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FOI


nouvelle preuve, et une preuve solide, pas n’est besoin de passer par un doute réel sur la eonclusion, ni sur les preuves antérieures qu’on en avait, tin mathématicien qui voit assez par l’expérience que la ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre, et qui voudrait le démontrer mathématiquement, ne serait pas oblige de commencer par douter réellement des données de l’expérience. Voir ce que nous avons dit de la méthode d’Hermès, col. 282 sq. A plus forte raison, dans cette certitude morale qui résulte d’une accumulation d’indices : de nouveaux indices peuvent encore s’ajouter à la preuve et la renforcer, sans qu’on ait même l’idée de mettre en doute, fût-ce un seul instant, les indices précédemment acquis. Concluons donc avec M. l’abbé de Grandmaison : « La lumière augmente avec les années, les raisons de croire se multiplient avec les besoins grandissants de l’intelligence : la fécondité inorale des principes reçus, leur aptitude à résoudre les problèmes posés par le monde et par la vie, leur harmonie interne, les autorise, les affermit ; ainsi, sans qu’il soit besoin de recourir à un examen en forme, sans heurt, sans crise aiguë (du moins le plus souvent), par un travail paisible et continu d’appropriation personnelle, le croyant naïf des premières années devient un lidèle averti, conscient de sa foi. » Qu’est-ce qu’un dogme, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, Paris, 1905, p. 206.

d. Question particulière du contenu de la révélation :. développement de la certitude sur ce point. — Nous avons traité la question la plus fondamentale et la plus dillicile, c’est-à-dire comment un catholique, parti d’une apologétique bien pauvre quoique suffisante au début, aura toujours, malgré les exigences nouvelles de son esprit, des motifs de crédibilité suffisants pour admettre en général la mission divine du Christ et celle de l'Église. Reste la question particulière du contenu de cette révélation chrétienne, gardée infailliblement par l'Église : tel énoncé, tel article en fait-il partie ? La certitude première qu’en avait l’enfant peut-être sur la seule parole de son curé, lui affirmant au nom de l'Église que telle et telle doctrine est la parole de Dieu même, cette certitude se fortifiera paisiblement à mesure qu’il entendra de nouveaux témoins de la foi de l'Église, qu’il lira un catéchisme ou d’autres livres de religion, qu’il verra des images ou des peintures représentant les principaux faits révélés, etc. Ce que l'Église propose à tous les fidèles comme devant être cru de foi divine, n’est pas difficile à savoir toujours mieux. « C’est en effet une question de fait, dit Murray, et d’un fait actuel, facile à constater, public, important, où l’on a le témoignage des simples fidèles, des religieux et des religieuses, des prêtres, des évêques, qui tous, dans les conversations, dans les catéchismes, dans les serinons, dans les livres de prières, dans les livres liturgiques, dans l’administration des sacrements et par les cérémonies de l'Église, etc., attestent clairement et unanimement que la trinité, la divinité du Christ, les sept sacrements, etc., sont des dogmes définis par l'Église. » Tractatus de Ecclesia, Dublin, 1802, t. ii, disp. XI, n. 519, p. 426, 427.

Dans le cas très rare où la foi de l'Église lui aurait été jadis mal présentée sur un point, le catholique mieux averti, venant à le découvrir, comprendra, et la grâce de Dieu l’aidera à comprendre que sa première instruction n’avait de valeur qu’autant qu’elle était censée représenter exactement la foi de l'Église ; qu’il faut donc abandonner tel point qui n’appartient pas réellement à cette foi. Cet abandon de son instruction première sur un point ne peut légitimement ébranler sa certitude sur le reste : car ce n’est plus par cette seule première instruction enfantine, mais par un bien meilleur canal, qu’il connaît maintenant la doctrine de l'Église. Voir dom Lefebvre, L’acte de foi, d’après

