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l’apprécier plus équitablement qu’il ne l’a fait, peutêtre même en profiter, lui qui combattait tant avec le diable. Voir ses paroles, avec d’autres renseignements dans Bainvel, loc. cit., col. 42. Sur la foi du charbonnier, voir Hoffmann, Fides implicita, t. i, p. 212-220 ; t. iii, p. 44-63.

IX. Rapports de la foi et de la science chez le savant qui est un croyant.

Ce problème a été beaucoup agité au xixe siècle, et souvent mal résolu. Pour diminuer la longueur de cet article, nous renvoyons à plus tard la question dans toute son ampleur avec les documents ecclésiastiques qui la concernent, et la critique des divers systèmes. Voir Science. On peut consulter, entre autres études sur la question : Vacant, Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. ii, p. 234281 ; Didiot, Logique surnaturelle subjective, Paris, 1891, p. 275-318 ; et plus récemment Bainvel, art. Foi, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1911, col. 84-93, avec ses utiles indications bibliographiques. Nous nous bornerons ici à répondre le plus complètement possible à une objection courante et sans cesse renouvelée, qui se rattache d’ailleurs à la méthode d’Hermès et à la résolution de préférence précédemment traitées.

Objection des « idées préconçues ». — Si tout catholique doit croire fermement les dogmes de son Église, dont plusieurs peuvent s’opposer à des philosophies en vogue, à des thèses historiques qui tendent à prévaloir, à de grands courants de la pensée moderne ; s’il doit être prêt à persévérer dans cette foi jusqu'à la mort, et conséquemment à rejeter tout ce qui se trouve contredire les données de la révélation telles que l'Église les propose, il abordera les sciences, la philosophie, l’histoire, etc., avec des idées préconçues, ce qui enlèvera toute valeur à ses recherches et à ses conclusions. Il faut donc, ou bien condamner l’attachement définitif à un credo, les dogmes absolus et immuables, et s’en affranchir comme l’ont fait les protestants libéraux, et à leur exemple les modernistes, ou bien faire perdre toute valeur à la science des catholiques. Cette objection est très fréquente aujourd’hui dans les milieux libéraux, surtout en Allemagne. Voir Bainvel, loc. cit., col. 86. C’est sous l’impression déjà très vive de cette objection que Hermès imaginait sa méthode, et qu’en vue de faire de bonne besogne philosophique et théologique, il faisait table rase de toute idée précédemment acquise. Voir col. 282. C’est sous l’impression de la même objection que certains esprits, bien peu sensibles au besoin d’unité dans une seule et même intelligence, ont recouru au bizarre système de la « cloison étanche » entre leur science et leur loi, du maître Jacques » , qui, tantôt savant sans tenir compte de sa foi, tantôt croyant sans tenir compte de sa science, contredit comme savant ce qu’il affirme comme croyant. Voir la note 22 des théologiens du concile du Vatican, dans la Collectio lacensis, t. vii, col. 536. L’objection des idées préconçues embarrasse encore aujourd’hui (bien a tort !) plus d’un catholique : elle mérite donc qu’on y réponde avec soin.

Réponse. Nous montrerons : 1° que ceux mêmes qui nous font cette objection, et qui s’honorent, eux, de suivre le drapeau de la critique indépendante » en histoire, en exégèse, en philosophie, etc. ont aussi des idées préconçues, dont dépend leur critique, et qu’ils ont donc mauvaise grâce de faire aux catholiques un reproche qui retombe sur eux-mêmes ; 2° que les idées préconçue, si d’ailleurs on suit en général les méthodes scientifiques, ne détruisent pas la valeur d’un travail ; 3° que le travail scientifique exige même à sa base certaines idées préconçues ; 4° que les vérités révélées sont des idées préconçues de la plus hautes valeur, qui, au lieu de nuire au travail scientifique, doivent lui rendre de signalés services.

Ceux qui nous font cette objection ont eux-mêmes des idées préconçues.

