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FLACIUS ILLYRICUS

avec lui une discussion publique devant les prédicateurs de la ville. Poussé dans ses derniers retranchements, il promit de renoncer au mot substance, mais il refusa d’admettre celui d’accident. L’accusation de manichéisme reparut aussitôt, et les pasteurs rompirent avec lui. Pour toute réponse, il leur adressa son Engel der Finstcrniss, pour qu’ils pussent se convaincre que la doctrine de ses contradicteurs n’était rien moins qu’une abomination papiste. Il eut beau ensuite en appeler à la diète de Spire, les Strasbourgeois l’accusèrent d’avoir rompu le pacte promis, et le conseil, à la demande de l’électeur de Saxe, le fit bannir.

7° Ses dernières années {1572-157 !)). — Flacius était désormais condamné à errer comme un vagabond dans cette Allemagne protestante qu’il avait remplie de ses œuvres, de ses querelles théologiques et de sa puissante personnalité. Réfugié à Bâle, il fut obligé d’en partir encore, à la demande de l’électeur de Saxe. « Les calvinistes, dit Dôllinger, La Réforme, trad. franc., Paris, 1849, t. ii, p. 245, poussèrent des cris de joie en voyant que l’Achille du luthéranisme était dans son pro, re parti évité comme un pestiféré et repoussé comme un galeux. » A Francfort on ne voulut pas le recevoir ; il se rendit secrètement à Mansfeld, puis à Berlin, parcourut la Silésie et la Hesse, à la faveur d’un déguisement, et retourna finalement à Francfort, d’où on allait encore l’expulser, lorsqu’il mourut, relativement jeune, le. Il mars 1575. « Ainsi succomba Flacius, après avoir été traqué par toute l’Allemagne prolestante comme une bête fauve. Si la fin malheureuse de cet homme qui, par l’étendue de ses connaissances dans la théologie et l’histoire, l’emportait sur tous ses contemporains protestants, fit si peu de sensation, on le peut expliquer parce que, sous c^tte Réforme qui dévorait ses propres enfants comme un autre Saturne, rien n’était alors plus commun que de voir des réformateurs et des pasteurs mourir de la même mort ; et sans doute aussi, parce qu’on ne pouvait guère le plaindre d’avoir à endurer un traitement qu’il avait fait lui-même subir à Mélanchthon, son bienfaiteur. » Dôllinger, op. cit., t. ii, p. 246. Il finit comme le bouc émissaire de tout son parti. Une telle fin, si elle s’explique jusqu’à un certain point par les défauts de l’homme et l’intransigeance trop altière du docteur, n’est pas à l’éloge de ses coreligionnaires. Flacius, semble-t-il, méritait mieux, car il fut le plus grand théologien luthérien de son temps et le disciple le plus obstinément fidèle à la doctrine de Luther.

II. Écrits.

1° Activité littéraire de Flacius : sentiments qui l’inspirèrent. — Toujours sur la brèche, Flacius ne cessa pas de combattre par la plume. Écrits en allemand ou plus souvent en latin, ses lettres, ses opuscules, ses petits traités et ses ouvrages de longue haleine témoignent de la plus grande activité littéraire. Deux sentiments surtout l’excitèrent : la haine contre l’Église romaine et le désir d’assurer le triomphe à la cause de la Réforme par le maintien intégral de la doctrine de Luther.

La haine rend d’ordinaire excessif et injuste : ce fut le cas pour Flacius. Sans parler de la grossièreté des termes ou de la virulence des propos, il eut recours a la satire, au pamphlet, à la calomnie. C’était sans doute à ses yeux de bonne guerre, car il estimait qu’on ne devait avoir ni trêve ni repos contre l’Antéchrist et la cour de Rome, et que tout était bon pour combattre la cause de tant de maux. Aussi, chaque fois qu’en vue d’apaiser les esprits et de faire cesser les discordes relig.euses, on essaya de s’entendre, tout au moins sur des points secondaires qui laissaient de côté la doctrine, s’empressa-t-il de pousser le cri d’alarme et de mettre le holà. Ces tentatives d’accom modement, qu’il qualifiait d’alliance entre le Christ et Bélial, il les regardait comme un retour en arrière, comme une abdication.

