Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 6.djvu/173

Cette page n’a pas encore été corrigée
331
33
FOI

-2

tement la vérité de la foi (la vérité révélée) on portant do l’autorité des Écritures divines : en sorte que, s’il faut ensuite lire ou connaître quelque chose des livres humains, toul cela soit discerné et jugé (dijudicelw) d’après l’autorité divine et la vérité de la foi, en vue d’admettre sans danger ce qui n’est pas trouvé en désaccord avec cette voix qui sert de règle, et de rejeter comme donnant la morl (morliferum) tout ce qui rend une note dissonante. » Adversus Joan. Scolum, c. xviii, P. L., t. exix, col. 231. Saint Anselme exprime en deux mots très nets cette disposition d’esprit et de volonté : « S’il m’arrive de dire quelque chose qui soit en contradiction indubitable avec la sainte Écriture, je suis certain d’avance que c’est faux ; et dès que je me serai aperçu (de cette contradiction), je veux ne plus le maintenir. » ('.tir Deus liomo, 1. I, c. xviii, P. 7.., t. clviii, col. 388.

A ce docteur de l'Église, ajoutons-en deux autres. Saint Thomas : « Il est de l’essence de la foi que la Vérité première soit préférée à tout. » Sum. theol., II » II æ, q. v, a. 4, ad 2, , m. Les fidèles « comprennent qu’il ne faut en aucune manière dévier (des vérités de foi qu’on leur a proposées), » q. viii, a. 4, ad 2° m. Saint François de Sales fait ainsi parler la foi, la foi au sens objectif, c’est-à-dire la révélation divine : « Ne faut-il pas qu’en effet je sois infiniment aimable, puisque les sombres ténèbres et les épais brouillards entre lesquels je suis, non pas vue, mais seulement entrevue, ne me peuvent empêcher d'être si agréable, que l’esprit, me chérissant sur tout, fendant la presse de toutes autres connaissances, il me fait faire place et me reçoit comme sa reine, dans le trône le plus relevé qui soit en son palais, d’où je donne la loi à toute science et assujettis tout discours et tout sentiment humain ? Oui vraiment, Théotime, tout ainsi que les chefs de l’armée d’Israël, se dépouillant de leurs vêtements, les mirent ensemble et en firent comme un trône royal sur lequel ils assirent Jéhu, criant : Jéhu est roi, de même, à l’arrivée de la foi, l’esprit se dépouille de tous discours et arguments, et les soumettant à la foi, il la fait asseoir sur iceux, la reconnaissant comme reine, et crie avec une grande joie : Vive la foi I » Traite de l’amour de Dieu, 1. II, c. xiv, Œuvres, Annecy, 1894, t. iv, p. 134.

c/) Documents ecclésiastiques. — L'Église, dans des professions de foi, a imposé cette résolution explicite de persévérer dans « une foi entière et immaculée jusqu’au dernier soupir, » ce qui revient à rejeter toute opinion qui entamerait l’intégrité de cette foi, qui ferait une tache à cette virginale blancheur. Voir la conclusion de la Professio fidei tridentina, Denzinger, n. 1000.

2. Cette résolution est-elle subjectivement prudente et objectivement raisonnable ? — Elle est subjectivement prudente : puisque le catholique, s’ilfait son devoir pour garder sa foi, aura toujours les moyens d’y persévérer, par exemple, les motifs de crédibilité nécessaires pour constater le témoignage divin, il peut donc prudemment, au point de vue subjectif, prendre la résolution d’y persévérer toujours, et, pour cela, de rejeter tout ce qui sera contraire. Elle est objectivement raisonnable. Le témoignage divin est de tous nos moyens de connaître le plus intimement et le plus infailliblement lié au vrai. Dieu est la Vérité même, « la première Vérité, » comme dit saint Thomas. Il est métaphysiquement impossible que la science infinie ignore quelque chose ou se trompe, que la sainteté et la véracité infinie profère jamais un mensonge. Au contraire, les autorités purement humaines sont faillibles, l’homme peut errer, il peut mentir : témoignage pour témoignage, quoi de plus raisonnable que de préférer, en cas de conflit, le témoignage de Dieu à celui d’un homme quelconque, et même des plus grands savants, des

