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lois le moindre doute ? Non ; mais il se mit à chercher une cause, une explication savante qui conciliât ce fait singulier avec la vérité intangible de ces lois. L'étudiant aurait pu lui en épargner la peine par l’aveu de sa supercherie : s’apercevant que la houle pouvait tourner sur elle-même, il avait, un instant avant le passage d’Arago, fait faire demi-tour à la partie échauffée par le soleil. Comme il y a de mauvais plaisants, il y a aussi des sophistes, et des gens qui truquent l’histoire ; et le catholique peu instruit, entendant alléguer contre sa religion des raisonnements et de prétendus faits, n’est pas obligé de les prendre aussitôt comme argent comptant. Il peut bien, sans faire tort à personne, prendre le temps d’examiner, de consulter. Et notons que cet examen, cette consultation, n’implique pas forcément de sa part le doute réel. S’il existe un « examen dubitatif » , il y a aussi un « examen confirmatif » , où l’on se propose simplement de mettre dans tout son jour une vérité dont on est persuadé, de bien réfuter ceux qui l’attaquent et que l’on regarde comme des gens qui se trompent ; où l’on est prêt à garder en toute hypothèse sa certitude première, soit qu’on réussisse ou qu’on ne réussisse pas à trouver la solution directe et triomphante. Sur ces deux sortes d’attitudes de l’esprit dans l’examen et la recherche, voir Franzelin, De tradilione. 2e édit., Rome, 1875, th. xviii, coroll. 2, en note, p. 229 ; Mazzella, De virtalibus infusis, Rome, 1879, n. 1061, 1076, p. 599, 609. Donc, en face de l’objection qu’il ne peut résoudre directement, le catholique peu instruit, mais convaincu et bien disposé, se dira : Ce n’est pas étonnant de ma part : d’autres plus savants répondraient sans peine ; et s’il consulte pour savoir la réponse à donner, ce sera sans aucun ébranlement de sa certitude acquise. — Ceux qui s’imaginent que tout homme, à la première objection qu’il rencontre, vient à douter de ce qu’il croyait, confondent deux états d’esprit fort différents : l’opinion chancelante, et la ferme conviction. Dans le premier état, comme l’explique bien le carme Dominique de la SainteTrinité, « nous inclinons dans un sens, mais non sans garder une certaine crainte de la vérité du contraire (ce sont les paroles mêmes de saint Thomas) ; et cette crainte nous dispose à écouter les preuves qui peuvent nous faire revenir de notre premier jugement et nous retourner dans l’autre sens. C’est comme quelqu’un qui a choisi un des deux chemins qui s’offraient à lui, mais en gardant sur ce chemin un certain doute : il s’avance timide, prêt à s’arrêter ou à changer de route au premier cri, au premier avertissement sérieux… Au contraire, qui est certain d'être en bonne voie continue joyeux et sûr, et ne veut pas même écouter le rappel qui tenterait de l’en faire revenir. » Bibliotheca theologica, Rome, 1666, t. i, p. 143. On peut comparer l'état d’opinion à celui d’un homme suspendu par les bras à une corde qui pend ; la moindre impulsion suffit à le mettre en mouvement. Au contraire l'état de certitude, c’est la situation d’un homme adhérant au sol, bien campé sur ses deux pieds, attendant l’ennemi de pied ferme, et difficile à déplacer. Aussi Newman alfirmc-t-il qu’une certaine « intolérance » caractérise la certitude, intolérance non pas toujours envers les adversaires de nos convictions, mais envers les assertions contraires. « Celui-là, dit-il, n’est pas vraiment certain, dont l’esprit, à la première suggestion, ne repousse pas spontanément et vite, comme vaine, impertinente et sophistique, toute objection à rencontre de ce qu’il tient pour vrai. Celui-là n’est pas certain, qui peut endurer la pensée de l’aflirmation contradictoire… Qu’on dise, si l’on veut, qu’un homme ne devrait pas en tel cas part iculier, ou même en général, avoir une conviction si profonde ; qu’il a tort de traiter avec ce mépris, même