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aurait la fermeté de la certitude ; celui qui ignore corn plètement une vérité n’est pas en doute à son sujet, il aurait donc la certitude ; et autres conséquences absurdes. Il faut donc un acte positif qui exclue le doute, ou bien une « détermination totale » de l’intelligence par son objet, ou bien une « adhésion totale » donnée à l’objet, autre formule dont se sert saint Thomas pour exprimer ce qu’il y a de positif dans la fermeté de l’assentiment. Voir col. 92. Le doute est ou n’est pas : il n’y a pas là de degrés. Mais un acte positif, même une connaissance, peut avoir des degrés, au moins d’intensité. En face d’une même vérité admise sans aucun doute, le sujet pensant peut secomporter d’unemanière tantôt plus énergique et plus vive, tantôt plus languissante et plus effacée, comme il arrive dans des moments de distraction ou de fatigue. Distrait, il y a des choses que nous voyons sans les voir, que nous entendons sans les entendre : de même, il y a des jugements certains, mais languissants et comme paralysés, qui '>nt l’inconvénient de rester sans influence sur les lussions, sur la volonté. Il y a au contraire des assentiments de l’esprit vifs et dégourdis, qui ont une efficacité prenante pour émouvoir le cœur. Nieremberg, De urte voluntatis, Paris, 1639, LUI, c. xxxviii, p. 235, ' 236. De plus, si une vérité est plus vraie qu’une autre (comme l’admettent saint Thomas, Quæst. disp., De virtutibus, q. ii, De caritatc, a. 9, ad l um ; Suarez, Melal’Iujs., disp. IX, sect. i, n. 24), cela peut servir à' expliquer pourquoi il est raisonnable d’adhérer davantage à des vérités plus vraies, en tout cas plus fondamentales et plus importantes, comme sont les vérités de foi. Secundum quod conlingil esse aliquid mugis verum, sie etiam contingit aliquid mugis eredere, dit saint Thomas. Lue. cit. Mais quand même on ne voudrait pas admettre de degrés dans la vérité objective, on serait obligé d’en admettre au moins dans la certitude subjective, et en particulier dans la fermeté d’adhésion. Voir Lugo, Dispul., t. i, De fide, disp. VI, n. 28, p. 349 ; Salmanticenses, Cursus théologiens, t. xi, De fide, disp. II, n. 106, p. 153 ; et ce que nous avons dit dé l’accroissement de la fermeté des croyances par l’habitude, voir Croyance, t. iii, col. 2370, par l’imagination et l’action, col. 2373, 2374, et la réfutation de Locke, col. 2390, 2391.

Cela étant, quand un homme prend la résolution 'le persévérer dans la foi jusqu'à la mort, de rejeter tout ce qui viendra contredire son objet, de faire ainsi 'les vérités révélées la régie suprême de son intelligence, il est impossible que par le fait même il n’attache pas davantage son intelligence aux vérités révélées dont elle était déjà convaincue, et que ce ferme propos de la volonté n’ait pas un contre-coup dans la fermeté de l’esprit lui-même. N’y a-t-il pas harmonie ithie entre nos facultés ? L’expérience ne mon'"I "H" pas que, si quelqu’un, ayant grande Idée d une théorie philosophique ou scientifique, et la considéranl comme la clef de la science, s’y affectionne particulièrement et veut en faire 'la base de travaux, alors son intelligence même arrive à y adhérer bien plus fortement ? Le signe manifeste de ""< adhésion spéciale, c’est qu’il est extrêmement difficile de lui enlever cette théorie de la tête. Dans la foi divine un phénomène semblable se produira, et non l-as comme un simple accident, comme le caprice d un individu, mais comme une condition nécessaire et imposée à tous les vrais croyants. Il n’y a pas seulement, alors, un accroissement purement accidentel el quantitatil de fermeté dans la certitude de la foi ""'""' " illi que décril si l.ien saint Thomas Sun, ' il H. M- v, a. 4. En vertu de cette. résolution 'I' Préférence prise par le lidele, un, '"lue nouveau est donné à s ;, certitude de loi

