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FOI


publique, voir col. 146, plus d’accroissement d’articles, et les articles de foi ne font plus que s’expliciter davantage. Voir Révélation. Une autre question préoccupait les scolastiques à propos de l’extension plus ou moins grande de l’objet matériel de la foi : c’était de savoir si, dans un syllogisme où seulement l’une des deux prémisses est une vérité de foi divine, la conclusion est elle-même une vérité de foi, un objet matériel de la foi ; si l’on peut dire que Dieu a eu l’intention de la révéler en révélant les prémisses de foi. Cette question particulière, difficile et controversée, et qui demanderait des précisions et des distinctions, n’est pas nécessaire pour l’ensemble de la théorie de la foi, et c’est pourquoi nous pouvons l’omettre, d’autant qu’elle se rattache à la question du développement du dogme, que l’on a coutume de traiter à part aujourd’hui. Voir cette question dans Mazzella, De virtutibus infusis, Rome, 1879, prop. xx, p. 243-268 ; Billot, De virtutibus infusis, 2e édit., Rome, 1905, thés, xii, xiii, p. 258-272 ; Pesch, Prwlecliones dogm., 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1910, t. viii, prop. xv, p. 118-126. Voir ici Explicite et implicite, t. v, col. 1869, 1870 ; Dogme, t. iv, col. 1576, 1577, 1641-1647. Voir, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, l’art. Dogme, col. 1144, 1145.

4° En quoi consiste, pour la foi, la souveraine appréciation de son objet. — C’est une propriété commune aux vertus théologales d’apprécier leur objet par-dessus tout, comme il le mérite, cet objet étant Dieu. Oh dit de l’acte de ces vertus, qu’il est apprelialive summus, qu’il adhère à Dieu super omnia, qu’il préfère Dieu à tout. Il y a une certaine ambiguïté dans le mot " préférer » : la préférence de l’esprit, et celle du cœur. Voir Espérance, t. v, col. 646 ; cf. col. 616. Il ne faudrait pas, sous prétexte que la foi est un acte intellectuel, s’arrêter à une préférence de l’esprit, à un jugement qu’on pourrait appeler « d’excellence » ou de « préférence » , par exemple : « L’autorité de Dieu comme témoin est plus infailliblement fiée au vrai que tout autre moyen de connaître ; les vérités révélées sont plus sûres que toutes nos vues personnelles et toutes les autorités humaines. » Nous n’avons garde de contester la vérité d’un pareil jugement, que nous avons nous-même prouvée plus haut, col. 331 sq., ni sa nécessité pour préparer les voies à la volonté : il doit être considéré comme faisant partie des « jugements de crédibilité » requis pour diriger la marche de la volonté dans la foi. Mais si l’on se bornait à ce jugement, l’acte de foi n’aurait pas tout ce qu’il lui faut pour être apprelialive summus, pour préférer à toute chose le Dieu véridique, comme c’est de l’essence de la foi d’après saint Thomas : De rationc fldei est, ut Veritas Prima omnibus præferatur. Sum. theol., IIa-IIæ , q. v, a. 4, ad 2° 1 ". Il faut y ajouter une préférence de la volonté, comme dans les autres vertus théologales. De même que la charité préfère l’amitié divine à tout ce qui peut la détruire en nous rendant ennemis de Dieu, c’est-à-dire est prête à sacrifier tout ce qui la détruirait ; de même que l’espérance préfère le bonheur ineffable, qu’au ciel on trouvera en Dieu, à tout autre bonheur qu’elle est prête à lui sacrifier, ne désespère pas d’y atteindre un jour et compte pour cela sur le secours divin plus que sur les forces de l’homme dont elle se délie, voir Espérance, col. 647, 648, de même, dans la foi, la volonté est prête à écarter l’intelligence de tout ce qui viendrait contredire la révélation divine, à le faire rejeter comme faux par le seul fait de l’opposition à cette révélation bien constatée. C’est non seulement, par un jugement, reconnaître en principe l’excellence de la parole de Dieu, mais encore la choisir en pratique comme le critère qui tranchera tous les conflits avec la prétendue science, comme la norme qui dominera tout dans notre intelligence, la grâce

aidant. Ainsi le super omnia se précise, et se ramène, dans l’ordre de la volonté et de la pratique, à super omnia contraria. Qu’on doive l’entendre ainsi, c’est ce qu’il est facile de montrer par les raisons et les autorités suivantes.

