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FLORENCE CONCILE DE


aucune part active aux délibérations. Ils ne firent qu’assister le pape et signer les protocoles. C’étaient le vieux Branda Castiglione, cardinal de Plaisance, âgé de quatre-vingt-huit ans ; le neveu d’Eugène IV, François Condolmario, cardinal de Saint —Clément, d’abord vice-camérier, puis cardinal, camerlingue de la sainte Église ; Angclotto de’Foschi, évêque d’Anagni, puis de Cava, cardinal de Saint-Marc ; Giordano Orsini, cardinal-évêque de Sabine ; Prosper Colonna, cardinal de Saint— Georges in Vclabro, neveu de Martin V ; Antoine Correr, cardinal de Bologne, puis de Porto et enfin d’Ostie, ami de jeunesse du pape.

Mais, à côté d’eux, quelques personnages de second ordre ont joué un rôle important. Ce fut Ambroise Traversari, ami d’Eugène IV, général des camaldules, qui alla, au nom du pape, saluer les grecs à Venise ; Jean de Baguse ou de Monténégro, provincial des dominicains de Lombardie ; Jean Cafïarelli, évêque de Forli ; Nicolas Sagundino, de Négrepont, secrétaire ducal à Venise, célèbre polyglotte qui fut l’interprète habituel des délibérations ; enfin et surtout, André de Constantinople, archevêque de Bhodes, et Jean de Torquemada. Le premier, un dominicain, maître du sacré palais, tout nouvellement fait archevêque, avait été un des nonces envoyés par Eugène IV, au lendemain de l’affichage des placards à Borne, le G juin 1432, pour porter au concile de Bâle les propositions du pape. Dès cette époque, il s’était montré ardent partisan de l’union grecque et tout dévoué à la réforme de l’Église. Théologien de grand renom, versé dans la connaissance des Pères grecs et latins, il allait être une des lumières du concile et un des ardents défenseurs des latins. Quant au dominicain espagnol Jean de Torquemada, il est assez connu pour que nous n’ayons pas à insister sur sa personne. Né à Valladolid en 1388, il avait été ambassadeur du roi de Castille au concile de Bâle. Devenu maître du sacré palais, il fut, lors de la translation du concile à Ferrare, accrédité auprès du même roi. Dès 1439 il allait devenir cardinal. Parmi les laïcs, le nom d’André de Santa Croce, avocat du consistoire apostolique, est demeuré connu grâce à l’histoire du concile, auquel il assista personnellement, qu’il a racontée sous la forme d’un dialogue avec un sien ami.

Du côté des grecs, l’assemblée était plus magnifique encore. Tandis qu’aucun souverain européen ne siégeait à côté d’Eugène IV, l’empereur était là avec son fils Démétrius. Malheureusement, entre tous ces représentants de l’Église byzantine, les dissensions étaient profondes. Les uns voulaient l’union, les j autres la rejetaient avant toute discussion ; les uns j venaient en Italie pour des motifs purement politiques, quelques-uns par conviction, les autres forcés par le pouvoir suprême et attirés seulement par l’espérance d’un profit pécuniaire. Jean VIII Paléologue, qui régnait depuis 1423, était tout dévoué a l’union pourvu que l’Occident lui offrît les secours dont il avait besoin. Sachant par expérience que les discussions théologiques n’amèneraient aucun résultat, il chercha longtemps à esquiver la lutte. Il aurait voulu que l’union fût votée en bloc, sans examen théologique préalable, et repartir ensuite au plus vite pour Byzance. Son fils Démétrius, au contraire, était violemment antiunionisle ; du reste, par ailleurs, assez peu intelligent et très ambitieux ; sa conduite n’alla pas sans encourager les partisans de l’opposition à l’union et, certainement, sa politique religieuse eut, à rencontre de celle de son père, les plus fâcheux résultats. A Ferrare comme à Florence il se tint par calcul en dehors de toutes les discussions religieuses et ce ne fut qu’à son retour à Constantinople qu’il se déclara chef d’un parti politique et religieux au fond tout dévoué au Turc. C’était une belle figure que celle

