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sible. Voir Grâce, Surnaturel et ce que nous dirons de la foi comme vertu surnaturelle.

Système de la double erédibililé.

1. Exposé. —

Quelques théologiens de nos jours se sont posé à leur tour le problème de la grâce dans la crédibilité : ainsi le P. Gardeil. Partant de la distinction fondamentale que nous avons déjà signalée, il décrit bien les deux manières d’agir de la grâce, ut quo, et ut quod. Tantôt les « suppléances surnaturelles » n’ont qu’une sorte d’influence « motrice » écartant les obstacles, favorisant l’adhésion, elles n’agissent pas comme des objets présentés à l’esprit : tantôt, au contraire, elles peuvent être remarquées et par la réflexion « transformées en arguments à l’appui de l’existence du témoignage divin, » et devenir ainsi motifs de crédibilité. Voir Crédibilité, t. iii, col. 2202 ; et pour plus de développement, La crédibilité et l’apologétique, 2e édit., 1912, Appendice B, p. 318-320. L’auteur admet en termes équivalents la possibilité de ces suppléances que nous avons nommées la suggestion divine et le miracle interne servant de motif de crédibilité ; il affirme « que nous ne pouvons ni ne devons limiter l’action divine ; que Dieu peut incliner une intelligence à adhérer en toute vérité à une proposition qui ne lui est que très insuffisamment justifiée, rationnellement parlant ; que, par la lumière et l’inspiration de sa grâce, il peut même suppléer totalement la crédibilité rationnelle. » La crédibilité et l’apologétique, p. 325. Notons que, dans ce dernier cas, c’est plutôt la crédibilité « ordinaire » que la crédibilité « rationnelle » qui est suppléée, car la raison se retrouve toujours, avant la foi, dans l’examen de ce miracle interne qui lui sert de motif. Le P. Gardeil reconnaît que ce cas du miracle interne n’est pas le cas normal ; mais » pourvu que l’on n'érige pas en critère normal et universel de la révélation ces suppléances totales, ce qui serait tomber dans les erreurs protestantes, rien ne défend à ceux en qui Dieu intervient de cette façon de se servir des convictions que Dieu leur met au cœur pour leur usage individuel. » Revue pratique d’apologétique, 1908, t. vii, p. 199.

De ces principes incontestables, le P. Gardeil passe à une théorie qu’il regarde comme génératrice de tout le reste de son livre, Repue pratique d’apologétique, loc. cit., p. 272, et qu’il est d’autant plus important d’examiner, qu’elle se réfère au cas normal, à la crédibilité de tout le monde, ignorants et même savants. Prenons un homme à qui l’on vient de démontrer le fait du témoignage divin par les meilleurs motifs de crédibilité, qu’il est tout à fait capable de saisir : convaincu, du reste, et non moins raisonnablement, de la véracité divine, el de l’obligation qu’il y a de croire très fermement quand Dieu témoigne, même

en des matières obscures ri mystérieuses, il conclut, en face de tous ces préambules, non seulement : credibile est, mais encore : credendum est. Toutefois, affirme notre auteur, il ne peut prononcer le credendum que d’une manière conditionnelle : si possibile est (erediri), credendum est. Voir /." crédibilité et l’apologétique, 2' 'dit.. Vppendice C, p. 329. Pourquoi cette condition, si pns*t/>iir est'/ La première édition l’expliquait davantage : S’il s’aeissail d’Un acte de foi

humaine, procédant des seules forces de la nature, il serait exigible aussitôt, h s garanties morales ayant i.i certitude nécessaire pour autoriser le passade du credtbile au credendum. > Mais comme il s’agit d’un acte de toi divine, c’est-à-dire surnaturelle, produit de la natun ce, tout reste subordonné à la

possibilité de cette élévation, à la possibilité pour une nature humaine d'émettre l’acte dé foi divine, > pf ssihilité sur laquelle la simple raison n’est p ; is sufii s.iiimient n ii nce qu’il s’agit là d’un ms tère de la râo il y a donc de l’lna< hevé dans le

DK.T. DE fin oi. CATTIOL.

