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commun des théologiens est que l’ange a eu l'évidence du témoignage de Dieu. » Disput. in Il am II X, Lyon, 1617, De fuie, disp. IX, dùb. il, col. 140. Il admet la même évidence chez Adam, les prophètes, les apôtres, col. 142. Il prouve ensuite que « l’assentiment de foi infuse subsiste avec Vevidentia attestantis, » col. 147. Coninck en dit autant : « Comme (les apôtres) devaient non seulement croire très fermement que Dieu leur avait révélé telles vérités, mais encore le témoigner très certainement au monde entier, il était de la plus haute convenance qu’ils eussent cette évidence (du fait de la révélation). » De aciibus supernatur… et flde, etc., Anvers, 1C23, disp. XI, h. 64, p. 208. Les apôtres lui semblent faire allusion à ce privilège. Joa., xix, 35 ; Act., iv, 20 ; I Joa., i, 1. « Les hommes pieux et doctes, tels que furent les docteurs de l'Église, ajoutet-il, en considérant par une longue étude les notes de la foi, en les pénétrant avec soin, reconnaissent par ces signes la vérité de la révélation avec une si grande certitude et évidence, qu’ils en sont comme convaincus à n’en pouvoir douter. » Loc. cit., n. 68, p. 209. Tanner admet ce privilège comme indubitable pour la sainte Vierge, et très probable pour d’autres, et il ajoute : Actus fidei slare potest cum evidentia attestantis. lia ex commuai…, etsi contrariant dixerit Bannes. Theologia scholaslica, Ingolstadt, 1627, t. iii, De flde, disp. I, n. 167, col. 53, 54. Au xviii c siècle, malgré l’influence de Lugo, on trouve toujours des défenseurs de cette opinion parmi les jésuites, comme Antoine, Mayr, cités pas Pesch, Praiecliones, 3e édit., t. viii, n. 150, p. 66. Les théologiens récents la défendent presque tous. Citons Mazzella, De virtutitus infusis, Rome, 1879, n. 720 sq., p. 375 sq. ; Naples, 1909, n. 652 sq., p. 331 ; Mendive, Instit. iheol., Valladolid, 1895, t. iv, p. 465, 466 ; Lahousse, De virtutibus tlieologicis, Bruges, 1900, n. 218, p. 280-282 ; Wilmers, De flde, Ratisbonne, 1902, p. 216, 217 ; Schifïini, De virtutibus infusis, Fribourg, 1904, n. 76, 77, p. 122, 124 ; Billot, De virtutibus infusis, 2e édit., Rome, 1905, t. i, thés, xviii, p. 318 sq. ; Pesch, loc. cit., et n. 410-417, p. 189-192.

Critique des deux opinions. — Les tenants de la première, pour exclure le fait de l'évidence irrésistible des préambules, n’avancent que leurs vues systématiques sur la liberté ou l’obscurité de la foi. Mais en bonne logique, on devrait d’abord s’assurer d’un fait, indépendamment des systèmes qu’il peut favoriser ou gêner, et non pas plier les faits aux systèmes. Les défenseurs de la seconde opinion, suivant une meilleure méthode, étudient la question de fait en ellemême ; et parce qu’ils ont de bonnes raisons d’admettre certains cas d’evidentia attestantis, ils les admettent, malgré la sérieuse difficulté qu’ils auront ensuite à les concilier avec la liberté de la foi. Voici les principales raisons d’admettre le fait, quoi qu’il en soit ensuite des systèmes. — a. La sagesse divine fait tout avec ordre et convenance ; or il convenait souverainement que les envoyés divins (prophètes, apôtres) connussent avec évidence que Dieu leur parlait, et fussent ainsi dans les meilleures conditions pour rendre témoignage aux autres sur le fait de cette révélation, puisque de leur témoignage dépend toute la foi de l'Église ; et d’autre part ils ont cru comme nous de foi divine et salutaire. C’est la raison donnée plus haut par Cajétan, Coninck, etc. — b. Il est indécent d’admettre en Marie un doute sur sa conception virginale, comme pouvant être le fait d’une opération diabolique. Voir Pesch, loc. cit., n. 413, p. 190. — c. Les doutes imaginés pour détruire dans lous les cas possibles l'évidence nécessitante des préambules, par exemple, par Lugo et Kilber, loc. cit., mèneraient au scepticisme. Voir Pesch, loc. cit., n. 414, p. 191. Assurément