Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/180

Cette page n’a pas encore été corrigée
345
346
FOI


l'Évangile que bien peu, et quasi rien… Il appert de ces témoignages (de l'Évangile) que ceux mêmes qui ne sont point encore abreuvés des premiers éléments, moyennant qu’ils soient enclins et duits à obéir à Dieu, sont nommés fidèles, non pas proprement, mais d’autant que Dieu par sa libéralité fait cet honneur à leur affection. » Loc. cit., n. 5, col. 13, 14. Ils sont « enclins » à recevoir tous les cléments de la révélation, toute la « doctrine de l'Évangile. » Cette « affection » n’est pas encore la foi, mais c’est « une préparation » nécessaire à la foi. Du reste, s’ils croient que Jésus est « le rédempteur promis, » n’est-ce pas déjà un article de foi ? Et la « fo' implicite » n’est-elle pas, par ce côté-là, explicite sinon complète, et acte de foi au sens propre ? Somme toute, Calvin nous accorde ici l’essentiel de ce que nous demandons pour la foi implicite. Comme s’il s’apercevait qu’il a beaucoup accordé : « Au reste, ajoute-t-il aussitôt, une telle docilité avec désir d’apprendre est bien diverse de cette lourde ignorance, en laquelle croupissent et sont endormis ceux qui se contentent de leur foi implicite, telle que les papistes imaginent ; ceux qui, de propos délibéré appètent de ne rien savoir. » Loc. cit. Mauvaise querelle : les papistes enseignent au contraire qu’il faut venir au catéchisme, connaître sa religion en détail, et même entretenir ensuite et perfectionner ce que l’on en sait, dans la mesure du possible ; le tout sous peine de négligence grave. Sur la foi implicite, voir Didiot, Logique surnaturelle objective, Paris, 1892, p. G37-641 ; Bainvel, art. Foi, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1911, col. 42-44.

c) Les protestants modernes et la foi implicite. — Certains protestants semblent avoir voulu se contenter de la foi implicite, d’après ce passage d’un protestant conservateur, Hodge, qui les réfute : « On a prétendu que croire simplement que la Bible est la parole de Dieu, c’est croire tout ce que la Bible enseigne, au sens propre du mot croire, lors même qu’on ignore beaucoup de ses enseignements. Mais ce n’est pas exact. L’homme qui croit ainsi à la Bible est prêt à croire sur son autorité tout ce qu’elle déclare vrai : mais, à proprement parler, il ne croit de son contenu que ce qu’il connaît… Cette disposition à croire tout ce que la 1 tible enseigne, dès que nous saurons qu’elle l’enseigne, peut s’appeler une foi implicite, niais ce n’est pas une foi réelle. Elle n’en a ni les traits caractéristiques ni le pouvoir. » Syslemalic theology, Londres, 1874, t. iii, c. xvi, p. 85. Ces idées sont justes. Mais il fallait bien terminer par le couplet obligé contre nous ; aussi l’auteur ajoute-t-il, dans la meilleure manière de Calvin, qu’au dire de l'Église de Rome, « un homme qui n’a aucune idée de ce que signifie le mot sacrement a suffisamment la foi pourvu qu’il croie qu’il y a sept sacrements ; que - la vraie foi est regardée comme compatible avec une ignorance absolue ; qu’un homme peut être un vrai chrétien, s’il se soumet à l'Église, bien que, dans ses convictions intérieures, il soit un panthéiste ou un païen. » A cette apothéose de l’ignorance religieuse Hodge attribue des pratiques de l'Église ayant une tout autre origine : la Bible qui nY l pas mise entre les mains de tout le monde ; lu liturgie eu latin ; le symbolisme des cérémonies ; la réserve des prédicateurs. > C’est assez de frapper l’imagination. La vérité doil être cachée (par le prédicateur). On montre une croix au peuple, mais il n’est pas nécessaire de im enseignei la doctrine du sacrifice pour le péché… On convertit les païens non par la vérité, non par un cours d’instructions, mais par le baptêmi On les fait chrétiens par milliers… en n’exigeant que la simple soumission a l'Église et à ses i i 1 | De la vient que les missions catholiques, bien que continuées