devient souveraine, mper omnia, et cela non pas seu lement pour un acte passager, mais d’une manière générale et définitive. Il en est un peu comme de cette valeur spécifique que les vœux perpétuels de religion ajoutent à l’observation des conseils évangéliques : la certitude des vérités révélées acquiert une valeur toute spéciale, si elle résulte non pas de bonnes dispositions morales quelconques, mais de cette résolution générale par laquelle un chrétien se consacre au culte de la parole divine, en lui donnant volontairement la première place dans son esprit et en lui sacrifiant tout ce qui viendrait la contredire. C’est d’ailleurs la seule explication possible de cette souveraine adhésion, de cette fermeté super omnia, que les théologiens exigent dans l’assentiment de foi : on ne peut songer à une intensité vraiment suprême. Qu’entendrait-on par là? Une intensité finie au-dessus de laquelle on ne pourrait rien concevoir ? Absurdité. L’intensité la plus grande que dans les circonstances données puisse réaliser l’effort du sujet ? Mais pratiquement nous ne pouvons mesurer cet effort relativement suprême, et Dieu n’aurait pu nous en faire un précepte sans nous jeter dans des anxiétés de conscience ; et puis une telle manière d’agir par un suprême effort, au milieu des difficultés et des obstacles qui nous entourent, et dans un acte destiné à être souvent répété comme est la foi, une telle manière d’agir, même avec la grâce qui nous est offerte, ne serait pas humaine, ne serait pas proportionnée à notre condition^ ici-bas. Voir Esparza, Cursus théologiens. Lyon, 1685, t. i, De virtutibus theologicis, q. iv. a. 6, p. 582. Aussi tient-on communément, en théologie morale (jw les actes de charité, de contrition, etc., doivent être super omnia upprelialive, mais non lias super omnia intensive.

La foi est plus certaine que la science.

Cette

thèse, commune parmi les théologiens, fait l’effet d’un paradoxe. Quoi ! La foi obscure, plus certaine que la science avec son évidence lumineuse I La foi, que l’on peut abandonner par apostasie, plus certaine que la science dont il est impossible de douter et de se séparer ! - Précisons le débat. On ne prétend pas que la foi soit plus évidente que la science, on prétend qu’elle est plus certaine. La certitude n’est pas l'évidence, et l'évidence (parfaite) n’est pas une condition essentielle de la vraie certitude ; il y a une certitude inévidente, qui est pourtant une certitude digne de ce nom. Voir col. 207-209. Quand un jugement de la science brille d’une évidence parfaite, on est forcé de le reconnaître, on éprouve l’impossibilité de douter ; et cette évidence parfaite, dans bien des cas, ne s’assombrit jamais ; de là, pour ces convictions scient i fiques, une persévérance qui va de soi, un avenir assuré. Dans la foi la persévérance ne va pas toute seule, par une sorte de mécanisme fatal ; il y faut île bonnes dispositions morales qui se continuent, et de libres efforts. Voir col. 27 ! » sq. Ainsi la science aurait plus de fermeté que la foi. si par. fermeté on entendait la fermeté habituelle, que l’on nomme plutôt « constance, persévérance » : constance inébranlable dans la conviction, persévérance pour tout l’avenir. Mais il ne s’agit ici que de la fermeté actuelle, qui exclut le doute pour le présent, quoi qu’il en soit de l’avenir.

Notre thèse, en effet, ne regarde que la certitude

actuelle : comparant acte à acte, assentiment de foi à assentiment de science, elle prétend que le premier est plus certain, c’est ainsi qu’elle e. t comprise en gêné

rai par les théologiens. Pour la bien juger, il faut donc comparer entre eux ces deux assent iment s. du double

point de vue de l’Infaillibilité el d< la fermeté, éléments

essentiels d’un acte vraiment certain.

1. Comparaison quant d l’Infaillibilité. Si l’on

U dans son ensemble une seirnee humaine, une science qui se fait, on y trouverait des hypothi