ces théologiens, en imagi nant de tels doutes, les considèrent comme imprudents, et supposent que les saints les ont bannis de leur esprit par le commandement de la volonté. Assurément aussi, des tentations même de scepticisme peuvent se présenter à bien des esprits. Voir Croyance, t. iii, col. 2383 sq. Mais de pareils phénomènes ne se produisent dans l’esprit humain qu’en vertu d’un état anormal, d’une sorte de maladie passagère. Est-on autorisé à transférer cet état morbide en des intelligences aussi droites, aussi saines, aussi éclairées d’en haut que celle de la sainte Vierge, ou des apôtres après la Pentecôte ? — d. L’apologétique chrétienne et catholique perdrait beaucoup de sa valeur tant célébrée par les Pères, les conciles et les papes, si l’on admettait avec la première opinion que jamais ni le plus savant et le plus saint des docteurs de l'Église, ni même les thaumaturges et les apôtres, familiers du Christ, n’ont reconnu avec évidence le fait de la révélation chrétienne, ou celui de la mission de l'Église. Voir les documents, col. 189 sq. — e. Outre l’excellence propre des arguments rationnels de l’apologétique aidés de la grâce ordinaire, il y a encore le phénomène mystique d’une lumière extraordinaire donnée à quelques grands saints, en sorte que les doutes, soit contre le fait de la révélation divine, soit contre les mystères les plus ardus, n’avaient aucune prise sur leur intelligence. C’est là un des traits caractéristiques de cette « foi héroïque » dont traite Benoît XIV à propos des vertus héroïques des saints canonisés : par exemple, dans les Actes de la canonisation de saint Pierre d’Alcantara, qu’il cite : « En lui, aucune des certitudes les plus évidentes et les plus claires ne pouvaient atteindre, même de loin, à la certitude qu’il avait de la vérité infaillible de notre sainte foi, contre laquelle il n’eut jamais de tentation. » De canonizalione sanctorum, 1. III, c. xxiii, Opéra, Prato, 1830, t. iii, p. 236. Une telle lumière empêche absolument de douter de l’origine divine de la religion : et pourtant l’assentiment est encore la foi, puisque c’est la « foi héroïque » . Dans des âmes même moins privilégiées, on rencontre une impossibilité du moins morale de douter, comme le remarque Arriaga : « Chez beaucoup de catholiques, soit longue conviction des motifs de crédibilité, soit inspirations spéciales de Dieu, l’affection envers les choses de foi va si loin qu’il leur est moralement impossible de nier ces mystères ; leur volonté n’est donc pas libre, au moins quant à l’espèce de l’acte. » Disput. theol., Anvers, 1649, t. v, disp. XVII, n. 15, p. 248. — I. Quant à l’ange in via. « s’il a eu la certitude du fait de la révélation, dit le cardinal Billot, il a du en avoir aussi la pleine et parfaite évidence : car il n’y a pas place dans l’intelligence angélique pour cette évidence imparfaite et mêlée d’obscurité (l'évidence morale) dont la cause en nous ne peut être que le mode discursif de l’intellect humain, et l’imagination empêchant par de vaines apparences que les motifs n’illuminent l’esprit de toute leur lumière intelligible. Dans une intelligence intuitive et séparée de toute matière, il n’en peut être ainsi. » Loc. cil., p. 320, 321. Somme toute, la seconde opinion, suivie par un plus grand nombre de théologiens, justifie par de bonnes preuves les faits qu’elle affirme, et ne part pas seulement, comme l’autre. de vues systématiques. Nous la préférons donc, et nous la supposerons en expliquant la liberté de la foi. Car, à moins de vouloir ensuite se perdre dans uni' inextricable confusion, il faut prendre parti dans cette controverse fondamentale.

2. L'évidence irrésistible des préambules peul-ette se concilier avec la foi et sa liberté essentielle ? — Les défenseurs de la seconde opinion l’affirment, et le prouvent de deux manières : a) Indirectement, par les preuves données ci-dessus : les anges, la sainte