parfois plus de cent ans, n’ont pas d’emprise sur les

peuples mais presque toujours disparaissent dés

qu’on empêche l’arrivée des prédicateurs étrangers. » Loc. cit., p. 86-88. Voilà un tableau fidèle de la doctrine et de la pratique de l'Église ! L’auteur a oublié de nous dire si les enfants et la plupart des adultes, chez les protestants, connaissent beaucoup de vérités révélées et comprennent bien les formules du catéchisme protestant, ou les obscurités de leur bible ; si, pour enfler la statistique des conversions, dans les missions protestantes, on ne porte pas comme « agrégés » des gens qui ont simplement accepté le don matériel d’une bible ; si les nègres baptisés par les ministres sont de grands clercs ; si les missions protestantes où les indigènes sont persécutés et ne reçoivent pas de secours du dehors, ne disparaissent pas, et un peu plus vite que les nôtres.

Que l’orlhodoxisme protestant se fasse, contre les catholiques, le champion de l’intellectualisme dans la foi, cela se comprend encore. Mais que des protestants anti-intellectualistes continuent les mêmes attaques, c’est plus piquant. Il faut vraiment que le protestantisme soit tenace dans ses préjugés et dans ses vieilles traditions de polémique, pour que l’on voie de nos jours jusqu'à des protestants libéraux et « symbolofidéistes » nous reprocher cette malheureuse « foi implicite » des simples, comme ne donnant pas assez à la connaissance des dogmes et à la foi en tant qu’intellectuelle. Voici comment Aug. Sabatier présente au public notre notion de la foi et du dogme : « La foi catholique, par la force même des choses, tend à devenir une foi implicite. Sans aucun doute, on demande aux fidèles d’apprendre les principales doctrines de la religion, c’est-à-dire de mettre quelque chose sous l’autorité à laquelle ils se soumettent sans condition ni réserve ; mais la foi implicite a toujours la vertu de suppléer ce qui manque à la foi expresse et pleine. » Esquisse d’une philosophie de la religion, 1897, p. 283. C’est le contraire de la vérité : d’après les théologiens catholiques, la foi implicite n’a pas la vertu de suppléer la croyance distincte des vérités principales, dont la connaissance et la foi explicite sont nécessaires de nécessité de précepte ou de nécessité de moyen. Par exemple, d’après une déclaration d’Innocent XI, on n’a pasledroitderegarder quelqu’un comme capable de recevoir l’absolution, quelque grande que soit sou ignorance des mystères de la foi, et dans le cas même où, par sa négligence, même coupable, il irait jusqu'à ignorer les mystères de la trinité et de l’incarnation. 64e proposition condamnée, Denzingcr, n. 1211. Mais revenons à Sabatier : « On a donc, conclut-il, justement nommé la foi catholique, en ce qui regarde la doctrine, un blanc-seing donné par le fidèle à la hiérarchie. Ce que je dois croire, je l’ignore par moi-même ; mais mon curé, mon évêque et le pape le savent pour moi. Cela suffit. Malheureusement, le caractère d’un blanc-seing, c’est d'être une page blanche. Cette manière de croire ressemble dès lors beaucoup à Vabsencc même d’une foi personnelle. C’est une façon de proclamer que le fond de la doctrine est Indifférent a la vie religieuse. » Loc. cil. Le beau zèle pour la doctrine ! Sabatier, au lieu d’attaquer les catholiques, aurait pu faire ici son mea culpa, lui qui a écrit : « Qu’est ce que la foi ? Kst-cc une adhésion intellectuelle à des dogmes ?… Non. iVoir col. * » 1 ; cf. col. 77. Il aurait pu aussi retourner son Zèle contre sou ami MénégOZ, qui établit comme principe fondamental i le salut par la foi (entende/, le don du coeur a Dieu. s ; ms savoir ce qu’on

entend par le mot Dieu) indépendamment des engonces. » Voir col. 17 t. Voilà certes « des pages blanches i »

Voilà qui est pi "clamer que « le fond de la doctrine

est Indifférent -i la vie religieusi I I I une foi aussi « implicite, ce n’est pas seulement aux esprits les plus lents et lis plui bornés quon la permet, on la vante aux plus perspicai