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rence essentielle qui existe sur ce point entre le devoir de la foi catholique et plusieurs autres devoirs, dit Scheeben, vient de ce que la possession de la foi divine est la condition fondamentale de l’accomplissement de tous les autres préceptes. » Loc. cit., n. 848, p. 549. — b. Dans l'Église tout comme dans la société civile, il y a un fonds commun d’idées et de vérités, regardé comme une base sociale et supposé par la législation, les jugements et les peines. Supposons qu’un criminel réponde aux assises : « Ma conscience a autorisé ce que vous appelez le vol et l’homicide » ou bien : « Pour moi il n’est pas de devoirs, je suis convaincu que le plaisir seul est la règle de la vie ; en tuant pour avoir de l’argent, j’ai voulu vivre ma vie. » S’il est déclaré irresponsable par l’examen médical, on ne le punira pas, on le mettra dans une maison de santé, parce qu’on reconnaît ce principe, que la peine (du moins la peine grave) suppose un délit volontaire, dont le délinquant soit vraiment responsable. Si au contraire il est reconnu que cet homme est dans l'état normal de ses facultés, on le punira, même de mort. Mais puisque cet homme vous dit qu’il n’a point vu de mal dans l’homicide, qu’il a suivi sa conscience, son idée de la moralité, pourquoi ne le faitesvous pas bénéficier d’un cas d’irresponsabilité pour cause de conscience invinciblement erronée ? Comment conciliez-vous votre conduite si dure à son égard avec votre piineipe que l’on ne doit punir que les responsables ? Ah ! c’est que vous supposez avec raison que les vraies notions sur le bien et le mal moral, sur la règle de la vie, sont accessibles à tout homme qui ne pervertit pas lui-même son esprit par sa faute ; que cet homme a vii, ou du moins a dû voir le contraire de ce qu’il dit ; que s’il est arrivé réellement à détruire en lui les principes qui sont la base de toute société, ce n’est point par une erreur invincible et innocente à son origine, c’est par sa faute, en corrompant volontairement sa conscience : il est donc responsable, d’une manière ou d’une autre, des crimes commis. Remarquons maintenant que la société ecclésiastique ne repose pas seulement sur des données de bon sens ou de raison philosophique, mais encore sur des données révélées. Sa liturgie, les définitions de son magistère, sa législation supposent communément admis par ses membres que le Christ lui a donné une mission surnaturelle à remplir, lui a confié des vérités révélées et des institutions divines à conserver. Aussi exige-t-elle de ses néophytes une profession de foi, un ensemble de vérités que tous doivent croire pour entrer dans la société. Partant de cette profession qu’ils ont faite, elle a le droit de supposer qu’ils ont cru intérieurement ce qu’ils professaient extérieurement, et donc qu’ils ont eu la crédibilité suffisante ; elle sait qu’avec la grâce de Dieu, s’ils font leur devoir, ils peuvent continuer à l’avoir toujours. Que deviendrait cette société, que Dieu a rendue obligatoire, si à chaque instant ses membres pouvaient en conscience échapper à sa législation, à son action sociale, parce qu’ils auraient malgré eux perdu leur crédibilité, cette condition essentielle pour reconnaître l'Église ? Il fallait donc que la providence veillât à empêcher de pareils accidents, non pas à empêcher toute apostasie, mais à empêcher toute apostasie légitime et du côté des meilleurs enfants de l'Église ; il fallait que Dieu conservât dans les fidèles (au moins s’il n’y a pas de leur faute) cette base sociale de vérités révélées, comme il conserve dans le genre humain un patrimoine de vérités morales sur lesquelles reposent toutes les sociétés. — c. Mais la raison décisive pour nous, c’est la pratique générale de l'Église, dès les premiers siècles. Quand à l'époque des persécutions les chrétiens étaient traînés devant les prétoires, et devaient choisir entre l’apostasie ou le martyre, l'Église a toujours considéré non seulement