Il ne traita pas avec moins de sévérité et d’emportement ceux de ses coreligionnaires qui se permettaient d’interpréter dans un sens mitigé la doctrine luthérienne ou d’introduire dans les questions du péché originel, du salut et de la justification quelques nouveautés jugées inacceptables. Gardien inflexible de la pure orthodoxie, il estimait que l’enseignement de Luther devait rester le dernier mot, absolument intangible et sacré : de là le rôle qu’il joua d’Aristarque ou plutôt de pape luthérien intransigeant. Il avait pour lui la logique, mais elle était basée sur un faux point de départ ; au nom du libre examen, chacun pouvait lui répondre qu’il avait le droit d’exprimer sa pensée et de faire valoir ses convictions. Lorsque Flacius constata l’insuccès partiel de ses efforts, lorsque par surcroît il se vit en butte aux suspicions et à la persécution, il ne manqua pas de déplorer la triste situation religieuse de l’Allemagne, de récriminer contre les uns et les autres ; et finalement il en appelait au jugement dernier, qu’il croyait imminent.

C’est dans les épîtres dédicatoires placées en tête de chaque centurie qu’il manifeste ces sentiments : celle qu’il adressait à Éric, roi de Suède, en publiant la Ve centurie, Ecclesiaslica hisloria, Bâle, 1562, p. a, 4, 5, 6, est particulièrement intéressante à ce sujet. C’était après son expulsion d’Iéna. Il y rappelle d’abord les magnifiques élans de la prédication évangélique à ses débuts ; mais quels changements depuis ! Sed quali, proh dolor ! et quam horrenda ingratitudine nos homines isla ingenlia omnipotentis Dei bénéficia excipimus ! Quam enim tetra peccata, scelera, ftagitin in orbe christiano nunc simul inundant ! Sans doute, ajoute-t-il, faisant allusion à lui-même et à ses amis, il est encore des docteurs, dispersés çà et là, qui maintiennent la pureté de la parole divine et dénoncent courageusement les multiples erreurs, mais ils sont vilipendés et persécutés, non seulement par les enfants du siècle, de la part desquels cela n’a pas lieu de surprendre, mais aussi par des confrères qui les traitent de rigoristes, d’hérétiques, de brandons de discorde, jusqu’au point de faire agir le bras séculier, donec desperantes de suée causse bonitaie et gladio spirilus, sollicitant et insligant potentiores, vl ejusmodi voces sua aucloritale, quin et cruenlis gladiis, compescanl. Suit une allusion aux troubles regrettables de l’Intérim, et rémunération des concessions fâcheuses et des erreurs nouvelles : Cessio facta est in arliculo de libero arbitrio, in gratiam papistarum, quasi homo non regeneratus possil in conversione adDcum cooperari.

— Cessio…, quod principaliter ftde jusliftcamur ; quod de parlicula sola in isla proposilione : sola fide justificamur, non sil pugnandum coram Antichristi sociis. — Cessio…, quod bona opéra sunt ad salulem seu jusliliam necessaria, et quod impossibile sil absque bonis operibus saluus seu justus fteri. — Cessio…, quod in cceremoniis viva Antichristi larva sit recipienda. C’est, disait-il, le triomphe de la philosophie et du papisme. Et faisant allusion à Mélanchthon, il se moque de cov amateurs de conciliation, de ces hommes d’autorité et de doctrine, qu’on en est venu à vénérer comme des demi-dieux ou des idoles, non aliter quam s^midei et qusedam idola. Il déplore enfin l’intrusion du pouvoir civil dans les affaires religieuses, ce qui va donner autant de papes que de princes, de magistrats ou ce grands seigneurs ; et quels papes, quand la plupart d’entre eux ne savent même pas se servir du glaive temporel 1 Et plane sicut olim ponti/icii procercs in Ecclesia scelerala régna hujusmodi invaserunl, ita nunc vicissîm politici, illotis quasi manibus, in gubernationem