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FOI


matière : mais c’est encore croire Dieu, c’est-à-dire ce que Dieu a révélé sur lui-même, principale partie de la révélation, à laquelle répond le principal devoir de la foi.

Saint Thomas dit la même chose de la révélation. "Voir col. 123. Il en tire cette conséquence : Fides… ipsum Deum habct sicut principale objectum, alia vero qusecumquc sicut conscquenter adjuncla. De verilale, q. xiv, a. 8. Il donne à cet objet principal la qualification d' « objet formel » . Sum. theol., II a 11-% q. vii, a. 1, ad 3um. Il joint synthétiquement les deux objets formels, quo et quod, dès le premier article où il commence à traiter de la foi. Ibid., q. i a. 1. Dès le début, il ne pouvait donner de la foi une idée plus caractéristique, plus spécifique, ni mieux montrer pourquoi c’est une vertu théologale. Avec saint Thomas, tous les théologiens detoutes les écoles sont ici d’accord. Calvin leur a cherché noise : « Quand on dispute de la foi aux écoles de théologie, écrit-il, en disant crûment que Dieu en est l’objet, ils égarent çà et là les pauvres âmes en spéculations volages… Saint Paul proteste qu’il n’a rien estimé digne d'être connu, que Jésus-Christ… (Les théologiens sorbonniques) ont couvert tant qu’ils ont pu Jésus -Christ d’un voile. » Institution, 1. III, c. il, n. 1, 2, dans le Corpus reformatorum, Calvini opéra, l. iv, p. 1<>, 11. Ce n’est pas « couvrir JésusChrist d’un voile » que de reconnaître Dieu comme objet suprême auquel tout se rapporte dans la révélation et dans la loi. Car enfin, ou Calvin prend ici Jésus-Christ comme Dieu, ou il le prend comme homme. Dans le premier cas, il revient à dire ce que nous disons, et la querelle est futile. Dans le second cas, il devra bien accorder que la révélation de l’humanité du Christ est subordonnée à celle de la divinité, qui reste l’objet suprême de notre connaissance et de notre amour. Jésus, parlant de la mission qu’il a reçue comme homme pour transmettre aux hommes de ses lèvres humaines la divine révélation, dit : « Mon Père…, j’ai consommé l'œuvre que vous m’avez donnée à faire… J’ai manifesté aux hommes votre nom » (votre nature divine, votre autorité suprême, etc.). Joa., xvii, 4, G. Voilà l’objet, sinon unique, du moins principal de la révélation faite par le Christ. Jamais d’ailleurs les théologiens catholiques n’ont contesté que la sainte humanité du Christ, après la divinité, soit au premier rang par rapport à tout le reste, qu’elle ait dans la révélation chrétienne, en ce sens, une primauté relative.

