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gisme, la majeure et la mineure ayant une certitude absolue, l’une comme principe, l’autre comme fait d’expérience, il n’y a pas à s'étonner que la conclusion ait une certitude absolue, elle aussi. On peut donc passer d’une certitude relative et improprement dite du fait de la révélation à une certitude absolue et infaillible de la prudence de croire.

En face de la certitude purement relative qu’ont beaucoup de fidèles du fait de la révélation, nous constatons chez d’autres catholiques une certitude absolue du même fait : non pas sans doute une certitude mathématique mais une certitude morale vraiment infaillible, si l’on contrôle attentivement la valeur des motifs. Telle est la certitude à laquelle un catholique arrive par l'étude approfondie et consciencieuse de l’apologétique et de la théologie. L’apologétique lui donne le fait général de la révélation chrétienne et le fait général de l'Église catholique infaillible. La théologie dogmatique lui donne le contenu détaillé de la révélation, les dogmes définis par l'Église avec leur vrai sens, et ceux qui sans être définis appartiennent à la foi catholique. Qu'à l’aide de ces sciences nous puissions arriver à une certitude infaillible et absolue de la révélation de nos dogmes, cela résulte non seulement du contrôle des arguments eux-mêmes, mais encore, par voie d’autorité, de mainte parole du concile du Vatican : divinæ revclalionis signa certissima… Dcus Ecclesiam manifestisjiolis inslruxit… teslimonium irrejragabile… Recla rclio fidei fundamenta demonstral, etc. Denzinger, n. 1790, 1793, 1794, 1799.

Ainsi, bien que le jugement pratique de crédibilité, comme nous l’avons montré tout à l’heure, ait la même certitude absolue chez les ignorants que chez les savants ; bien que l’acte de foi qui vient après, et qui tire sa certitude suprême, non pas seulement de la certitude préalable qu’on a de ses préambules, mais d’autres sources encore, ait la même certitude spécifique chez les ignorants que chez les savants, comme nous l'établirons par la suite : il n’en est pas moins vrai qu’au moins sur un des préambules, le fait de la révélation, il y a dans l'Église deux classes de fidèles, dont l’une a une certitude essentiellement inférieure, quoique ferme. Si dans cette classe on peut l’emporter, et on l’emporte souvent du côté de la volonté et du mérite, l’autre l’emporte toujours du côté intellectuel, et à ce point de vue possède une réelle supériorité, comme l'Église primitive l’affirmait déjà au témoignage d’Origène : « Notre doctrine elle-même reconnaît qu’il est bien préférable d’adhérer aux dogmes en se servant du raisonnement et de la sagesse qu’en se servant de la simple foi. » Conl. Cclsum, 1. I, n. 13, P. G., t. xi, col. 680. Voir plus haut, col. 81.

La certitude absolue d’un certain nombre de chrétiens, au sujet du fait général de la révélation et de son contenu, était d’ailleurs nécessaire aux autres, soit pour les instruire et les diriger, soit pour défendre leur foi contre les hérétiques et les incrédules ; car si les fidèles doivent être prêts à rendre raison de leur espérance et par conséquent de leur toi qui la fonde, I Pet., m, 15, les enfants et les simples ne peuvent accomplir ce devoir que par l’intermédiaire d’autrui. De là aussi la division scolastique des croyants en majores et minores, au point de vue de la perfection intellectuelle de leur foi, les minores s’appuyant sur la classe dirigeante des majores. Voir S. Thomas, Sum. theol., II a IL 1 ', q. ii, a. G. De là enfin les services que non seulement la théologie et l’apologétique, mais les sciences purement naturelles et tout particulièrement les sciences philosophiques rendent à la foi. Voir l’encyclique JEtcrni Palris de Léon XIII en 1879. Ces principes de l'Église sont à rappeler dans un temps de nivellement démocratique comme aussi d’antiintellectualisme en religion, et de foi purement senti mentale. C’est dans les doctes seuls que la société des croyants prend conscience de la valeur objective de son apologétique ; c’est en eux seuls qu’apparaît pleinement cette harmonie de la foi et de la raison, qui répond aux accusations de la libre-pensée, et qui profite au bon renom de l'Église entière.