1. Quand un théologien fait la théorie de l’acte de foi, il ne doit pas la tirer a priori de son cerveau, mais il doit avant tout utiliser les éléments qui lui sont fournis par les documents positifs de la révélation et de l’Église. Or nous savons déjà, par ces documents, que tout fidèle doit avoir cette résolution générale, ce ferme propos, de préférer en cas de conflit les vérités révélées à tout ce qui pourra les contredire. Voir col. 329 sq. Une résolution générale est une disposition de la volonté, qui se prépare d’avance à faire toujours son devoir : et le devoir de la volonté, dans la foi, consiste à appliquer l’intelligence à ceci, à la détourner de cela, à supprimer les doutes imprudents en supprimant les sophismes déraisonnables, etc. Voilà donc un élément volontaire de la foi qui nous est fourni par les documents positifs ; il se rapporte évidemment, de sa nature, au super omnia, à la souveraine préférence que nous devons donner à l’objet de la foi : il faut donc s’en servir pour expliquer le super omnia. Si dans cette explication on le laissait de côté, on ferait œuvre, non pas de théologien, mais de constructeur de systèmes a priori.

2. Si l’on réduisait le super omnia, dans la foi, à un « jugement d’excellence » , le super omnia se rencontrerait même chez les hérétiques les plus coupables. Car, en général, ils reconnaissent théoriquement ce principe abstrait de l’excellence du témoignage divin, et des devoirs qui s’ensuivent. N’est-ce pas un principe évident de la raison, et que nul ne peut ignorer ? Voir Pie IX, encyclique Qui pluribus, Denzinger, n. 1637. Leur faute n’est pas de nier ce principe, mais de priver pratiquement du culte qui lui est dû l’autorité du Dieu qui révèle, en cherchant à se persuader que tel article qui leur déplaît (et qui, au fond, leur est suffisamment proposé comme révélé) n’est pas contenu de fait dans la révélation. Leur volonté mal disposée, influant à tort sur l’intelligence, ils préfèrent sur un point, à la parole de Dieu suffisamment constatée, leurs vues personnelles ou des autorités humaines ou des doutes imprudents et sophistiques. Et quand on en est là sur un point, comment dire sérieusement qu’on est prêt à sacrifier à la parole de Dieu tout ce qui lui est contraire ? Dans la disposition d’âme où ils sont, il est donc impossible qu’ils aient sérieusement cette résolution générale, que nous avons prouvée nécessaire à tout fidèle ; et par suite il est impossible de dire qu’ils préfèrent, dans toute la force du terme, la parole de Dieu, comme ils sont tenus de le faire, qu’ils en ont une appréciation souveraine, etc. Cette appréciation souveraine renferme donc plus qu’un jugement d’excellence.

3. Parmi les théologiens dont l’attention s’est portée sur ce super omnia et qui en ont donné l’explication (beaucoup ne l’ont pas fait), nous n’en trouvons point qui aient été assez intellectualistes pour le réduire a un simple jugement de l’intelligence ; et nous pouvons en citer plusieurs qui esquissent une explication conforme à celle que nous avons donnée. « Les vertus théologales, dit Sylvestre Maurus, sont celles par lesquelles l’intelligence et la volonté adhèrent à Dieu comme à la fin dernière et à la première règle… Mais adhérer ainsi à un motif, c’est le préférer à tous les motifs contraires. » Si, en effet, dans la foi, nous prenons la révélation comme règle de notre intelligence, par là même nous rejetons tout ce qui serait contraire à cette règle. « Par l’acte de foi théologale, conclut-il. telle est donc notre adhésion à la Première Vérité qui révèle, que nous la préférons à tous les motifs con-