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ration du concile et d’après d’autres sources ; 3. les concessions que l’on peut et doit faire à l’opinion la plus large ; 4. comment se peut-il que le catholique, s’il fait son devoir, ait toujours des motifs de crédibilité qui lui suffisent, et, malgré toutes les objections, puisse garder sa foi ? Explication psychologique et rationnelle.

1. Documents ecclésiastiques ; un canon et un chapitre de la session 1Il du concile du Vatican. Controverse sur leur interprétation. — a) Le canon 6, De fide.

Si quis dixerit, parem

esse conditionem fidelium

atque eorum, qui ad fldem

uniceveram nondum perve nerunt, ita ut catholici ju stam causam habere possint

fidem, quam sub Ecclesire

magisterio jam susceperunt,

assensu suspenso in dubium

vocandi, donec demonstra tionem scientificam credibi litatis et veritatis fidei suaî

absolverint, anathema sit.

Denzinger, n. 1815.

Si quelqu’un dit que les

fidèles et ceux qui ne sont

pas encore parvenus à la foi

seule véritable sont dans

une condition pareille, en

sorte que les catholiques

peuvent avoir un juste mo tif de mettre en doute la foi

qu’ils ont déjà reçue sous le

magistère de l’Église, en

suspendant leur assenti ment, jusqu’à ce qu’ils

aient achevé la démonstra tion scientifique de la crédi bilité et de la vérité de leur

foi, qu’il soit anathème.

Quelles sont les erreurs ici condamnées ? Nous pouvons démontrer qu’il y en a deux :

Première et principale erreur, la méthode d’Hermès : on le prouve, soit par les paroles finales : « en suspendant leur assentiment jusqu’à ce qu’ils aient achevé la démonstration scientifique, » etc., c’est en quoi précisément consistait cette méthode, comme nous venons de le voir, — soit aussi par l’histoire du concile. Conrad Martin, évêque de Paderborn, avait été chargé de refondre, avec l’aide d’un théologien, le schéma primitif. Voir Acla conciliorum recentiorum, Colleclio lacensis, 1890, t. vii, col. 1647. Expliquant au concile, comme rapporteur de la commission de la foi, le sens du schéma « réformé » , il dit à propos du passage que nous venons de citer : « Ce 6e canon exclut une erreur d’Hermès… Il voulait que toute la recherche théologique commençât par un doute, et un doute positif, par lequel on suspendrait l’assentiment donné jusque-là à la vérité de la religion et de la foi chrétienne. » Op. cit., col. 184.

Seconde erreur. — Quoique le rapporteur, très bref d’ailleurs dans ses rapides explications, ne parle ici que de la méthode d’Hermès, nous pouvons affirmer qu’une autre erreur est ici condamnée, une sorte A’indifféreniisme ou de libéralisme qui, même en dehors de toute méthode hermésienne, donne des droits égaux à toutes les religions sur leurs fidèles, tellement que la vraie religion ne s’impose pas davantage aux siens que les fausses religions aux leurs. Cette erreur est visée par le commencement du texte, qui nie la parité (parem conditionem) que l’on voudrait établir entre les fidèles de la vraie religion et les autres. Et les documents conciliaires nous donnent raison. Le schéma primitif, que Martin de Paderborn avait abrégé et refondu, en conservant pourtant ce qu’on en pouvait conserver comme il le déclare lui-même, op. cit., col. 1648, contenait un anathème tout semblable, col. 512, commenté par une note des théologiens qui en étaient les auteurs (note 20). Cette note, pour expliquer la condamnation, cite non seulement l’erreur d’Hermès, mais encore la 15e proposition du Syllabus. Op. cit., col. 534. Cette proposition est rangée sous le titre : « Indifférentisme, latitudinarisme. » La voici : Liberum cuique homini est eam amplccti ac profilcri religionem, quam rationis lumine quis ducius veram pulaveril. Denzinger, n. 1715. Il n’est pas question ici directement d’une liberté extérieure et civile, devant les lois de

