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FOI


derne a mises au jour touchant la potentialité, l’appétivité, la volontariété de toute connaissance conceptuelle. » Loc. cit., p. 36. Il tient surtout à ce que connaître soit vouloir, soit aimer : « L’immanence de la volition dans l’intellection est, à cet égard, une îles notions les plus nécessaires à éclaircir. » Il voudrait utiliser « l’explication kantienne de la perception du beau, » connaître au moyen d’un plaisir, p. 32 ; comme si d’ailleurs toute perception du vrai pouvait se ramener à la perception du beau ! Pour nous, la méthode qui nous paraît préférable sur le terrain théologique consiste à utiliser l’immense travail qu’ont fait sur les données de saint Thomas les grands théologiens suscités à leur tour par la providence, mieux éclairés que lui sur certains points par de nouvelles recherches, de nouvelles hérésies et de nouvelles définitions de l'Église ; surtout quand on peut avoir le consentement unanime de leurs diverses écoles.

6° Autres systèmes qui exigent, pour discerner le miracle, non pas une grâce quelconque, mais spécifiquement la grâce de la foi. — Nous les indiquerons brièvement ; ils diffèrent du précédent en ce que, par « grâce de foi » , ils n’entendent pas la vertu infuse de foi, dont ils se soucient peu, mais l’acte même de foi. Leur principal inconvénient est d’enlever au miracle son rôle apologétique si nécessaire, voir col. 142, et si marqué dans l'Écriture et les Pères, voir Crédibilité, col. 2236-2257 ; car s’il n’est reconnu comme miracle qu’après l’acte de foi et en vertu de cet acte, il ne peut lui servir de préparation rationnelle, et n’a pas de valeur apologétique.

1. Parmi les protestants conservateurs qui ont gardé une conception assez exacte de l’acte de foi, plusieurs ne veulent pas du miracle comme motif de crédibilité. Soit défiance générale de la raison humaine gâtée par le péché originel, soit crainte exagérée de la difficulté qu’il peut y avoir à manier le critère du miracle, soit désir de fonder la foi uniquement sur l’expérience intérieure, ils disent que le miracle n’est pas une preuve de la foi, mais un objet de foi ; que les miracles de Jésus, par exemple, ne servent pas à prouver sa mission (quoi qu’il ait dit le contraire, voir col. 69), mais doivent être crus comme les autres faits ou enseignements qui appartiennent au contenu de l'Évangile. On pourrait leur montrer que ces deux points de vue sont conciliables entre eux, que les miracles du Christ peuvent être preuve de foi ou objet de foi, suivant que l’on considère les Évangiles tantôt apologétiquement comme livres historiques et humains, tantôt théologiquement comme livres inspirés et parole de Dieu. Mais enfin, selon eux, ces miracles, ne devant figurer que de la seconde manière, sont seulement une des choses que nous croyons, et encore ne sont-ils pas une des principales : de sorte qu’avant de les croire, on a déjà la foi et on a fait un premier acte de foi, peutêtre même beaucoup d’autres. Les miracles qu’ils retiennent viennent donc toujours après la foi, jamais avant. Notons que leur théorie, fausse dans sa généralité, est vraie de certains miracles racontés dans l'Évangile, qui n’ont pas été faits devant un grand nombre de témoins, et dont la preuve historique est insuffisante pour nous, en sorte qu’ils n’ont pas de valeur apologétique, mais restent simplement objet de notre foi. Telle est la conception virginale du Christ, qui, pour sa mère, a été un motif de crédibilité, et même de toute première valeur, et ne l’est pas pour nous, d’après saint Thomas lui-même. Sum. theol., III 1, q. xxix, a. 1, ad 2um.

2. Certains modernistes, et les protestants libéraux, en disant aussi que « le miracle suppose la foi, que sa conception vient de la foi, » etc., entendent tout autre chose par le mot « foi » , c’est-à-dire la naïve crédulité, l’esprit légendaire, générateur des

légendes et des mythes.Voir col. 1 11-142. Nous n’avons

pas à réfuter ici ce pur rationalisme ou naturalisme, cette négation a priori du miracle et de sa possibilité. Voir Mihacle.