involontaire, des opi nions qu’il ne partage pas ; on est libre de dire cela, si l’on y tient. Mais en fait, si cet homme est vraiment convaincu, s’il est sur que l’Irlande est à l’ouest de l’Angleterre ou que le pape est le vicaire du Christ, il ne lui reste, s’il est conséquent avec lui-même, qu’a pousser sa conviction jusqu'à cette magistrale intolérance de toute assertion contraire. S’il était, à l'égard des objections comme telles, tolérant au fond de son âme (je ne dis point patient, car la patience et la douceur sont des devoirs moraux, mais j’entends une tolérance intellectuelle), il approuverait virtuellement les vues que ces objections représentent… Quand on tâcherait de me persuader que la trahison, la cruauté ou l’ingratitude sont aussi estimables que la tempérance et la probité, et qu’un homme qui a vécu la vie d’un gredin et qui est mort de la mort d’une brute n’a rien à craindre de la rétribution future, on ne me ferait pas écouter de tels arguments, à moins qu’il n’y eût espoir de convertir celui qui les fait, dût-on me traiter de fanatique et de poltron pour refuser de m’occuper d'élucubrations pareilles. » Grammar oj assenl, c. vi, § 2, n. 1, p. 197-199. Par nos temps de dilettantisme et de scepticisme, de ce scepticisme qui n’a pas de peine à sourire poliment à toutes les thèses, n’y a-t-il pas des âmes énervées qui n’ont plus sur rien la vigoureuse « intolérance » de la certitude ? Quoi qu’il en soit, c’est surtout chez les simples que l’on trouvera les fortes convictions ; et si leur certitude manque d’infaillibilité, elle ne manque nullement de fermeté. Elle exprimera même souvent au dehors cette intolérance caractéristique dont parle Newman ; et saint Irénéc nous en a donné un exemple saisissant dans ces barbares initiés au christianisme, qui fuyaient en se bouchant les oreilles, s’ils entendaient les négations des hérétiques. Voir col. 242.

La fermeté d’adhésion peut encore s’augmenter de bien des manières dans leur esprit, à mesure qu’ils avancent dans la vie. Car si l’absence de doute, élément négatif de la certitude, n’a pas de degrés (ou elle est, ou elle n’est pas), l’adhésion positive de l’activité vitale à son objet peut devenir physiquement de plus en plus forte ; et si cette énergie croissante n’augmente pas la valeur objective de la certitude, elle permet du moins à la certitude subjective de mieux résister, de braver plus facilement les attaques. A cette augmentation de fermeté peuvent contribuer — indépendamment de tout nouveau molif de crédibilité et de loute nouvelle solution de difficultés — les causes purement subjectives qui, en général, fortifient les croyances, et qui ont leur utilité, quand il s’agit de résister à l’erreur et au sophisme. Telles sont : Vhabiiude de croire, fortifiée de tous les actes longtemps répétés et accumulés ; les éléments imaginalifs qui, aux croyances abstraites, donnent pour ainsi dire un corps et de la vie, et par suite les unissent à nous plus fortement, comme sont l’art chrétien, les images qui représentent la vie du Christ, les cantiques sur les principaux sujets de la religion, les cérémonies liturgiques avec leur symbolisme ; le sentiment, car nous adhérons davantage aux vérités qui font vibrer notre cœur, et comme un fils repousse avec horreur les accusations que des ennemis lancent contre son père, contre l’honneur de sa mère, ainsi le catholique, toujours plus attaché à son Dieu, à son Église, est toujours plus prompt à repousser les accusations lancées contre ce qu’il aime ; l’action et la pratique même de la religion, les sacrifices qu’elle exige, le respect de la présence de Dieu, la prière et les œuvres par lesquelles on « vit » sa croyance ; tout cela donne plus de force à l’adhésion même intellectuelle. Voir Croyance, t. iii, col. 2373-2377. Vouloir proportionner la force subjective d’adhésion de toute certitude à la seule perfection objective des motifs intellectuels, par