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rience, et qu’il serait contre l’expérience de supposer du miraculeux dans chacun des actes salutaires de foi qui doivent se faire couramment parmi les fidèles. Ainsi arrivons-nous à préciser ce que nous entendons, quand nous disons que l’acte de foi est surnaturel. On objectera peut-être : Vous suivez ici une marche inverse à l’ordre légitime de la connaissance humaine, qui est de connaître les facultés et les vertus par leurs actes, et non pas réciproquement. — Réponse. — Cet ordre est légitime en effet et s’impose, mais dans la connaissance expérimentale. Dans la connaissance théologique qui s’appuie sur la révélation et les documents positifs, on peut avoir de plus riches données BUT les vertus surnaturelles que sur les actes surnaturels, et aller ainsi de la vertu à l’acte comme du plus connu au moins connu, à certains égards ; et c’est ce que nous venons de faire.

D’autres détails sur le fonctionnement et l’activité de la vertu de foi ont été donnés plus haut, a) Si son rôle actif est avant tout de produire Varie de foi, elle peut avoir aussi un rôle secondaire par rapport à la crédibilité dont la constatation est exigée avant l’acte de foi ; et saint Thomas admet ce rôle additionnel. Nous avons expliqué son opinion, col. 210-215, et critiqué une certaine manière de la concevoir, col. 261 sq. A cette opinion se rapporte encore ce texte du saint docteur : Fides (la vertu), quantum in se est, ad omnia quse fidem (l’acte) concomitantur, vel sequuntur, vel præccdunt, sufficienter inclinai. In IV Senl., I. III, dist. XXIV, q. i, a. 2, sol. 2°. Quantum in se est, parce qu’il y a pour ces actes précédents et suivants d’autres conditions, qui peuvent manquer et faire obstacle. — b) La destruction de cette vertu se fait par le péché direct et formel contre la foi, le péché d’hérésie, et non par d’autres péchés qui n’attaquent la foi qu’indirectement, bien qu’ils puissent être mortels (imprudence, négligence, etc.). Voir col. 313-316.

3° Infaillibilité propre de la vertu infuse de foi et de son acte. - Cette propriété est de la plus haute importance, pour ce qui doit suivre, et c’est un point trop laissé de côté par les manuels. Nous verrons : 1. l’infaillibilité de la vertu ; 2. son invisibilité ; 3. l’infaillibilité de son acte.

1. Infaillibilité de. la vertu de foi. — Cette vertu infuse, en tant qu’elle produit l’assentiment de foi, est une « vertu intellectuelle » , un perfectionnement de l’intelligence. A ce titre elle doit être infaillible, c’està-dire exclure l’erreur, comme le remarque saint Thomas d’après Aristote. Sum. theol., II" II*, q. i, a. 3, snl contra, et ad l um. Mais si Aristote a dit cela, avec une vérité approximative, à propos des vertus intellectuelles (ou bonnes habitudes île l’esprit) qui appartiennent a l’ordre naturel, qu’aurait-il dit d’une vertu intellectuelle produite immédiatement par Dieu et appartenant à l’ordre surnaturel, s’il l’avait connue ? Les vertus infuses, appartenant à la nouvelle nature reçue dans la justification, ont une incomparable exccl lence. Celles qui, comme la charité, perfectionnent l ; i volonté, sont impeccables, comme on peut le déduire de ce texte de saint Jean : * Quiconque est né de Dieu ne commet point le péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher, parce qu’il est né de Dieu. » I Joa., iii, » . Saint Jean veut-il dire que le juste, fils de Dieu, est absolument impeccable ? Non : il lui reconnaît lui-même des péchés, triste fruit de la nature humaine. Ibid., i, H sq. ; ii, 1 sq. Il veut donc dire qui le juste est impeccable par sa nouvelle nature <|ui le rend lils <v Dieu, par cette « semence divine » qui demeure en lui, ri qui coin prend les vertus Infuses, principes surnaturels île sis nouvelles opérations. C’esl l’interprétation de saint Augustin : Per fuod fil a iumus, i" i ii' « peccare omnino non pouunuu… Inquantum limita heo (par les dons surnaturels qui

