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gent et instruit, qui, avec de bonnes dispositions de l’esprit et du cœur fait une sérieure enquête sur la religion. Supposons qu’il soit d’abord frappé du fait de l'Église catholique : la supposition est légitime, puisque, nous dit le concile, (Ecclesia) veluti signum levatum in naliones ad se invitât qui nondum crediderunt. Loc. cil. Il voit dans cette Église même un vrai miracle moral, et un grand et irréfragable motif de crédibilité, ob suc m nempe admirabilem propagationem, exirniam sanctilalem, etc. Loc. cit. Pourra-t-il admettre ce motif de crédibilité avec une légitime certitude ? une certitude « morale » si vous voulez, dépendante de ses bonnes dispositions, mais infaillible pourtant, et absolument légitime ? S’il ne le peut pas, comment l'Église est-elle vraiment « un signe de ralliement apparaissant aux nations, invitant à elle ceux qui ne croient pas encore"} » S’il le peut, voilà un miracle, un signe de la mission divine de l'Église, perçu avec une certitude légitime par quelqu’un « qui ne croit pas encore, » donc avant la foi. Mais, objecte M. Rousselot, il ne peut percevoir un signe comme signe, sans percevoir en même temps la chose signifiée ; ce sont deux termes corrélatifs et inséparables dans la pensée même. « L’indice ne peut être perçu comme indice sans qu’on perçoive en même temps, par une corrélation nécessaire…, la chose indiquée. » Très bien : mais qu’en concluez-vous ? Qu' il ne faut point imaginer de jugement de crédibilité qui constitue un acte distinct…, que la perception de la crédibilité ne fait qu’un avec l’acte de foi, » p. 2.34. Un peu prompte, cette conclusion. Ce que nous pouvons légitimement conclure du principe invoqué, c’est que notre païen ne peut percevoir les signes de la divine mission de l'Église comme signes sans percevoir cette mission elle-même d’une manière générale. Mais percevoir cette mission d’une manière générale, ce n’est pas l’acte de foi ! L'Église pourrait avoir une mission divine qui ne se rapporterait pas à la foi divine, à la foi fondée sur la révélation surnaturelle, mais à autre chose : par exemple, à enseigner avec autorité ou même avec infaillibilité les vérités naturelles, morales et religieuses. Notre païen doit donc encore demander à cette Église, divinement garantie, en quoi précisément consiste sa mission. Et quand elle lui aura fait comprendre qu’elle est gardienne et interprète d’une révélation surnaturelle, que Dieu a parlé, alors seulement notre homme, et après avoir ré fléchi sur la science et la véracité divine, pourra faire le véritable acte de foi proplcr auctoritatem Dei révélant is. Donc, quand il a perçu avec certitude le fait d’une mission divine de l'Église, c'était bien un jugement spéculatif de crédibilité constituant un acte distinct de l’acte de foi, préparant celui-ci, mais d’une préparation encore éloignée.

d) Sans la vertu infuse de foi, sans cette sorte de « (acuité, on peut porter sur des miracles, sur le tait surnaturel de la mission de l'Église, ou sur celui de la révélation, un jugement de crédibilité légitimement Certain. — Témoin le jugement que nous venons de considérer dans ce païen, qui est encore à une certaine distance de son premier acte « le foi. Il ne peut encore avoir la vertu infuse. Car d’après l’opinion de beaucoup la meilleure, et la plus conforme au sens obvie du

