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liai sub commuai ralione credibilis. Voir Crédibilité, col. 2203. Si donc ces dernières paroles de saint Thomas signifiaient une aptitude « seulement éloignée » , elles éloigneraient, elles repousseraient également le second jugement de crédibilité qu’imagine le P. Gardeil, il en faudrait un troisième plus rapproché de la foi, ou plutôt, comme ces paroles tombent sur tout jugement de crédibilité, nous demeurerions éternellement privés du jugement plus rapproché qu’il exige. Son exégèse de saint Thomas, si elle était probante, prouverait donc trop pour le système lui-même. — d) Comment se fera le passage du premier jugement de crédibilité au second, du conditionnel au catégorique ? Par quoi sera-t-il légitimé? Par une illumination de la grâce, répond l’auteur. Mais cette illumination de la grâce sera-t-elle reconnue comme telle et agirat-elle objectivement sur l’esprit (ut quod)l Ou bien aura-t-elle une influence purement invisible, élévatrice ou motrice (ni quo)1 II faut choisir entre ces deux explications, et toutes deux sont insoutenables, ce qui montre l’impossibilité de ce rôle de transition que l’on veut ici faire jouer à la grâce. Voyons successivement les deux explications :

a. L’auteur semble préférer la première, lorsque, du fait même de l’existence d’un jugement de crédibilité catégorique, il déduit l’existence d’une grâce pour le faire, en ces termes : « Le caractère conditionnel du jugement antérieur de crédibilité a disparu. C’est donc que la condition a été remplie, c’est donc, tout jugement ne se légitimant que par des motifs objectifs, que la possibilité pour moi de réaliser l’acte de foi surnaturelle m’est apparue. Comment cela ? Ce ne peut être en vertu de motifs rationnels, impuissants à fournir la preuve de cette possibilité effective. C’est certainement par l’effet d’un secours actuel, d’une illumination de mon intelligence qui me représente actuellement les vérités de foi comme bonnes à croire, effectivement et sans la moindre réserve. » La crédibilité, l re édit., p. 23, 24. Fort bien : mais si je suis certain de la présence d’une grâce qui m’incline à croire, sipar elle je vois ce que tout motif rationnel était impuissant à me faire voir, j’ai en moi une révélation, ou du moins un miracle interne constaté avec certitude ; et comme il ne s’agit pas ici d’un cas exceptionnel, mais du cas normal, de l’explication générale de la crédibilité chez tous les fidèles, nous retombons dans un discerniculum expérimentale analogue à celui de Pallavicini ou d’Esparza. — b. Si l’auteur préférait donner ici à la grâce un rôle inaperçu, en sorte qu’elle ne pourrait se changer en motif objectif, nouvel inconvénient : comment alors justifiera-t-elle à nos yeux le passage que nous ferons à un nouveau jugement jusque-là impossible faute de motif, à un jugement non plus conditionnel mais catégorique ? L’auteur vient de dire lui-même avec beaucoup de raison que « tout jugement ne se légitime que par des motifs objectifs. »