plus célèbres historiens, et de persévérer sans aucun doute dans la foi divine qu’ils attaqueraient ? Si lestimonium Imminum accipimus, ieslimonium Dei majus est. I Joa., v, 9. Et s’il s’agit, non pas du témoignage des autres hommes, mais de nos spéculations personnelles, philosophiques ou scientifiques, noire propre raison ne nous a-t-elle point parfois trompés, et même, sous l’influence de passions déréglées, ne cherche-t-elle point parfois à se tromper elle-même, a se faire illusion ? Quoi donc de plus juste que de préférer à nos vues personnelles le témoignage de Dieu, et de persévérer à croire ce qu’il dit, en dépit de nos idées contrains ? Mais est-il juste, dira-t-on peut-être, de préférer la connaissance extrinsèque, basée sur un témoignage, à la connaissance intrinsèque, qui pénètre les choses plus personnellement, plus directement, et qui satisfait davantage l’esprit ? La réponse à cette question dépend de la compétence relative du témoin par l’apport à celui qui l'écoute. « Toutes choses égales d’ailleurs, dit saint Thomas, voir est plus certain qu’entendre dire. Mais si le témoin qu’on entend surpasse de beaucoup les vues qu’on peut avoir par soi-même, alors entendre est plus certain que voir (la connaissance indirecte, par ouï-dire, est plus sûre que la connaissance directe). Ainsi, un homme de peu de science est plus certain de ce qu’il entend dire à un savant, que de ce qui lui semble vrai d’après sa propre raison. » Sum. theol., II a IL 1 -, q. iv, a. 8, ad 2° m. Que de gens, d’après leurs propres lumières, jugeraient immobile la terre où ils sont paisiblement assis, lesquels admettent, sur la simple autorité des savants, que cette terre fend les espaces avec une vitesse bien plus grande que celle d’un boulet de canon ! Et ils n’ont pas tort de préférer l’autorité des savants à leurs vues contraires. Or, qui pourrait refuser à Dieu de se connaître luimême, et ses divines volontés, et toutes les autres choses qu’il nous révèle, infiniment mieux quenous ne pouvons connaître tout cela avec nos vues personnelles ? Saint Thomas a donc raison de conclure : « L’homme est beaucoup plus certain de ce qu’il apprend de Dieu, qui ne peut se tromper, que de ce qu’il voit par sa propre raison, qui peut se tromper. » Loc. cit. Cf. q. i, a. 3. Telle est la considération fondamentale et classique, qui justifie objectivement la résolution de persévérer toujours dans la foi, et de préférer la révélation divine à tout ce qui pourra la contredire. On la trouve dans les documents ecclésiastiques :

Cum huniana mens corL’esprit humain, circon tis finibus iisque satis anscrit dans des limites déter gustis conclusa teneatur, minées et même assez étroi pluribus erroribus et multes, est exposé à de nom tarum rerum ignorationi est breuses erreurs et à igno obnoxia. Contra fides chrirer bien des choses. Au con stiana, cum Dei auctoritate traire, la foi chrétienne,

nitatur, certissima est veriappuyée qu’elle est sur

tatis magistra. Léon XIII, l’autorité de Dieu, est une

encyclique JElemi Patris, maîtresse très sûredevérité.

1879, dans Lettres apostoOp. cit., p. 55. liques de Léon XIII, édit. de la Bonne Presse avec trad. franc., Paris, s. d., t. i, p. 54.

Par notre résolution de préférer la foi chrétienne à tout ce qui peut la contredire, nous nous attachons donc pour toujours à l’Infaillible, à la Vérité même : et comme le vrai ne peut contredire le vrai, tout ce qui contredira la révélation divine sera jugé et condamné par le fait même, et cela raisonnablement. Nous sommes donc décidés à le rejeter aussitôt, lors même que nous n’avons pas la capacité de le réfuter directement, ou que nous n’en avons pas encore le loisir. Mais ici de graves difficultés se présentent, qui demandent un examen approfondi ; leur solution, nécessairement un peu longue pour être vraiment complète, achèvera