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que cette révélation naturelle et improprement dite, plus vague, plus livrée aux subtilités de la raison individuelle qui est son seul interprète, ne sera jamais aussi nettement opposée à nos mauvaises tendances, aussi rigoureusement inflexible. Les jugements publics et solennels de Dieu par la révélation surnaturelle du Décalogueet de l'Évangile, ceux de l'Église qui explique et applique cette révélation et tranche certains cas de conscience, ne peuvent être déformés ni transformés aussi facilement que nos vues privées, si brumeuses et si ondoyantes, si souvent mises à la réforme sous un prétexte ou sous un autre. A ces grandes autorités nous pouvons et nous devons nous en rapporter tout à fait, sans examiner les raisons intrinsèques, sans entrer en discussion avec la passion qui nous tente, et avec laquelle il faut couper court si l’on ne veut pas être vaincu. Cf. Nieremberg, Le prix de la grâce, trad. franc., Paris, 1880. t. il, part. V, c. x, p. 399 sq. Dirat-on encore que ce quelque chose d’extérieur et de supérieur, auquel notre conscience a besoin de s’appuyer, peut se trouver suffisamment dans les principes moraux généralement reçus, dans le verdict de l’opinion, de la coutume, de la société dont nous faisons partie ? Mais souvent l’opinion et la coutume ont leurs variations ou leurs préjugés : le duel, par exemple, largement approuvé en certains pays et depuis des siècles en vertu d’une conception spéciale de l’honneur, est-il également approuvé par la saine raison ? D’autre part, le monde n’a pas un fondement solide de sa morale, ni des solutions bien nettes et atteignant une foule de cas. Et l’opinion de nos égaux peut-elle s’imposer à nous avec autant d’autorité que les jugements de Dieu et de l'Église ?

M. Paul Bourget a exprimé d’une manière très vivante le peu de secours qu’une âme, dans une crise terrible de conscience, trouve en dehors de la révélation, soit dans l’opinion générale et la coutume, soit dans les principes abstraits d’une morale toute philosophique, soit dans l’exercice personnel de sa raison. Il met en scène une jeune fille qui, malgré sa conscience, envisage le crime d’avortement comme moyen de cacher sa faute. « Une obligation ? Mais, pour s’y soumettre, il s’agit d’y croire. Au nom de quoi Julie aurait-elle cru a celle-ci, à ce devoir d’une femme qui va être mère, de préserver à tout prix la vie de son enfant ? « Sans doute, c’est une idée universellement

reçue. Et après, si elle ne l’est pas par moi ? » Elle avait trop entendu son père exalter l’esprit critique, le libre examen… autanl dire le caprice et l’anarchie… La fille du jacobin y avait contracté cette habitude de se prouver l’indépendance de sa pensée par un mépris systématique des conventions. Dans ces instants d’une crise tragique de conscience, c'était cette fatale manie de révolte contre les préjugés qu’elle retrouvait à son service, et tout n’est-il pas préjugé quand on veut tout réduire à sa propre logique ? Comme éléments de résistance, en dehors de l’indestructible instinct qui veut que l’amour maternel s'éveille dans le cœur de la femme avant même qu’elle ait conçu, que rencontrait II' ' Rien que ces vides et inefficaces principes sans Justification supérieure, par lesquels les laïcisateurs Insensés d’aujourd’hui prétendent remplacer le Dieu vivant et aimant, le Père céleste, auteur de tout ordre et de toute loi, dont les commandements révélés n’admettent pas li discussion, qui récompense et qui punit, que l’on prie et qui soutient, envers qui l’on se repent et qui pardonne. Pour Julie, (prêtait ce Dieu, dont son père ne lui avait Jamais prononcé le nom durant son enfance, pai rupule ' Et, quand il lui en avait parlé, ('avait été dans le style « le Kant… Le Dieu qu’il avait olîert au besoin religieux de su fille et de ses fll.

it ilé le. postulat de l : i liaison pratique,

un mental de la Justice immanente, « la « Catégorie de l’Idéal, » toutes conceptions éminemment philosophiques, admirablement dégagées de la souillure des superstitions. Que valent ces quintessences et ces fumées, quand il faut agir et se décider, quand le cœur en détresse a besoin d’un secours qui vienne d’en haut, d’une certitude à laquelle on veut s’attacher pour n’en plus bouger ? » L'étape, c. x, dans la Revue des deux mondes du 15 avril 191>2. p. 845.

