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ces jugements ne sont pas, à proprement parler, le fondement de la foi, comme les prémisses d’un syllogisme sont le fondement de la conclusion. Ils sont nécessaires pour permettre de procéder avec prudence à l’acte de foi, et pour le rendre suffisamment raisonnable ; mais ils ne dosent pas sa certitude. Ils restent toujours d’une certitude inférieure, chez les savants comme chez les ignorants. Ce n’est pas à eux que l’acte de foi emprunte sa certitude suprême, c’est à d’autres causes, qui d’ailleurs ne font pas défaut chez les enfants et les simples. Voir plus bas ce que nous dirons de la certitude propre de la foi.

Dira-t-on que la certitude relative avec sa fermeté sans infaillibilité, est un désordre, et qu’17 ne convient pas qu’un désordre introduise la foi'/ Mais on ne peut appeler « désordre » ce que la nature, ou plutôt son auteur, utilise pour l'éducation normale de l’enfant et de l’ignorant. Voir Croyance, t. iii, col. 2380, 2381. Dites que c’est une imperfection de l’intelligence : mais souvenez-vous que la foi surnaturelle, elle aussi, est essentiellement imparfaite, et comme telle cessera dans la patrie ; une imperfection peut bien introduire à quelque chose d’imparfait 1 Et puis, il y a ici-bas des imperfections nécessaires, et même harmonieuses par rapport à tel être. L’abstraction, le raisonnement sont des imperfections de l’intelligence, et seraient un désordre en Dieu, la destruction même de Dieu : ce n’est pas un désordre dans l’homme. On objecte saint Thomas : Quandocumque intelleclus movetur ab aliquo fallibili signo, est aliqua inordinalio in ipso, sive perjecte (certitude relative) sive imperfecte (opinion) moveatur. De verilale, q. xviii a. 6. Mais il entend un « désordre » par rapport à l’intelligence idéale, ou plutôt par rapport à L’intelligence d’Adam au paradis terrestre, qui est le sujet qu’il traite. L’intelligence d’Adam aurait été, d’après lui, si parfaite qu’elle n’aurait même jamais produit l’acte d’opinion : Nunquam intelleclus hontinis inclinalus fuisset magis in imam parlera quant in aliant nisi ab in/allibili aliquo molivo. Ex quo pctlel quod… penilus nulla opinio in eo fuisset. Loc. cil. Mettons que l’opinion eût été un désordre dans Adam avant la chute, et qu’il en était préservé par une extraordinaire providence : en tout cas, elle n’est pas un désordre dans saint Thomas, qui avoue lui-même soutenir ici, à propos d’Adam, une simple opinion : Respondeo dicendo quod circa hoc est duplex opinio. Loc. cit. Et ce qui est vrai de l’opinion, qui n’est pas un désordre dans saint Thomas, l’est également de la certitude relative, qui n’est pas un désordre chez ceux qui en ont besoin.

Reste une objection importante, que nous ne pouvons traiter en ce moment : si un enfant n’a sur le fait de la révélation qu’une certitude relative, plus tard avec le développement de son intelligence devenue plus exigeante, viendra un moment où les motifs anciens de crédibilité ne lui suffiront plus : il sera donc obligé d’abandonner la foi ? Mais nous entrons ici dans une question différente, celle de la persévérance dans les jugements de crédibilité et dans la foi, sans aucune interruption ; nous l’examinerons plus tard avec le soin qu’elle mérite. — La solution d’autres objections est indiquée par les théolo que nous avons cités ; et les questions qui vont suivre achèveront d'éclaircir certaines difficultés.

