut par sa faute arriver à altérer, a

corrompre Ifl bonne disposition où il est… Si je m’examine moi-même, je ne me trouve pas la liberté de pouvoir, tOUl de suite, juger et décider « pic l.i religion Catholique est fausse… Je ne veux p ; is qu’ils m’accordent la liberté d’approuver les folles les plus extravagantes. Loc. cit., p. 382. Remarquons du reste

que, dans la foi. le simple doute, plus facile que la négation et demandant pour exister moins d’appa rences de raison, suffit a la détruire, parce quc la foi est essentiellement ferme. De la cet axiome : hubius