L’objet d’attribution de la foi, si on le considère dans le concret, c’est donc Dieu. Si on le considère dans l’abstrait, dans les énoncés qui nous disent quelque chose de Dieu, et qui sont aussi objet de foi, voir col. 129-131, alors la question se pose de nouveau. Ces nombreuses vérités sur Dieu que nous donne la révélation sont-elles toutes sur la même ligne ? Ou bien y a-t-il entre elles une subordination, une sorte de hiérarchie dans la pensée et l’intention divine, ce qui continuerait et pousserait jusqu’au bout l’ordre déjà constaté dans la révélation ? Cette seconde position est bien à présumer d’après ce qui précède. Elle se prouve d’ailleurs en désignant dans la révélation une catégorie de vérités qui domine, qui se subordonne les autres vérités sur Dieu : ce sont les mystères. Nous avons déjà distingué, parmi les vérités sur Dieu, deux catégories, l’une que saint Paul appelle quod nolum est Dei, l’autre qu’il appelle profunda Dei, les mystères. Voir col. 364. Or ce sont les mystères seuls qu’il indique comme objet de sa prédication, I Cor., ii, 7-10 : sans doute parce que c’en est l’objet principal. C’est parce qu’elle entrevoit déjà ces profondeurs mystérieuses que la foi, malgré son imperfection, a pu être appelée par plusieurs Pères et docteurs de l'Église une anticipation, un avant-goût de la vision béati fique. Voir col. 363. C’est bien la l’objet principal, puisque seul il donne à la foi chrétienne son rapport essentiel à la vision céleste. D’autres docteurs, dans cette célèbre définition de la foi : Fides est… argumentum non apparentium, Heb., xi, 1, entendent par non apparentium les mystères ; et non sans raison, car seuls les mystères ont cette propriété de rester « non apparents » , voilés, même après que la foi, leur servant de preuve, a donné la conviction de leur existence, suivant la remarque du concile du Vatican. Voir ccl. 358. Ainsi ce passage est-il entendu par saint Grégoire le Grand : Fides, dit-il, illarum rerum argumentum est, quse apparere non possunt. Homil. in evang., homil. xxvi, n. 8, P. L., t. lxxvi, col. 1202. Apparere non possunt est plus clair que non apparentium pour indiquer le mystère. Mais si la foi, quoiqu’elle atteigne d’autres objets que les mystères, voir col. 377, est définie comme si elle n’avait pas d’autre objet, c’est que le mystère est son objetprincipal, son objet d’attribution : on sait qu’une science, par exemple, se définit fort bien par son objet d’attribution. Saint Thomas entend de même l’expression scripturaire non apparentium : « La foi, dit-il, a pour objet les choses invisibles qui dépassent la raison humaine (les mystères) : c’est pourquoi l’apôtre dit (Heb., xi, 1) que la foi a pour objet les choses non apparentes. » Sum. theol., I a, q. xxxii, a. 1. Le saint docteur affirme très nettement la thèse que nous exposons ici, quand il dit : « Certaines vérités tombent sous la foi directement et par elles-mêmes, perse directe : ce sont celles qui dépassent la raison naturelle, comme la trinité, l’incarnation. D’autres tombent sous la foi en tant qu’elles sont subordonnées à celles-là, ordinatu ad isla, et qu’elles s’y rapportent d’une manière ou d’une autre : ainsi toutes les vérités révélées que contient l'Écriture. » Sum. theol., II" II*, q. viii, a. 2. Cf. q. i, a. 6. De là aussi très souvent, chez saint Thomas, les mots res fldei, ea quse sunt fldei, pour indiquer les mystères, comme si c'était l’unique objet de la foi, parce que c’en est l’objet d’attribution. Sum. theol., I » , q. xxxii, a. 1 ; II » II æ, q. i, a. 5, ad 2um ; In Boelium, etc. En cela il imite les Pères, qui, réservant le nom de « foi » (pris ici objectivement) aux principaux mystères de la religion, ont écrit des « traités de la foi » , des « expositions de la foi » qui ne sont pas autre chose qu’un exposé de la trinité, ou de la trinité et de la rédemption. Ainsi saint Athanase a composé une Exposition de la joi, P. G., t. xxv, col. 199 sq., saint Grégoire de Nysse un Traité de la joi, P. G., t. xlv, col. 135 sq., saint Ambroise le De fide ad Gratianum, P. L., t. xvi, col. 527. Outre les raisons déjà indiquées pour que le mystère soit l’objet principal de la foi, signalons-en quelques autres. La foi est plus liée au mystère, parce qu’elle lui est plus nécessaire : sans elle il ne peut être connu en aucune façon, tandis que d’autres vérités révélées ne sont pas inaccessibles à la raison. Voir S. Thomas, Quwst. disp., De verilale, q. xiv, a. 9. La révélation des mystères est doublement surnaturelle. Voir col. 358. Elle montre la familiarité d’un Dieu qui communique ses secrets. Marc, iv, 11 ; Joa., xv, 15. En croyant le mystère, la foi a un mérite spécial, elle triomphe de plus d’obstacles, elle rend plus d’honneur à Dieu : plus une chose est difficile à admettre, plus on honore le témoin sur la parole duquel on l’admet. En croyant le mystère, la foi fait briller davantage son efficacité, sa puissance. « Sa vertu, dit Scheeben, consiste précisément à rendre ce qui est invisible aussi certain que ce qui est visible. Heb., xi, 27. Plus un objet dépasse la sphère naturelle de l’homme, plus il est caché à son regard naturel, plus il offre d’occasions à la foi de manifester sa vertu intime… La foi est donc une connaissance transcendantale… Le mystère est son élément propre, et c’est