l’État : celui-ci ne s’inquiéterait pas de savoir si l’on a choisi sa religion rationis lumine ductus ; mais d’une liberté intérieure et morale, devant Dieu et sa conscience. On peut aussi remarquer le verbe putaverit, qui indique seulement une opinion fondée sur une probabilité. Schiffini, De virtutibus in/usis, 1904, p. 269. L’auteur de la proposition condamnée, Vigil, regardait toutes les croyances religieuses comme des opinions, également dépourvues de vraie certitude, et donc n’ayant pas plus de droits sur les esprits les unes que les autres, mais restant également permises à tous.

Nous trouvons de plus amples explications dans une autre note (note 18) des mêmes théologiens du concile ; on sait qu’au premier rang parmi eux était Franzelin, et qu’il a été le principal auteur du schéma primitif. Voir Granderath, Histoire du concile du Vatican, trad. franc., Bruxelles, 1909, t. n a, p. 162. La note 18 montre comment l’erreur anathématisée dans ce canon dérive d’autres erreurs condamnées dans ce qui précède. En effet, si l’on part de cette erreur condamnée plus haut « qu’il n’y a pas, pour la vraie religion révélée, de critères objectifs qui fassent reconnaître avec certitude le fait de la révélation, pas de motifs de crédibilité… ; si tout revient à un sentiment et à une expérience intérieure, il s’ensuit que nulle religion n’est en soi et objectivement plus croyable qu’une autre ; et même qu’aucune n’est objectivement croyable. Reste donc que, au gré de cette expérience intérieure si sujette à l’illusion et si variable si on la sépare des critères extérieurs divinement préparés, il soit aussi bien permis de passer de la religion objectivement vraie à la fausse, que de la fausse à la vraie. » Collectio lacensis, col. 530. Ainsi le fidéisme et le subjectivisme minent la persévérance dans la foi. Et plus loin la note continue : « De là cette erreur très répandue en certains pays, que le passage de l’Église catholique à d’autres communions peut se faire sous la dictée de la conscience, et que généralement ces hommes (qui se séparent de l’Église) ne doivent pas être tenus pour gravement coupables, puisqu’ils prétendent presque toujours suivre la voix de leur conscience ; qu’autrement il faudra condamner aussi les conversions au catholicisme ; que si l’on refuse ce droit (d’apostasie ) aux orthodoxes afin de les retenir dans la vérité, en vertu du même principe on retiendra les hétérodoxes dans l’erreur. Et ceux qui parlent ainsi, ce ne sont pas seulement des impies qui ne font aucune différence entre les religions et n’en reconnaissent aucune de vraie, sorte d’indifférentisme (extrême) qui n’est pas à réfuter ici : ce sont aussi ceux-là mêmes qui, tout en reconnaissant la vraie religion, affirment (par une forme mitigée d’indifférentisme) un droit commun à tous les hommes de quitter, après examen, la religion où ils ont été élevés ; droit qui vaudrait donc pour les catholiques comme pour les autres. C’est sur ce principe que s’appuient, ou du moins sont dites s’appuyer, les lois portées dans plusieurs pays catholiques en faveur de ce qu’on appelle faussement la liberté de conscience. » Colleclio lacensis, t. vii, col. 531. La note se termine par une nouvelle citation de la proposition 15e du Syllabus.

Pourquoi ces théologiens ont-ils réuni dans une seule formule de condamnation ces deux erreurs ? Le point de ressemblance entre les deux qui semble les avoir frappés, c’est la violation du précepte divin de la foi, lequel oblige ceux qui sont dans la vraie foi à la constance dans leur religion, et leur interdit non seulement toute apostasie, mais encore tout doute réel, un tel doute étant contraire à la foi ; mais pour ceux qui n’ont pas encore la vraie foi, ce précepte divin, atteignant tous les hommes, les oblige à la chercher, et pour cela, à douter de leurs sectes, et à en sortir après enquête suffisante. Ces théologiens insistent