du vieux patriarche Joseph II. Depuis 1416 sur le trône de Byzance, il avait toujours désiré l’union et avait travaillé constamment à la réaliser. Sans doute, il y avait peut-être chez lui une arrière-pensée politique, et cette pensée, c’était l’espoir que l’union libérerait un peu l’Église grecque de la contrainte impériale ; mais ce n’était là pour lui qu’un argument secondaire. Il semble bien qu’il voulut l’union pour des motifs avant tout religieux. Quand il se mit en route, Joseph était déjà très malade.. Il put pressentir qu’il ne reviendrait pas mourir à Byzance. Le voyage l’acheva en effet. Il mourut à Florence en 1439.

Les deux grandes figures grecques du concile sont assurément du côté unioniste Bessarion, du côté antiunioniste Marc d’Éphèse. Né vers 1395, archevêque de Nicée, ami personnel de l’empereur, l’un des plus savants théologiens de son temps, Bessarion fut, durant tout le concile, le grand défenseur de l’union comme le grand docteur de son Église. Chez cet intellectuel, l’union était avant tout affaire religieuse et conviction raisonnée. Aussi, quand il eut signé l’acte d’union, y conforma-t-il pratiquement sa conduite. Obligé pour sa foi d’abandonner l’Orient, il vint résider en Italie et mourut cardinal. Voir t. ii, col. 801. Marc Eugenikos, métropolitain d’Éphèse, moine comme Bessarion, ne semble pas avoir eu la grande âme de son illustre contradicteur. Dès avant le concile il s’était toujours montré très hostile aux latins. Aussi ne vint-il en Italie que par contrainte et très décidé à lutter de tout son pouvoir contre l’union. Avec une fougue et une activité extraordinaires, il prit la tête du mouvement d’opposition et fut le seul évêque qui refusa de signer le décret d’union. Lui aussi était grand théologien et excellent canoniste. L’historien Ducas l’appelle « une règle et une coupe inamovible dans la science et les décrets du concile. » Très populaire à Byzance, il devint, après le concile, le centre de toute l’agitation anticonciliaire, fut enfermé en prison par ordre de l’empereur et mourut vers 1443 en anathématisant les unionistes, « transgresseurs des lois des ancêtres, gens très scélérats, dignes de la mort éternelle. »

Parmi les autres membres de l’Église grecque qui prirent une part active au concile, il faut citer, après Bessarion et Marc d’Éphèse, un prêtre de talent, secrétaire de l’empereur et grand-custode de Sainte-Sophie, Théodore Xanthopulos ; Balsamon ; Dorothée, archevêque de Mytilène, qui nous a laissé une histoire du concile écrite dans le sens unioniste ; Antoine, archevêque d’Héraclée, antiunioniste ; Dosithée, évêque de Monembasie ; Georges Scholarios, alors simple laïc, mais déjà l’ami et le disciple de Marc d’Éphèse dont plus tard il sera l’héritier et le continuateur. A Florence, il signa le décret d’union, mais il faut lire les deux discours qu’il prononça, chef-d’œuvre d’opportunisme, pour se rendre compte que l’acceptation par Scholarios du fait accompli n’était, pour lui comme pour beaucoup d’autres, qu’affaire d’un moment, simple concession au pouvoir pour avoir de l’argent et rentrer chez soi. Enfin deux unionistes de grand mérite ont droit à une mention spéciale : c’est le futur patriarche de Constantinople, alors protosyncelle de Joseph, Grégoire Mammas, et le fameux Isidore de Kiev. Grégoire était bien placé pour connaître les deux mondes auxquels il s’adressait. Né en Calabre, il avait appris de bonne heure sur cette terre gréco-latine à comprendre l’Église romaine et les bienfaits de l’union, et il est bien probable que, durant les longues années qu’il passa dans son monastère, c’est en vue de l’union rêvée qu’il étudia les Pères grecs et latins. En tout cas, il suivit le parti de Bessarion et d’Isidore de Bussie et mourut dans la foi romaine, à Borne, en 1459, patriarche de Constantinople depuis 1443. Quant à