la confession publique de leur foi comme obligatoire en général et objectivement, mais encore l’apostasie comme subjectivement criminelle et dans tous les cas : c'était un des crimes principaux qu’elle soumettait dans tous les cas à la pénitence publique, et la plus rigoureuse, supposant par conséquent que le fidèle en est toujours responsable. Or si la thèse de nos adversaires était vraie, parmi ces chrétiens interrogés par les magistrats païens plusieurs auraient pu se trouver à ce moment de leur vie, par un défaut de crédibilité nécessaire et une erreur invincible, dans l’impossibilité de croire, sans aucune responsabilité de leur part. « Et celui qui a cessé de croire, observe Wilmers, ne peut pas déclarer qu’il croit : un chrétien pourrait donc alors (légitimement d’après nos adversaires) vouloir déclarer au juge qu’il ne croit plus, qu’il n’a plus la foi chrétienne, ce qui le mettrait au rang des apostats. » Loc. cit., p. 199. Et de cette apostasie il ne serait pas responsable, d’après les théologiens, nos adversaires ; d’où il suit que l'Église, qui est infaillible dans sa discipline générale, au lieu de soumettre tous les apostats en bloc aux peines les plus rigoureuses, aurait dû les interroger sur l'état d'âme qu’ils avaient au moment de l’apostasie et sur la responsabilité qu’ils pouvaient y avoir ; et qu’elle devrait le faire encore de nos jours, quand elle excommunie les apostats. Donc la thèse adverse, qui admet des cas de légitime apostasie, est opposée à la pensée et à la pratique de l'Église. On pourrait tirer une conclusion semblable, soit des professions publiques de foi que l'Église exige de certaines catégories de fidèles, par exemple, des professeurs et des étudiants des universités catholiques, sans demander à chacun où en sont pour le moment ses motifs de crédibilité, soit des peines dont elle punit quiconque, parmi ses membres, manque à la foi qu’il a professée et nie publiquement les vérités qui servent de base à cette société tout entière. Voir Kleutgen, loc. « 7., p. 466. Enfin, si la thèse opposée était vraie, si les bons et pieux fidèles, qui prient et font ce qu’ils peuvent pour garder leur foi catholique, étaient parfois dans la nécessité de l’abandonner, l'Église devrait avertir au moins ceux-là de la possibilité d’un si triste accident, et, pour les empêcher de se livrer en pareil cas au désespoir, les informer de son caractère purement temporaire, parce que la bonté de Dieu qui veut sérieusement leur salut leur donnera les moyens de recommencer à croire avant leur mort. Voir premier cas, col. 301. De plus, elle devrait leur donner, à eux ou aux prêtres qui peuvent les conseiller dans cette terrible crise, des instructions pour ce temps-là, par exemple, qu’ils seront dispensés du précepte de la communion pascale et qu’ils devront même éviter d’en approcher jusqu'à ce qu’ils aient retrouvé la foi à l’eucharistie et à tout l’ensemble des vérités catholiques. Or non seulement l'Église n’a jamais donné semblables instructions, mais elle a urgé pour tous les fidèles le précepte de la communion annuelle. Elle suppose donc impossible le cas admis par nos adversaires comme possible. Concluons donc avec saint Thomas que le fidèle a, avec le secours de la grâce, la possibilité de ne pas abandonner sa foi, à moins qu’il n’y ait de sa faute : Homo lumen fidei habens non consentit his qu.se. sunt contra fidem, nisi inclinalionem fuki dcrelinquat ex sua culpa. In 1 V Sent., 1. III, dist. XXIV, q. i, a. 3, sol. 2°, ad 3'" » . Ici saint Thomas, suivant son habitude, groupe autour de l’habilus fidei, que possède le fidèle, toutes les grâces qui servent à l’exercice de la foi et à la persévérance dans la foi, révélation, grâces actuelles intérieures et providence spéciale extérieure, et résume tout cela sous le nom de lumen fidei. C’est que la vertu infuse, qu’il appelle souvent lumen fidei, est comme le centre des grâces de foi, centre auquel se rattache tout le reste et qui exige tout le reste. C’est la remarque du