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notre expérience interne atteignait la surnaturalité, nous verrions une immense différence entre les deux ; mais elle ne l’atteint pas, et c’est pourquoi nous les confondons entre eux, et nous n’avons pas de signe suffisant qui nous dise quand notre acte procède de la vertu infuse de charité. — Ne pourrait-on pas trouver ce signe dans le plaisir que nous éprouvons à aimer Dieu, puisqu’un habilus, d’après Arist te, se trahit par la délectation avec laquelle il nous fait agir ? Non, répond encore saint Thomas. Deleclatio Ma quse in actn relinquitur ex caritate (la vertu infuse), potest etiam ex habitu aliquo acquisilo causari ; et ideo non est safficiens signum ad caritatem demonstrandam. Loc. cit., ad 2° m. Une habitude naturelle acquise par des actes naturels d’amour de Dieu peut donner la même facilité et le même plaisir à l’aimer que la vertu infuse de charité. Mais quand nous avons une grande charité pour nos frères, nous le voyons bien ! Saint Thomas répond toujours par la même distinction : Quamvis mens cerlissime cogno.scal dileclioncm qua diligil fratrem inquantum est dileclio, non tamen cerlissime novil eam esse caritatem, c’est-à-dire la vertu infuse de charité. Loc. cit., ad 3° m. Mais, poursuit l’adversaire, Aristote a dit qu’il nous est impossible d’avoir de très nobles habitus, et de les ignorer. Aristote ne connaissait que les habitus naturels. Et encore, dit saint Thomas, parle-t-il des habitudes intellectuelles parfaites, comme la science, qu’il est impossible d’ignorer quand on l’a, quilibet sciens scil se scire ; cela ne tire pas à conséquence pour tous les habitus. Loc. cit., ad 5° m. Si ailleurs saint Thomas met une différence entre la charité et la foi, ce n’est pas qu’il veuille qu’on voie la foi, en tant que surnaturelle, ce qui serait contraire à tous les principes qu’il vient d'établir. On lui fait cette objection : « La grâce (sanctifiante) est un don de Dieu comme la science (infuse). Or, quand on reçoit de Dieu la science, on sait qu’on l’a. Sap., vii, 17. On doit donc savoir aussi quand on a la grâce. » On aurait pu répondre que la science infuse, dont parle ici le Sage, peut se reconnaître même comme surnaturelle, parce que le miracle, le surnaturel quoad modum, tombe sous l’expérience, et qu’un ignorant soudain inondé de lumière et de science voit se passer en lui un fait qui dépasse les lois psychologiques et le cours naturel des choses ; tandis que le surnaturel bien plus sublime, mais plus mystérieux, qui est dans la grâce sanctifiante, ne tombe pas sous l’expérience. Le saint docteur, suivant le goût du temps, préfère une autre réponse plus philosophique et empruntée à Aristote, comme nous venons de le voir : « Il est essentiel à la science, dit-il, qu’on la constate en soi-même avec certitude. » Il n’en est pas ainsi des dons qui ne sont pas intellectuels, comme la grâce sanctifiante, la charité : on peut donc les avoir sans savoir qu’on les a. Et en ant, il rapproche de la science la foi, comme étant aussi d’ordre intellectuel : mais rien ne dit qu’il veuille qu’on la connaisse expérimentalement en tant que surnaturelle. Au contraire, le point de vue philosophique où il se maintient fait abstraction du surna turel ; et il dit simplement : De ratione scienlise est quod homo cerlitudinem habeat de lus quorum habrt scientiam ; et simililer de ratione fldei est quod homo sit certus de his quorum habet f’ulem. Sum. Iheol., II II q. cxii, a. 5, ad 2° m. De quoi l’homme estil certain, d’après lui De his quorum habet /idem. Sa certitude porte donc, non pas sur la surnaturalité de l’acte, mais sur les objets dont on a la foi. Seulement, on ne peut Mre certain d’un objet s ; ms avoir conscience qu’on en esi certain : Et ideo quicumque habet letentlam, uel ftdem, certus est habere. Loc. cit. L’existence en nous de la entitude, de la ferme adhésion à un objet, voilà que nous constatons expérimentalement i, loi i omme dans la icieni i l i ~ ; iint docteur ne

dit rien de plus. Notre interprétation de saint Augustin et de saint Thomas a été donnée par plusieurs graves théologiens, par exemple, les Salmanticenses, Cursus iheologicus, Paris, 1879, t. x, De gratia, disp. IX, n. 16, 17, p. 294-296.