jugement pratique… Je ne saurais dire, sans restriction du moins, credendum est… Pour que l’homme puisse prononcer catégoriquement le credendum est… l’intervention surnaturelle de la cause divine est nécessaire. » La crédibilité, l rc édit., p. 20, 21. Il faut donc nécessairement distinguer du premier credendum, qui ne peut que rester en suspens, un second credendum, qui seul est catégorique ; et il faut une grâce spéciale pour faire passer du premier au second. Le premier de ces jugements pratiques exprime la « crédibilité rationnelle » , celle qui regarde l’intelligence laissée à elle-même ; le second exprime la « crédibilité surnaturelle » , celle qui regarde l’intelligence élevée, « l’intelligence enrichie, ou en voie d'être enrichie, de la vertu de foi surnaturelle. » Voir Crédibilité, col. 2210. On voit que le P. Gardeil ne se propose pas d’expliquer en détail le secours que la grâce donne ou peut donner aux jugements spéculatifs qui précèdent la foi, et particulièrement au jugement sur le fait de la révélation, surtout quand il s’agit des simples. Il concentre sa principale attention sur le jugement pratique, credendum est : c’est seulement celui-ci qu’il croit nécessaire de dédoubler ; et c’est en ce point que consiste l’originalité du système, et qu’il diffère de tous ceux que nous avons précédemment exposés.

2. Critique.

a) Ce dédoublement de la crédibilité paraît introduire une complication qui contredit la simplicité des faits. Voyons ce qui se passe. Quand un infidèle, aidé par la grâce, est convaincu rationnellement des préambules de la foi et que sa volonté ne fait pas d’obstacle, il dit catégoriquement du premier coup : credendum est, sans aucune restriction ni condition. Il ignore la vertu infuse ou la surnaturalité quoad substanliam de l’acte de foi, et les missionnaires ou catéchistes n’ont pas coutume de l’en instruire : il lui suffit de savoir vaguement, comme aux premiers siècles de l'Église, qu’il faut un secours de la grâce pour arriver à l’acte de foi, et que ce secours ne lui est pas refusé. Il n’a pas la moindre idée de deux jugements pratiques de crédibilité à faire l’un après l’autre, l’un rationnel, l’autre surnaturel, l’un conditionnel, l’autre catégorique. — b) Les Pères n’expliquaient pas davantage aux fidèles de leur tennis l'élévation de la nature à faire un acte surnaturel, ce mystère de la grâce donl la raison ne voit pas l’impossibilité, niais ne voit pas non plus la possibilité, et qui doit la faire, hésiter au moment de dire : credendum est. Au contraire, ils se COntentaient de comparer l’acte de foi divine à l’acte naturel par lequel nous croyons tous un grave témoignage humain, sauf le surplus de fermeté que mérite naturellement le témoin hors ligne qu’est Dieu. Voir col. 110 sq. Ils supposent donc que Dieu mettra dans l’acte la surnaturalité nécessaire sans que l’homme ait besoin de s’en préoccuper, ni d’en être

averti par une illumination spéciale, ni d’y proportionner son Jugement de crédibilité. c) Saint Thomas Suppose que les motifs rationnels de crédibilité font voir le credendum du premier coup, et sans aucune condition m réserve, quand il dit : A'"" crederet nisi viderei ea esse credenda, vel propter evidentiam signorum pil propter uliquid hu/usmodt. Sum. theol., Il II.

q. i, a. l, ad 2 i.e P. Gardeil cherche a expliquer ce

credenda au sens impropre d’une aptitude seulement éloignée de la chose a être « rue : et cela sous prétexte

que, les m stères de la foi sonl. dans le < ontetc, ce ; isidérés seulement in gênerait, Sciltcet snh i ommunnatione credibilis. t. a crédibilité et l’apologétique, 2e édit., p. 55. Mais c’est une propriété commune > i"ni Juge mellt de Crédibilité, qu’il ne pénel le pas dans le fond

de la vérité du mystère ni dans sa démonstration Intrinsèque et particulière, >i qu’il se contente de l’atteindre par le dehors et pai un moyen général) i" témoignage constaté par dei In gênerait,

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