la doctrine de saint Thomas, 2e édit., Paris, s. d., p. 384, 385. La découverte d’une erreur qu’on a faite n’a pas pour effet nécessaire d'ébranler une certitude mieux fondée, ni de jeter dans une sorte de scepticisme. » Si après l’expérience d’une certitude déçue nous devions renoncer à toute certitude, dit Newman, alors, parce qu’on a fait une fois un mauvais raisonnement, il faudrait renoncer à raisonner… Il est absurde de briser tout le mécanisme de notre connaissance, la gloire de l’intelligence humaine, parce que l’intelligence n’est pas infaillible dans toutes ses conclusions. » Et il ajoute cet exemple. Marchant au clair de lune, je crois voir un homme au milieu des arbres qui bordent la route, j’arrive même à en être certain. Je m’approche, et enfin je découvre qu’il n’y avait là qu’un jeu d’ombre et de lumière. « Faut-il me défier de ma seconde certitude, parce que la première m’a trompé? Toute objection que la faillite de la première soulèverait contre la seconde ne s'évanouira-t-elle pas devant la preuve solide sur laquelle la seconde est fondée ? » Grammar of assenl, Londres, 1895, c. vii, § 2, n. 2, p. 230.

b) La certitude relative des préambules de la joi se maintient malgré les objections. — Rappelons d’abord que nous ne parlons que des catholiques qui font leur devoir par rapport à la conservation de leur foi. Ceuxlà continuent à se renseigner sur leur religion, et d’autre part ne s’exposent pas volontairement à un danger qui dépasse leurs conditions intellectuelles, soit en lisant des livres hérétiques et des journaux qui attaquent leur foi, soit de toute autre manière. De là vient qu’ils rencontrent beaucoup moins d’objections qu’on ne l’imagine, et qu’elles ne les obsèdent pas toutes ensemble ; et au besoin ils savent consulter ceux qui représentent pour eux l’enseignement vivant des l'Église. S’il s’agissait du cas plus difficile d’un jeune homme, par exemple, jeté par sa situation et malgré lui dans un milieu sectaire, où il entend constamment attaquer sa religion et n’a pour ainsi dire pas de secours humain, c’est là surtout qu’il faut se souvenir qu’une grâce même miraculeuse viendra à son aide s’il prie, s’il fait de son côté ce qu’il peut et ce qu’il doit. Rappelons encore que nous parlons de ceux-là seulement qui gardent dans leur cœur les bonnes dispositions morales d’où dépend la certitude religieuse ; certaines objections, sophistiques pour le bon sens, ne trouvent un point d’appui que dans la corruption du cœur : ramenez la santé morale, elles s'évanouiront. Parmi ces bonnes dispositions morales on doit compter cette modestie, compagne de la vraie science, cette humilité, condition de la foi, et par suite, ce respect profond de Dieu, du Christ, de l'Église et de ses dogmes, qui est l’opposé du respect humain. Au contraire, nulle disposition du cœur n’expose plus à accepter tous les sophismes que l’engouement de la nouveauté et de la mode, joint au mépris du passé, l’admiration a priori de la « pensée moderne » ; de là la supposition vaniteuse que la lumière date de notre siècle, c’est-àdire en quelque façon de nous, la supposition fausse que de brillantes découvertes dans l’ordre physique et une meilleure civilisation matérielle garantissent un progrès semblable dans l’ordre philosophique, dans l’ordre moral, dans l’ordre religieux. Nous voyons tous les jours des gens de demi-culture, des primaires, se redresser contre tout le passé avec cette vanité toute « moderne » . Le catholique dont nous parlons ne donnera pas dans ces préjugés assez ridicules. — Ceci posé, nous pouvons diviser les objections qui se présentent à lui en deux catégories : celles qu’il peut et celles qu’il ne peut pas facilement résoudre par luimême.

a. Objections qu’un simple fidèle peut facilement résoudre par lui-même ; pour celles-là on admettra