3. Corollaire.

Dans l'Église catholique comme ailleurs, il peut arriver que plusieurs soient obligés de bure, autant qu’il est en eux, le même acte de foi sur un article faux qu’ils feraient sur un article vrai. Ceci résulte : a) du principe que nous avons établi sur l’obligation qu’ont les enfants de croire ceux qui les instruisent, à moins que leur conscience ne soit p : ir ailleurs spécialement avertie ; 0)dU tait que le curé,

dans la présentation des dogmes à croire, ne jouit pas du charisme de l’infaillibilité, comme le magistère suprême de l'Église, et peut errer. Sans doute il y a entre l'Église et les sectes séparées cette différence, que dans la première cet accident sera bien plus rare, soit à cause du enoix et de la préparation des ministres du cuite, soit à cause de la surveillance exercée par les supérieurs hiérarchiques, particulièrement pour la conservation de la foi : mais enfin le cas n’y est pas impossible, soit excessive négligence et manque d’instruction dans un prêtre, soit malice et hérésie occulte. L’enfant qui ne pourrait s apercevoir d’un cas si exceptionnel quand il arriverait, qui ne le soupçonnerait même pas, serait tenu alors de croire comme dans les cas ordinaires. Si l’on objecte qu’il est absurde d'être obligé à croire fermement comme parole de Dieu un faux article de foi, nous répondrons que cette solution n’est qu’une application de ce principe universellement reconnu en théologie morale, que l’on est tenu de suivre sa conscience même dans les cas où elle est invinciblement erronée. — Nous avons dit : Ils sont obligés alors de faire, autant qu’il est en eux, le même acte de foi qu’ils feraient sur un article vrai. » Mais nous ne disons pas qu’ils réussissent alors à faire un véritable acte surnaturel de foi : la vertu infuse n’y pourra pas coopérer, comme nous l’expliquerons ailleurs. Au contraire, quand ce qu’ils tâchent de croire est vraiment révélé, l’acte pourra être surnaturel, sans que cette différence soit aperçue par le sujet lui-même. « Ils ne sont pas tenus de croire d’une véritable foi théologale, disent les Salmanticenses, mais d’une foi qui soit théologale en apparence seulement. Nous admettons donc qu’une chose non révélée de Dieu peut parfois être proposée comme révélée et comme évidemment croyable. » Cursus theologicus. De fide, disp. II, n. 96, Paris, 1879, t. xi, p. 147. Enfin, leur foi naturelle des vrais mystères n’est point empêchée par l’erreur qu’ils y ajoutent de bonne foi, en croyant un faux article sur l’autorité de ceux qui les instruisent. Voir S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ b. ii, a. 6, ad 3°".

Suarez reconnaît que la solution donnée est presque unanimement acceptée, fere communis est. De fuie, disp. III, sect. xiii, n. 7, Opéra, Paris, 1858, t. xii, p. 109. Cependant il hasarde comme « probable » une théorie contraire qui n’a pas eu de succès, quoiqu’elle ait trouvé de nos jours un apologiste. Voir C. Pesch, Prxlectiones, t. viii, n. 305, 307, p. 137, 138. Partant d’une distinction bien connue entre la proposition publique et infaillible faite a tous les fidèles par l'Église, voir col. 161, et la proposition privée faite par le curé ou le catéchiste, qui distribue la première au détail, si l’on peut dire, et à quelques fidèles seulement, Suarez dit que la seconde « n’est pas suffisante pour croire d’un assentiment de foi infuse, si ce n’est quand on peut se rendre compte, avec certitude et sans aucun doute, que cette proposition privée est conforme a la doctrine infaillible de L'Église. Dans le cas proposé (du curé qui enseignerait un faux article de foi) quiconque est trompé pourrait, s’il voulait réfléchir, douter si cette doctrine est conforme ou non a celle de l'Église… Obligé peut-être à ne pas nier (ad non discredendum) avant d’avoir examiné davantage, ou tout au plus à donner à ce qu’on lui enseigne une certaine croyance, il n’est pas tenu de croire d’une toi qui n’admette aucune hésitation, Jusqu'à ce qu’il soit In de la doctrine de l'Église. » I. » r. cit., a. 9, p. 110. Voici donc un enfant simple et candide à qui le prêtre, qui pour lui représente La religion et l'Église,

enseigne un faux mystère. Si cet enfant VOUlalt ic Qéchlr, nous dit-on, il pourrait douter. Quelle possibilité en a-t-il ? Qui l’avertira ? L’insuffisance de l’autorité du curé? Mais cette autorité suffit a ui enfant.