concile de I unir. < 'est dans la justification que l’homme reçoit l’habilus fidei : In ipsa ftuttflealione… hac Omnia simili infusa act lpt1 homo…, fidem, spem et rari talem. Scss. VI, c, vii, Denzlnger, n. 800. Or notre nomme n’en est certainement pas encore a la justlBcatlon, qui demande d’abord « les dispositions, . à-dire l’acte de foi, ci puis d’autre* actes qui peuvent s ! f.iin attin’ip' plus ou moins longtemps, comme la pénlb n'e de sis p « lus. Loc. cit., c. vi. i >enzinger, n.798. Mais lors même que nous suivrions l’autre opinion, qui place l’infusion de la vertu de foi avant In justifi cation, au moment précis où se produit le premier acte de foi (en sorte que, par une causalité réciproque, d’après l'école thomiste, la vertu sert de cause efficiente pour l’acte et l’acte de cause dispositive pour la vertu), encore est-il que notre païen, dans ce jugement sur la mission divine de l'Église, n’en est pas même à son premier acte de foi, n’en est pas encore au moment où, d’après cette opinion, se fait l’infusion de la vertu. Il faut donc renoncer à toute influence de la vertu infuse, sur ce jugement de crédibilité ; notre homme n’a pas cette vertu, il ne l’a jamais eue, elle ne peut donc servir à expliquer la genèse de son jugement. Aussi Adam Tanner a-t-il bien limité le rôle de Yhabitus en cette matière : « Quand on dit que l’habilus fideisert à la crédibilité, il ne faut pas entendre cela de la première acceptation de la foi dans un homme auparavant infidèle… Mais il s’agit d’un homme déjà fidèle, par rapport aux actes qu’il fait après l’acquisition de l’habilus. » Theologia scholastica, 1627, t. iii, col. 88.

e) Non seulement on doit admettre des jugements de crédibilité spéculatifs qui précèdent l’acte et la vertu de foi, comme nous venons de le montrer : mais le jugement pratique de crédibilité ou de « crédendité » , quoique plus rapproché de la volonté de croire et de l’assentiment de foi, les précède aussi cependant, et même par une priorité de nature, en sorte que nous devons absolument concevoir d’abord la perception de la crédibilité, de l’obligation de croire, et ensuite la volonté délibérant sur cette obligation perçue, s’y soumettant ou ne s’y soumettant pas, arrivant par là au mérite ou au démérite ; et enfin l’assentiment intellectuel arrivant à l’existence ou n’y arrivant pas. En dehors de cette succession d’actes, on ne peut expliquer ni l’obéissance de la volonté libre à l’obligation reconnue de croire, obedienlia fidei, ni sa désobéissance qui est le péché d’infidélité positive et formelle, dont l’existence est affirmée par tous les théologiens avec saint Thomas. Sum. Iheol., II « II » , q. x, a. 1, 2. Ce péché ne pourrait jamais avoir lieu dans le système que nous critiquons. Car enfin, « ou bien l’intelligence (à qui on prêche la religion avec ses motifs de crédibilité) n’est pas arrivée encore à former un jugement de crédibilité convenable, et alors la volonté n’a pas pu commander prudemment à l’intelligence l’assentiment de foi, et le manque de foi ne sera pas imputable ; ou bien l’intelligence réussit de fait à former ce jugement (suffisant de crédibilité) et alors, suivant la théorie de l’auteur (identifiant ce jugement avec l’acte de foi), par là même existe déjà l’acte de foi, et l’on ne peut plus parler d’infidélité positive et formelle, c 'est-à-dire de contradiction volontaire à la divine vérité connue » et de refus de foi. Civilt I catlolica, 1911, t. iii, p. 331. Donc, le péché d’infidélité formelle ne pourrait exister en aucun cas.

Ce que nous avons dit de la précédciice nécessaire des jugements de crédibilité, spéculatifs et pratiques, n’a pas à souffrir de cette remarque de notre auteur : Il semble que dans le premier acte de foi… la vérité Surnaturelle est directement affirmée. Cette vérité est Crue, et la i crédendité est vue, mais comme est vu le o Je pense dans l’intellection naturelle. La crédendité » est une condition de la représentation (ratio sub qua) ; comme l'âme qui s'éveille à la vie de l’intelligence ne prononce pas explicitement cogilo, ni video, ni fldendum tntellectut, ainsi l'âme qui s'éveille à la vie de foi ne prononce pas explicitement credo, ni Deus dixit,

ni credendtim est. Mais dans l’un comme dans l’autre

cas, les trois affirmations sont réellement et Implicite ment contenues dans l’assertion qui porte directement sur l'être… Ensuite, la réflexion peut les extraire,

. 163. Le rapprochement n’est pas heureux entre le premier exercice Intellectuel et le premier exercice

de l.i foi. D’abord, parce que les premiers acti d( i