nous assimilent à Dieu), illinc peccare non possumus. De peccatorum meritis et remissione, 1. II, c. vii, viii, P. L., t. xliv, col. 157. Cum ergo peccat homo, non secundum carilalem, sed secundum cupidilalem peccat, secundum quam non est natus ex Deo. De gratia Christi, c. xxi, ibid., col. 371. Cf. Episl. ad Innocent., n. 17, P. L., t. xxxiii, col. 771. Or de même que les vertus infuses de la volonté sont ainsi impeccables, de même la foi, vertu infuse de l’intelligence, doit être infaillible : car si le péché est le mal de la volonté, l’erreur est le mal de l’intelligence ; et si la vertu infuse exclut le mal qui lui est opposé, celle de l’intelligence doit exclure le mal qui lui est opposé, c’est-à-dire l’erreur, ainsi que le remarque saint Thomas. Loc. cil. Aussi saint Jean lui-même dit-il explicitement de la vertu de foi, qu’il compare à une onction permanente, reçue de Dieu : Unclio ejus docel vos de omnibus, et verum est, et non est mendacium. Pas de mensonge, pas d’erreur possible, sur un point quelconque, de omnibus. I Joa., ii, 27. Citons encore cette définition de la vertu infuse, que les scolastiques ont tirée de divers endroits de saint Augustin : Est bona qualilas menlis, qua recle vivitur, qua nullus maie utitur, quam Dcus in nobis sine nobis opcratur. Saint Thomas l’explique, Sum. theol., Ia-IIæ, q. ly, a. 4. Qua nullus maie utitur : pour une vertu de la volonté, s’en mal servir, ce serait pécher par elle : pour une vertu de l’intelligence comme est la foi, s’en mal servir, ce serait se tromper par elle. Elle ne peut donc jamais concourir à l’erreur, pas plus que la charité ne peut concourir au péché. C’est du reste le minimum d’infaillibilité à lui donner, pour qu’elle dépasse la raison naturelle. Celle-ci doit avoir une certaine infaillibilité, àmoinsd’allerau scepticisme ; elle se sent infaillible dans ses actes parfaitement certains et bien contrôlés : infallibilis per se, fallibilis per accidens. Qu’aura de plus la vertu intellectuelle de foi, sinon d'éviter pour elle-même ces accidents, en sorte que, la raison se trompant, V habitas fldei la laissera se tromper toute seule, et par son excellence même ne pourra coopérer à l’acte erroné? C’est là le minimum qu’il faut bien lui accorder, disons-nous : car on pourrait concevoir une infaillibilité plus parfaite, un don surnaturel, qui non seulement ne coopérerait jamais luimême à l’erreur, mais encore, par sa présence et son action, bannirait absolument de l’intelligence toute erreur de quelque source qu’elle pût venir ; mais un tel don est réservé à la vie future. Les preuves que nous venons de donner étaient supposées par anticipation. quand nous avons dit que, si l’on propose à un enfant un faux article de foi, son adhésion sera purement naturelle, la vertu infuse de foi n’y pouvant concourir. Voir col. 234.

Les théologiens sont d’accord sur l’infaillibilité de la vertu infuse de foi. Contentons-nous de quelques grands noms, en commençant par le plus grand de

tous, saint Thomas, déjà dté dans sa Somme. Dans un opuscule, il parle de ce lumen quoddam, quod est habilus fidei, divinilus menti humante infusum ; et il fait cette déclaration très nette sur l’infaillibilité que possède cet habilus, par assimilation à l’infaillibilité de Dieu même : Lumen alitent fidei. quod est quasi sigillatio qusedam Primée Vcritalis in mente, non potest jallcre, sicut Deus non potest decipere vel mentiri. In Iloelium, de Trinitate, q. iii, a. 1, ad 4'"", édit. Vives, t. xxviii, p. 508. El pour faire ressortir par comparaison cette prérogative surnaturelle de V habilus. il tranche admirablement cette délicate question de

l’Infaillibilité mi de la faillibilité de la srience humaine, in admettant, d’une part, que la démonstration vraiment scientifique est Infaillible, mais en obint, d’autre paît, que nous prenons souvent poui démonstration ce qui ne l’est pas : [Demotutrattone) etil nunqiiam falttun concludatur, lamen fréquenter m