Tout en reconnaissant que l’acte de foi ne tombe pas sous l’expérience en tant que surnaturel, le chanoine Didiot pense que nous pouvons du moins conclure par des raisonnements théologiques certains que tel acte de foi déterminé que nous faisons est surnaturel et par conséquent infaillible. Logique surnaturelle objective, Paris, 1892, p. 625-628. Voyons ces raisonnements. « Me refuser la grâce pour l’acte de foi serait me refuser l’accès au rédempteur, au moment même où je le réclamerais humblement et sincèrement. » Dieu ne peut faire cela. Loc. cit., p. 627 en note. Mais différer cette grâce à un autre moment, à un autre acte que je ferai plus tard, ce n’est pas me refuser l’accès au rédempteur. Quant à la prière « humble et sincère que l’on suppose faite alors à l’effet d’obtenir la grâce, elle n’a pas lieu dans tout acte de foi : et quand elle a lieu, suis-je certain d’avoir ces dispositions d’humilité et de sincérité, et toutes les conditions nécessaires de la prière, en particulier qu’elle soit surnaturelle ? L’auteur lui-même nous dit ensuite, pour les actes de la volonté : « Quand je fais ces actes, suis-je dans les conditions voulues pour recevoir la grâce et agir surnaturellement ? Je ne le sais pas certainement. » Loc. cit., p. 628 en note. Eh bien I la prière est un acte de volonté. De plus, l’acte de foi suppose toujours, comme condition nécessaire, un acte de volonté, et surnaturel. Voir col. 361. Si l’on nous accorde que nous ne pouvons connaître avec certitude la surnaturalité de nos actes de volonté, voilà donc l’acte de foi lui-même dont la surnaturalité retombe dans l’incertitude ; la théorie ne se tient pas. Mais, dit l’auteur, « ce serait aussi me refuser la possibilité de croire (à la révélation) comme Dieu ordonne pourtant que j’y croie, surnaturellement. Qui ne voit l’absurdité de telles suppositions ? » Loc. cit. — Réponse. — a) En admettant que la surnaturalité de l’acte tombe sous le précepte divin, si Dieu ne me donnait pas la grâce à tel moment, c’est que son précepte de faire un acte de foi n’urgerait pas pour ce moment-là : un précepte positif n’oblige pas de fait à chaque instant, pro semper. — b) On peut d’ailleurs nier que la surnaturalité de l’acte tombe en général sous le précepte. Même pour les actes des vertus théologales, Cajétan admet que le précepte divin peul être accompli par les actes de croire, d’espérer, d’aimer, lors même qu’ils se feraient d’une manière naturelle. et non par l’activité des vertus infuses : Omnia pru 1 ccpla virtutum theologalium… credere. sperare, diligere Deum… potest homo per sua naturalia quantum ad subslantiam operum adimplere, et non inquantum implentur ex spe et fide et caritate. Comment, in I*" Il q. cix, a. 4, n. 6, dans l'édition léonine de saint Thomas, Home, 1892, t. VII, p. 298. La >< substance de l'œuvre commandée, c’est de croire, d’espérer, d’aimer Dieu, selon les éléments qui tombent sous la conscience et qui dépendent de notre libre choix ; quan1 à croire, etc., par l’influence de la vertu infuse, cela in dépend pas de notre pouvoir et de notre choix, et n’est pas précisément l’objet du précepte. In acte même naturel suffit donc ; i nous mettre en règle avec notre devoir. Sans doute la fin du précepte, qui est de nous faire produire des actes s : ilut.iins et surnatu rels, ne serait pas alors obtenue pour lr moment ; mais de notre côté nous aurions suffisamment observé le précepte : finit pnirepli non eadit sub pnrerpio. Poui une doctrine semblable à celle de Cajétan, nous avons déjà cite les Salmantieensi s, col. 234, les l’eus dans

leui manière de proposa aux Qdèles le précepte d< la f..É. col 258, i' cardinal de Lugo, col. 260.