Disons donc, pour éviter tous ces inconvénients, qu’il n’y a qu’un seul credendum est, catégorique du premier coup, légitimé objectivement par les motifs de crédibilité rationnelle sur lesquels il s’appuie ; et d’autre part, aidé par une grâce inaperçue s’il en est besoin. Il peut en être besoin à deux titres, pour deux buts : a. pour faciliter l’acte, pour empêcher la mauvaise volonté de faire obstacle à ce credendum ; ce besoin peut être réel, mais n’est pas universel ; b. pour élever la faculté et obtenir un acte intrinsèquement surnaturel, surnaturel quoad substantiam. Nous croyons que ce credendum est doit être toujours surnaturel ainsi. Voir plus bas au sujet de la foi, vertu surnaturelle. Mais à cela suffit une grâce invisible, comme la vertu infuse ; et il n’est pas nécessaire que nous discernions expérimentalement si notre acte a ou n’a pas cette surna | luralité. — Objection. — Pour croire d’une foi intrinsèquement surnaturelle, il faut que nous connaissions d’abord les vérités révélées comme croyables de cette foi-là ; c’est ainsi seulement que nous proportionnerons parfaitement notre jugement de crédibilité à l’acte de foi tel qu’il doit suivre. — Réponse. — Si cette proportion parfaite était possible, ce serait mieux ; mais elle est impossible, comme l’observe Lugo : « Comment pourrions-nous évidemment connaître la crédibilité par rapport à la foi divine (infuse), puisque nous ne savons avec évidence ni qu’une foi divine et infuse existe, ni qu’elle puisse exister ? » L'évidence de crédibilité avant la foi, dont parlent les théologiens, ne peut donc se rapporter à cela. Ce n’est que par la foi elle-même, ou par une déduction théologique des principes de la foi, que nous connaissons ensuite, obscurément et sans aucune évidence, l’existence, et par suite la possibilité, de la vertu infuse de foi en général et des actes surnaturels qui s’y rattachent. Donc en fait d'évidence de crédibilité, continue Lugo, » la seule chose que l’on connaisse évidemment, c’est que les articles de foi nous sont tellement proposés, que nous pouvons prudemment faire effort, autant qu’il est en nous, pour les croire fermement et sans aucun doute, en renonçant à savoir si cet assentiment, dans ce cas déterminé, sera produit par les forces de la nature ou par la foi infuse : car ceci, nous l’ignorons. » Dispulationes, Paris, 1891, t. i, disp. V, n. 31, p. 324. A fortiori, une multitude de fidèles l’ignore, qui ne savent même pas ce que c’est que vertu infuse et acte surnaturel.

Ceci pourrait aussi résoudre une difficulté qui a frappé M. Blondel, et dont il a cherché la solution dans un passage très critiqué de son livre de l’Action, comme il le racontait récemment : « Comment, me demandait-on, affirmer sans pétition de principe, et par suite, sans témérité et sans profanation, l’origine surnaturelle d’une foi qui n’est peut-être pas telle en moi, ou même qui ne saurait être telle que par l’acte de foi, lequel paraît supposer, avant, ce qui n’est qu’après ? » Simples remarques… Supplément auxviinales de philosophie chrétienne, du 15 février 1913. La réponse la plus simple et la plus sûre, c’est que, ni dans l’acte de foi, ni avant, nous n’avons à affirmer, par une sorte de réflexion sur notre acte, sa surnaturalité intrinsèque, qui peut y être sans que nous y pensions. Avant la foi, il faut avoir reconnu « l’origine surnaturelle » de la révélation ancienne qui nous est proposée à croire, mais non de cet acte de foi tel qu’il se passe en nous. L'Église n’a jamais demandé aux fidèles qu’ils sachent avant la foi ou qu’ils affirment par la foi l’origine surnaturelle de leur acte en tant que procédant de la vertu infuse.

5° Système qui englobe la préparation de la foi dans l’acte de foi lui-même, sous une seule et même influence de la vertu infuse. — 1. Exposé. — Autant le système précédent augmente la complication de l’acte de foi déjà bien complexe, autant celui-ci vise à une simplification extrême. M. Pierre Rousselct, professeur à l’Institut catholique de Paris, part de ce texte de saint Thomas : Fides principeliter est ex infusione, et quantum ad hoc per baplismum datur ; sed quantum ad delerminationcm suam est ex auditu, et sic homo ad fidem per catechismum instruitur. In IV Sent., 1. IV, dist. IX. q. ii, a. 2, sol. 3 a, ad l uu '. Donc deux principes, l’un intérieur, la vertu infuse, l’autre venant du dehors, la révélation de dogmes déterminés transmise par le catéchisme : le premier, quoique « principal » et plus excellent en soi, ne peut suppléer le second, ni déterminer le détail des dogmes. « Sous les mots techniques à'habitus infusus et de credibilium deierminatio, nous retrouvons les deux termes qui semblent hétérogène'. et dont l'Église continue d’affirmer la naturelle soli-