2e avantage. — La voie extrinsèque d’une révélation proposée infailliblement par l'Église réduit à un minimum l’enquête nécessaire de la raison faillible, ce qui diminue d’autant les chances d’erreurs. Il est évidemment plus facile de faire sans erreur une seule enquête que cent enquêtes différentes. Or il suffit d’avoir constaté une fois pour toute la mission du Christ et celle de l'Église, pour avoir ensuite par l'Église, sans longues recherches, la liste exacte des nombreux dogmes proposés ensemble à notre foi. Chacun des dogmes n’a pas besoin d’une preuve spéciale tirée du fond de la question : c’est assez qu’il soit inclus, comme tous les autres, dans la preuve générale que nous venons de rappeler. Par le canal d’une Église infaillible une fois reconnue, nous pouvons presque aussi facilement recevoir cent dogmes qu’un seul. Sans doute, il y aura à saisir le sens des cent énoncés, c’est plus long que pour un seul ; mais quant à la preuve, elle est la même pour cent que pour un ; et si l’on se fait une fois à soi-même cette preuve, de manière à arriver à une certitude ferme et bien contrôlée, on tiendra avec la même certitude les cent dogmes ayant tous la même origine et la même garantie. Au contraire, la voie de la démonstration intrinsèque, la voie de la philosophie et des sciences, la voie des vues personnelles et quasi scientifiques suppose pour chaque théorème un raisonnement tout spécial ; la preuve est entièrement a recommencer pour chaque point ; et l’on sait si, dans l’ordre moral et religieux, les questions sont nombreuses et difficiles ; que de chances d’erreurs compensent donc les chances de vérité 1

De plus, la voie de la révélation proposée par l'Église nous donne un catalogue exact de vérités principales et certainement révélées, ayant toutes la même origine sûre ; on peut aussi dresser la liste de beaucoup d’autres vérités liées à celles-là comme des conclusions certaines, ou que l'Église nous propose infailliblement parce qu’elles sont nécessaires à la garde du dépôt de la révélation, ou qu’elle laisse enseigner communément par les théologiens placés sous sa surveillance ; tout cela est sûr, et nettement distingué des thèses controversées dans l'Église, des probabilités, des hypothèses théologiques qui gardent des chances d’erreur. On sait ce qui est certain, et ce qui ne l’est pas. Au contraire, l’ensemble des vues personnelles d’un homme est loin d’avoir cette précision dans le discernement et la classification des divers éléments au point de vue de leur valeur. Laissant même de côté ce qu’il considère lui-même comme douteux, comme seulement probable, si nous prenons exclusivement ce qu’il regarde comme certain, ce qui a acquis droit de cité parmi ses convictions, ce qui est devenu pour lui principe dirigeant, sans doute dans cet ensemble, il y a des points d’une évidence assez facile à constater, mais combien d’autres auraient de la peine.i justifier leurs titres ! Chacun, en avançant dans la vie.

se fait son trésor personnel de pi Lndpes, de jugements sur les hommes et les choses, de méthodes de penser. de règles de conduite morale comme de règles d’hygiène. Mais qui peut vérifier l’origine première de chacun de ces Jugements dès longtemps acceptés, et toi pat l’habitude ? L’origine en est très diverse et de

valeur tics Inégale. Tantôt ce scia une expérience.

mais peut être Incomplètement faite, ou trop gér Usée ; tantôt un passage d’un livre, d’un journal, qui