Cependant quelques théologiens de nos jours, au sujet des préambules de la foi, s’efforcent de minimiser la différence entre le docte et le simple, et de relever celui-ci en lui accordant la certitude infaillible et proprement dite. S’ils gardent le nom de « certitude respective » , en le restreignant à une infériorité purement accidentelle et sans importance, ils changent le sens que donnaient à ce mot les scolastiques qui l’ont employé les premiers ; ce qui ne contribue pas à la clarté. S’il s’agissait de l’acte de foi lui-même chez les simples, ils auraient raison de lui attribuer une valeur infaillible ; de même, s’il s’agissait du jugement pratique de crédibilité. Mais il est question maintenant des jugements spéculatifs qui sont à l’origine. j Et même sur ce terrain, s’il ne s’agissait que de ces premiers préambules de la foi, l’existence de Dieu, sa science, sa véracité, on pourrait plus facilement s’entendre. La connaissance spontanée de l’existence de Dieu, telle qu’elle se rencontre même chez l’ignorant, paraît basée sur une preuve rudimentaire et très simple, dont on peut toutefois défendre la valeur

absolue, et qui est au fond quelqu’une des preuves

i de la théodicée, aperçue en dehors de tout appareil scientifique. Voir Dieu (Son existence), t. iv, col. 912 sq. L’argument étant par lui-même court et simple, son moyen terme peut se trouver le même chez l’ignorant que chez le savant : alors entre eux la différence ne serait pas essentielle, elle consisterait dans une connaissance plus ou moins réfléchie, dans une forme plus ou moins méthodique de la preuve, dans la réfutation des objections qui sera le fait du seul savant, mais qui d’ailleurs n’est pas nécessaire à la valeur absolue de l’argument en soi. Tout reviendrait donc ici à la différence purement accidentelle qu’on admet en philosophie entre la certitude « scientifique » et la certitude « vulgaire » pour plusieurs vérités premières, soit immédiatement évidentes, soit prouvées par un raisonnement court et facile. Le vulgaire en a une certitude qu’on peut dire « infaillible, absolue » , et non pas seulement « relative » ; son moyen de preuve, son motif est objectivement valable, suffisant en soi à donner la certitude à tous les esprits. C’est dans ce cas que valent les considérations présentées par M. Bainvel dans la Revue pratique d’apologétique, 1908, t. vi, p. 180. Encore faudrait-il remarquer qu’un enfant n’a parfois d’autre raison d’admettre l’existence de Dieu et ses infinies perfections, que parce que ses parents ou son curé les lui ont affirmées. Quand saint Thomas, à propos de ces vérités : Deum esse, et Deum esse unum, etc., répond : Prseexiguntur ad ea quæ sunl fidei, et oporlct ea saltem per fldem præsupponi ab his qui eorum demonslrationem non habent, Sum. theol., IIa-IIæ*, q. i, a. 5, ad 3um, ces mots per fldem præsupponi nous semblent ne pouvoir être entendus que de cette foi humaine qui peut remplacer la preuve de l’existence ou de l’unité de Dieu chez l’enfant qui n’a pas cette preuve intrinsèque, demonstratio.

Mais quand il s’agit du fait de la révélation, celui des préambules de la foi qui est le plus difficile à connaître avec une vraie certitude, alors la différence entre l’enfant ignorant et l’homme qui a approfondi l’apologétique devient forcément plus qu’accidentelle. Un fait historique se prouve par des témoins ; un fait divin comme la révélation et la révélation faite à un autre se prouve par des signes divins, des miracles destinés à la confirmer, et arrivant jusqu'à nous, eux aussi, par le témoignage des hommes : au témoignage humain