Ou ce sont des protestants, ou des modernistes, ou des rationalistes non croyants.

1. Les protestants.

Sont-ils « orthodoxes » , tenant aux dogmes, du moins à quelques-uns, admettant que cette croyance doit être ferme et immuable, et anathématisant avec saint Paul quiconque, viendrait l’ébranler ? Ceux-là ont évidemment des idées préconçues du même genre que celles des catholiques. Sont-ils de l’espèce « libérale » et antidogmatique ? Renan leur disait que, si les catholiques sont l’oiseau en cage, les protestants libéraux sont l’oiseau avec un fil à la patte, plus libre en apparence qu’en réalité. Car ils veulent encore pouvoir se dire chrétiens, ils veulent garder un lien de fidélité qui les rattache au Christ plutôt qu'à tout autre qui viendrait fonder à sa place une religion nouvelle ; alors, avec Auguste Sabatier par exemple, « ils affirment, sans le moindre doute, que le christianisme est la religion idéale et parfaite, la religion définitive de l’humanité. » Esquisse…, p. 177. Nous catholiques, nous n’avons pas de peine à l’affirmer sans le moindre doute, et raisonnablement, nous qui savons par la révélation surnaturelle, bien prouvée d’ailleurs, qu’il n’y aura plus jusqu'à la fin des temps d’autre religion révélée, que le Verbe incarné et rédempteur est le point culminant de l’humanité. Mais eux, qui rejettent la révélation surnaturelle et ses preuves, eux qui ne voient en Jésus qu’un homme plus pieux qu’un autre et d’une conscience plus unie à Dieu, ayant eu d’ailleurs, selon eux, de nombreuses erreurs, comme de croire aux miracles, aux anges et aux démons, à son second avènement ou « parousie » , à l’enfer et à la résurrection des morts, aux conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté, etc., sur quoi peuvent-ils baser leur affirmation péremptoire, que sa religion est la religion « idéale, parfaite et définitive de l’humanité. » Un homme ne peut-il être dépassé par un autre homme, qui, grâce à des qualités d’esprit et de cœur encore plus exceptionnelles, grâce au progrès des idées et de l'éducation (ces libéraux sont pour le progrès en tout) arrive à fonder une religion plus parfaite et plus adaptée aux temps nouveaux ? Leur affirmation, ils la basent, disent-ils, sur leur expérience religieuse : « Ils sentent que leur besoin religieux est entièrement satisfait, que (par le contact avec l’expérience religieuse de Jésus) Dieu est entré avec eux et qu’ils sont entrés avec lui en une relation si intime et si heureuse, qu’au dessus d’elle et au delà, en fait de religion pratique, non seulement ils n’imaginent rien, mais encore ils ne désirent rien. » Loc. cit., p. 176. Fort bien ; mais l’expérience ne porte que sur le présent. Oui donc leur dit, à eux qui ne reconnaissent pas de dogme absolu, que dans l’avenir un autre homme ne viendra pas, et une autre religion, qui satisfera mieux la conscience religieuse de l’humanité ? C’est l’objection de Strauss : « L’idée ne verse pas toute sa richesse dans un seul individu. L’absolu ne tombe pas dans l’histoire. Il est contre toutes les analogies, que la plénitude de la perfection se rencontre au début d’une évolution quelconque ; ceux qui la mettent à l’origine du christianisme sont victimes de la même illusion que les anciens, qui plaçaient l'âge d’or au début de l’histoire humaine. » L’objection est insoluble en dehors du surnaturel. Que répond Sabatier à Strauss ? « Il importe, dit-il, de faire ici une distinction essentielle. Il faut distinguer entre la quantité et la qualité, ou mieux, l’intensité de l'être… C’est le propre de tout ce qui se compte ou se mesure (la quantité), de ne pouvoir être conçu, sans qu’aussitôt l’esprit conçoive quelque chose de plut grand. » Loc. cit., p. 181. Mais pour « la qualité ou l’intensité, » n’est-ce pas la