3. Le système de M. Edouard Le Roy est plus compliqué : il exige la foi à un double titre pour le miracle, d’abord pour le produire, ensuite pour le discerna. — a) Pour prouver que la foi produit le miracle, il cite les textes de l'Évangile qui, sous le nom de « foi, font allusion à ce charisme particulier que l’on a appelé, chez les catholiques aussi bien que chez les protestants, la « foi des miracles » . Voir col. 69 sq. Et il conclut : « Toujours la foi précède, accompagne, explique l'œuvre merveilleuse… Il n’y a de miracle que par la foi… Le miracle manifeste le pouvoir causal de la foi. Par lui, la foi montre qu’elle est une force efficace et réelle capable de vaincre les forces physiques… Sans doute, on peut croire sans être pour cela thaumaturge. Mais c’est que l’on croit d’une foi chancelante. » Anncdes de philosophie chrétienne, 1906-1907, t. cliii, p. 248, 249. On voit l’inconvénient de confondre la foi théologale exigée de tous les fidèles avec la foi-charisme donnée aux apôtres et à certains fidèles : c’est de mettre tous les chrétiens dans l’alternative d'être des thaumaturges ou de n’avoir qu' « une foi chancelante ; » c’est d’empêcher la foi de venir jamais après le miracle, ce qui est admissible de la foi-charisme, mais non de la foi ordinaire des fidèles ; c’est de supprimer le miracle comme motif de crédibilité, puisqu’il n’est plus présenté comme signe de l’origine divine de la révélation chrétienne, mais comme signe de la foi-charisme, signe de la puissance et de l’efficacité de la foi personnelle de tel individu ; signification bien moins utile, et même décevante, parce que le miracle ne suppose pas nécessairement cette foi comme sa cause, et il est inexact que cette fei « le précède toujours » ou qu’elle soit toujours exigée dans l'Évangile comme une condition du miracle. Voir col. 69. Du reste, l’auteur semble réduire la « foi des miracles » à ce qu’on appelle vulgairement « la foi qui guérit, » c’est-àrdire la confiance du malade, ce qui supprimerait arbitrairement de l'Évangile et de la vie de l'Église tous les miracles autres que les guérisons, tous ceux qui sont faits sur des êtres incapables de confiance, comme la multiplication des pains, la marche sur les eaux, l’arrêt subit de la tempête, etc., ou même les guérisons d’hommes inconscients ou placés à distance, et les résurrections. La fausse hypothèse de la foiconfiance précédant toujours le miracle, et le conditionnant, permet à l’auteur d’expliquer que « le miracle est surnaturel…, parce que la foi » dont il dérive nécessairement « l’est elle-même, » loc. cit., p. 250, et d’exclure ainsi le sens vrai dans lequel on doit admettre que le miracle est préternaturel, c’est-à-dire : a. parce qu’il dépasse la puissance des causes secondes, au moins de celles qui ont pu agir dans la circonstance donnée, et montre ainsi une intervention positive et immédiate de toute la puissance de Dieu, approuvant une doctrine, garantissant la mission d’un envoyé ; b. parce que nous ne pouvons pas l’exiger, parce que nous n’y avons pas droit. Pour M. Le Roy, le miracle perd cette caractéristique essentielle ; il devient, au contraire, l'œuvre propre et naturelle d’une cause seconde qui est l’activité humaine, l’activité à laquelle l’homme a droit : « Un miracle, c’est l’acte d’un esprit individuel…, agissant comme esprit à un degré plus haut que d’habitude, retrouvant en fait, et comme dans un éclair, sa puissance de droit….On peut dire que le miracle n’est pas autre chose que l’acte libre porté à sa plus haute puissance, » loc. cit., p. 242, ce qui est la négation du miracle tel que l'Église l’entend, « montrant la toute-puissance de Dieu » et par là devenant « un signe très certain de la révélation